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La philosophie de Gilles Deleuze

Publié le 22/02/2012

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" Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien ". Cette petite phrase de Michel Foucault, qui passait alors pour le nouveau grand philosophe français, stupéfia en son temps son public anglo-saxon. Deleuze était alors inconnu du large public international qui avait reconnu Sartre par exemple, ou Foucault, ou Althusser, etc. Mais rétrospectivement, il se peut en effet que Deleuze ait été le philosophe de ce mouvement toujours décentré par rapport à ce qu'on le disait être, et appelé malgré lui le structuralisme, à condition que l'on se souvienne qu'à peu près tous les grands structuralistes ont manifesté le besoin de se démarquer par rapport au mouvement : aussi Deleuze fût-il du même coup le philosophe du " post-structuralisme ". Un peu d'histoire... La pensée de Gilles Deleuze, comme toutes les grandes pensées philosophiques, est inséparable de l'histoire politique et intellectuelle de ces étranges années, dont 1968 est la date charnière. Au fil du parcours philosophique de Deleuze on peut, très arbitrairement, distinguer un premier temps, qui amène notre philosophe après un long travail de commentateur commencé dans les années 50, à cette année 1968, année prodigieusement féconde au cours de laquelle il publiera une rafale d'ouvrages décisifs, aussi bien comme commentateur (Spinoza et le problème de l'expression) que ces deux livres, " grands parmi les grands " pour reprendre l'expression de Foucault, que sont Logique du sens et Différence et Répétition.
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« souvent les mêmes que Deleuze n'a jamais été " fidèle " aux auteurs qu'il prétendait commenter, et qu'il leur faisaitdire ce que lui pensait...

En vérité, le travail de Deleuze montre combien ces catégories sont faibles, et que lacréation philosophique est comme une manière de faire jouer dans une langue une autre langue, produire à l'intérieurd'un discours un léger écart qui change tout.

Deleuze a renouvelé la lecture des textes philosophiques sur lesquels ila écrit, et à chaque fois il a recueilli comme une goutte de rosée quelque nouveau concept qu'il a su " faire marcher" avec d'autres dans un autre système.

Deleuze prétendait faire des enfants dans le dos des auteurs qu'il lisait, etconcevait " l'histoire de la philosophie comme une sorte d'enculage, ou, ce qui revient au même d'immaculéeconception.

Je m'imagine arriver dans le dos d'un auteur, et lui faire un enfant, qui serait le sien et qui seraitpourtant monstrueux.

" A part le livre sur Kant, dont Deleuze dit qu'il est un livre sur un ennemi dont il étudie en quelque sorte la machinerieintérieure, Deleuze a tracé une sorte de ligne sombre qui est celle d'un certain matérialisme de la joie, qui unirait lacritique du négatif, la culture de la joie et la dénonciation des pouvoirs, et qui passerait notamment par Lucrèce,Hume, Spinoza, Nietzsche, voire Bergson.

Nous touchons là une position essentielle de Deleuze : il a toujours vouluécrire contre le négatif, contre la dialectique et contre Hegel, une éthique de l'affirmation, qui deviendra avec l'Anti-Œdipe une éthique du désir.

Il suffit de lire les textes tardifs pour sentir, dans l'écriture elle-même, cette jubilation,cette exultation qui devient une valeur de la pensée.

D'une manière générale, Deleuze pense le projet d'unephilosophie de la libération qui passe par une libération de la philosophie elle-même, et donc par une subversion del'écriture philosophique : et les philosophes sérieux qui se réclament de Deleuze ne doivent pas oublier qu'il cherchaitquelque chose comme une pop'philosophie. Il est rigoureusement impossible de " résumer " la philosophie de Gilles Deleuze : d'autant que si une philosophie estfaite de concepts, il faudrait décrire les concepts les plus importants et la manière dont ils s'articulent.

L'on peutcependant essayer de dégager un axe qui donne une idée de l'orientation de la pensée de Deleuze, une direction delecture. Structure et multiplicité. Ce qu'il y a peut-être de plus constant dans les textes de Deleuze, c'est la manière dont il oppose deux images de lapensée.

