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La passion romantique est habituellement présentée comme destruction, ravage, catastrophe. Vous vous demanderez dans quelle mesure le romantisme n'envisage pas tout autant, et même davantage, la passion comme une base pour édifier un monde nouveau. ?

Publié le 06/04/2009

Extrait du document

  • 1) Plan très simple, suggéré par l'énoncé même du sujet, qui rappelle d'abord un lieu commun, celui suivant lequel le romantisme se caractériserait par de grandes passions malheureuses (Lamartine et Mme Charles, Musset et George Sand, Vigny et Marie Dorval, etc.) Il sera normal de commencer par rappeler ce lieu commun et d'en dégager la philosophie selon une certaine conception du romantisme. Mais selon une autre conception (celle du romantisme humanitaire, constructeur d'un monde nouveau}, la passion apparaît comme un élément positif, et le montrer sera l'objet d'une seconde partie; cette seconde partie n'en appellera sans doute pas une troisième, car elle constituera en elle-même une discussion qui ne pourra guère être surmontée par une synthèse.

 

  • 2) On ne limitera pas l'étude de la passion romantique aux années 1820-1850 : n'hésitant pas à élargir de l'École ci la tendance, on pourra aussi bien considérer Manon Lescaut ou Tristan et Yseut comme des exemples de passion romantique. Cependant c'est plus dans la première partie que cet élargissement sera possible que dans la seconde, car c'est justement l'honneur de l'époque romantique proprement dite que d'avoir opéré ce retournement de la passion catastrophique à la passion constructive.

 

I L'aspect catastrophique de la passion

II L'aspect humanitaire, constructif de la passion

 

« présente comme obstacle, dénoncé comme artificiel et périmé.

Par exemple, dans de nombreuses œuvresromantiques, l'obstacle est de nature sociale et certes, s'il est naïf de croire, comme G.

Sand dans ses premiersromans, que la passion entre des amants de condition sociale très différente suffit à résoudre le problème de la luttedes classes, il l'est beaucoup moins de dénoncer cet obstacle de classe, comme le fait Hugo dans Ruy Blas.L'obstacle qui sépare Ruy Blas de la Reine est au fond le même que celui qui sépare cet intellectuel pauvre desclasses au pouvoir et on peut en dire autant à peu près de Chatterton, séparé de Kitty Bell par toute l'épaisseur del'univers bourgeois auquel il n'a pas accès.

Cet obstacle est donc très différent de celui qui sépare Manon de DesGrieux : Des Grieux, en choisissant une femme facile et éprise de plaisirs, choisissait vraiment la catastrophe, alorsque l'amour d'un Ruy Blas ou d'un Chatterton est une sorte de poussée humaine et sociale profonde, malgrél'obstacle, et la catastrophe n'est qu'un accident, grave sans doute, mais non délibérément choisi. 2 Les vertus de l'amour.

En fait très souvent l'amour romantique ne se débarrasse des lois morales ou sociales quepour leur substituer ses propres lois.

Il ne s'agit donc pas nécessairement de supprimer toute loi, mais de déclarerartificielles morale et législation reçues, qui, justement en entravant l'amour, ce sentiment si profondément humain,font la preuve de leur caducité et de leur inutilité.

Dès lors l'amour substitue son ordre et ses vertus propres àl'ordre social et aux vertus sociales.

Il réhabilite la courtisane (Marion Delorme, La Dame aux camélias), rend àl'enfant naturel toute sa dignité d'homme et d'une façon générale fait de l'homme médiocre ou de la femme perfide,une fois unis, un couple sublime.

Cette dernière idée est une des bases du théâtre de Musset (cf.

par exemple, Onne badine pas avec l'amour, acte II, scène 5, fin : « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards,hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses,vaniteuses, curieuses et dépravées; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampentet se tordent sur des montagnes de fange; mais il y a au monde une chose sainte et sublime : c'est l'union de deuxde ces êtres si imparfaits et si affreux.

On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux;mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : J'aisouffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé.

C'est moi qui ai vécu, et non pas un être facticecréé par mon orgueil et mon ennui.

»). 3 Le couple et l'humanité.

C'est que le couple romantique ne se referme pas nécessairement sur lui-même et sur sonbonheur.

On peut même dire que, s'il a brisé pour son compte les obstacles sociaux, c'est ensuite pour se retournervers l'humanité et lui apporter un message d'espérance.

C'est la grande idée de Vigny dans Les Destinées etnotamment dans La Maison du Berger.

Certes il y a aussi chez Vigny la malédiction contre Dalila, mais ce n'est qu'unaccident provoqué par un mauvais choix.

En fait, la femme idéale, l'Éva de La Maison du Berger, se retire seule avecson poète dans la nature, mais afin de méditer sur les destinées de l'humanité.

On étudiera de ce point de vue toutela troisième partie de La Maison du Berger.

Éva est près du poète le symbole de l'humanité, l'amour d'une femme estcomme le commencement et le signe de l'amour de tous les hommes, amour que Vigny oppose à l'amour vain del'Éternel impassible (Dieu, nature, etc.) : « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois.

» Aimer la femme, c'est doncaimer l'humanité dans sa grandeur précaire et menacée, et, du reste, la principale occupation du poète avec Évaest de méditer sur les morts et sur l'avenir, bref sur le destin de l'humanité : «Viens du paisible seuil de la maison,roulante / Voir ceux qui sont passés et ceux qui passeront.

» Conclusion La vision conventionnelle de l'amour romantique est donc tout à fait fausse.

Certes dans le romantisme « élégiaque», celui de 1820, celui du « mal du siècle », il est peut-être assez difficile de découvrir cet envers constructif de lacatastrophe (encore que les Méditations de Lamartine fassent apparaître tout un plan de « constructions »métaphysiques : Elvire guide le poète vers un ciel plus ou moins platonicien).

Mais, à partir du moment où leromantisme devient libéral et humanitaire, à partir de 1827 et surtout de 1830, l'amour romantique constitue unebase pour la construction d'un monde nouveau, et l'on n'oubliera pas qu'à peu près à la même époque les saint-simoniens et les positivistes cherchent à placer à la source de tout progrès humain et à la base de leur religion del'humanité une sorte de femme symbolique représentant cet aspect constructif de l'amour (cf.

Auguste Comte etClotilde de Vaux).

Or saint-simoniens et positivistes ont beaucoup influencé Vigny, Hugo, G.

Sand, etc.

Ainsi, àtravers des hésitations (surtout visibles chez Musset) et d'inévitables naïvetés, s'inaugure à l'époque romantiqueune conception très moderne de l'amour, d'un amour où l'homme et la femme, loin de se complaire en un double etmutuel narcissisme, regardent l'un et l'autre avec espoir vers des temps meilleurs (Saint-Exupéry, Aragon, Éluard,etc.).. »

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