A l'image de la pensée comme représentation, et au concept de vérité comme norme de la pensée danslaquelle celle-ci doit se conformer à un Réel tout-puissant supposé exister souverainement quelque part, Deleuzeoppose une autre image de la pensée comme création et comme jouissance : le désir est production et la productionest jouissance.

Penser ce n'est pas représenter sur un mode " idéel ", de quelque manière qu'on le pense, mais créer; mais créer c'est combiner entre eux des éléments hétérogènes et variables dans un espace que Deleuze appelle leDehors, pour bien signifier qu'il est l'espace de rencontre de l'hétérogène, qui ne suppose pas une relation intérieureentre les éléments.

On peut lire les livres de Deleuze comme différentes manières de penser et de formuler cettesynthèse de l'hétérogène en tant qu'hétérogène, auquel Deleuze donne aussi le nom de multiplicité, en insistant biensur le fait que le rapport entre les différents " éléments " d'une multiplicité ne se fait pas sous le chapeautage d'uneUnité transcendante, ou sur le fond d'une identité commune plus ou moins abstraite et générale, mais bien que lesdifférences se rapportent les unes aux autres comme différences et dans leurs différences (principe d'immanence).Deleuze a toujours dit que ce concept de multiplicité vient de Bergson, qui s'en sert pour penser la durée dans LesDonnées immédiates de la conscience.

Mais il a été ensuite élaboré pour désigner, comme nous l'avons dit, leconcept de structure.

Presque toutes les thèses que l'on trouvera un an ou deux plus tard dans Logique du sens oudans Différence et Répétition se trouvent déjà dans l'article intitulé " A quoi reconnaît-on le structuralisme ", quel'on peut de ce fait recommander comme une bonne introduction à la problématique de Deleuze.

Dans ces textes,Deleuze tente de dépasser l'opposition entre structure et genèse, pour montrer au contraire que le structuralisme etnon pas la phénoménologie est la philosophie génétique elle-même.

C'est pourquoi il faut opposer au structuralismefrançais la version formaliste du structuralisme russe, directement inspirée par la linguistique.

Une multiplicité ou unestructure est un ensemble dans lequel les éléments n'ont pas d'identité en eux-mêmes, mais n'existent que pourautant qu'ils se rapportent les uns aux autres de manière variable : les éléments ne peuvent pas varier sans fairevarier leurs rapports (variation).

Il faut donc penser les rapports entre les éléments d'une structure ou multiplicitécomme des rapports différentiels : en effet, dans un rapport différentiel la variation d'un élément dépend de lavariation de l'autre : si dy est indéterminé par rapport à y, et dx indéterminé par rapport à x, néanmoins le rapportdy/dx est tout à fait déterminé, parce que les deux éléments se déterminent réciproquement dans leur relation elle-même.

Un rapport différentiel est donc un rapport dans lequel les éléments n'ont ni sens ni existenceindépendamment des rapports réciproques dans lesquels ils sont pris ; ces rapports ne se font pas néanmoins parattribution à partir de l'unité transcendante d'une totalité.

Dans une structure, il y a donc trois " niveaux " : 1°) deséléments qui diffèrent des individus réels (par exemple la force de travail n'est pas l'ensemble des salariés), qui secomposent ; 2°) en un système de rapports différentiels, qui constitue la structure à proprement parler (parexemple le système des rapports phonématiques d'une langue, ou le système des rapports entre " parentèmes "chez Lévi-Strauss, etc.), qui diffèrent des relations entre des individus (ainsi les rapports différentiels quiconstituent un " mode de production " tel que l'analysaient Althusser et ses collaborateurs dans Lire le Capital, nerecoupent pas les relations sociales entre les individus concrets), et 3°) des singularités qui correspondent à cesrapports et en sont des effets remarquables, lorsque les éléments se déterminent réciproquement en unedétermination complète : ainsi on peut déduire d'une équation différentielle les singularités de la courbe.

Il importedonc de remarquer que les individus ou les choses concrètes ne font jamais qu'occuper des positions et jouer desrôles, les personnes sont des masques, conformément à l'étymologie (persona) : les rapports différentiels ne se fontpas entre individus complets, mais entre " objets partiels ", et Deleuze présente une nouvelle philosophie del'individuation.

Car le mouvement qui va de la structure aux individus concrets est nécessaire, précisément parce. »

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