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La métaphysique n'est-elle qu'une spéculation abstraite sans rapport avec la vie ?

Publié le 22/02/2012

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Le rôle et l'objet de la métaphysique sont les principes universels de la réalité qu'elle cherche à découvrir sans faire appel à l'expérience. Cette discipline n'avance donc que par la logique de la pensée de ceux qui la cultivent, et n'étudie pas la réalité concrète mais l'être en général, c'est-à-dire ce qu'il y a de commun à tout ce qui est. Elle travaille donc sur une abstraction et par des abstractions universelles. Au contraire, la vie, autant comme ensembles d'activités biologiques (la vie des êtres vivants) que comme ensemble d'expériences vécues par un individu (la vie de chacun de nous) semble être toujours particulière et concrète, en prise directe sur la réalité, et non universelle et abstraite.   Mais la vie désigne aussi, lorsqu'elle est appliquée aux êtres humains, l'existence humaine, qui n'est pas une simple succession de faits routiniers et quotidiens destinés à remplir les besoins vitaux mais une suite d'événements à laquelle on cherche à donner un sens, une orientation, un but. Or, la métaphysique semble pouvoir répondre à ce genre de questionnement autour du sens de la vie, à ces questions que l'on dit souvent « existentielles. » En effet, cette discipline se préoccupant de toutes les réalités, étudie ainsi trois objets qui ne peuvent être étudiés par d'autres sciences parce qu'en dehors de l'expérience : l'esprit, Dieu et le monde. Elle serait ainsi à même de proposer des réponses aux problèmes liés à la vie spécifiquement humaine : sommes-nous immortels ? le cours du monde a-t-il un but ? pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? etc.   Le problème est alors de savoir si la métaphysique peut vraiment, avec ses démarches logiques d'abstraction, espérer pouvoir répondre à ces problèmes propres à toute vie humaine, ou si au contraire elle ne perd pas ce qui fait le caractère particulier et concret de ces questionnements en les traitant ainsi, perdant alors leur caractère vital.

« métaphysique suit donc bien la « conscience immédiate », la pente naturelle de la vie de chacun de nous, et elle aalors pour tâche de reconstruire le sens commun à partir de concepts certes abstraits mais précis.

Cette forme demétaphysique ne semble donc pas pouvoir aller à l'encontre du mouvement de la vie.C./ Au contraire, elle représente une dimension de la vie psychique.

Toujours dans l'avant-propos, Bergsonremarque que la psychologie, en étudiant les rapports entre corps et esprit, s'est concentrée sur la dimension activede l'esprit humain.

En effet, la psychologie étudie en premier lieu la perception ; or la perception d'une chose esttoujours conditionnée par l'action que l'on peut avoir dessus ; donc c'est bien le caractère actif de l'esprit que lapsychologie a étudié en premier lieu.

Au contraire, la métaphysique a cherché à saisir l'esprit humain non en tantqu'action vers un but, mais en tant qu'énergie créatrice, c'est-à-dire non dirigée par une fin utile.

« La psychologiea pour objet l'étude de l'esprit humain en tant que fonctionnant utilement pour la pratique, […] et la métaphysiquen'est que ce même esprit humain faisant effort pour s'affranchir des conditions de l'action utile et pour se ressaisircomme pure énergie créatrice.

» Comme on l'a dit, la métaphysique est opposée à l'action : c'est justement pourcela, et non à cause de cela, qu'elle peut s'intégrer à la vie humaine qui a une part contemplative, contemplationqui n'est pas soumise aux impératifs de la vie biologique et qui amène à se poser les fameuses questions« existentielles.

» Ainsi la métaphysique n'a rien d'une abstraction, elle peut même, comme la psychologie, être« transportée sur le terrain de l'observation » et faire l'objet d'une étude empirique.

Elle représente ainsi une partfondamentale de la vie humaine, qui est aussi une vie de l'esprit.

Mais précisément, jusqu'à maintenant, on a cherché comment la métaphysique pouvait s'intégrer au cours de la viehumaine : ne faut-il pas penser que la métaphysique, comme les autres activités de l'être humain, résulte de savie ? Le rapport entre métaphysique et vie serait donc celui d'un effet et d'une cause, et toute métaphysique seraiten intime relation avec le type de vie qu'a vécu celui qui l'a formulée.

III./ Métaphysiciens malgré nous.

A./ Lorsque nous regardons une main déployée, qu'y voyons-nous ? Cinq doigts.

Mais il n'y a pas de raison d'y voirplus cinq doigts que quatre articulations entre les doigts.

Seulement nous repérons, lorsque nous voyons cinqdoigts, plutôt les individus que les relations.

Comme nous l'avons dit, il y a dans notre manière de vivre le plusquotidiennement, une certaine manière de voir et de parler qui enveloppe déjà une certaine forme de métaphysique.B./ Cette métaphysique que nous sécrétons tous, d'où vient-elle ? C'est à cette question que répond Waismann,dans une conférence intitulée « la vérifiabilité », où il remarque que l'on a « tendance à croire qu'il y a un monde defaits opposés à un monde de mots.

» Or en réalité, c'est ce monde de mots qui modèle la manière dont onappréhende le monde de faits.

Par exemple, si l'on ne peut dire « la mer est bleue » mais uniquement quelque chosecomme « la mer bleuit », cela implique que l'on ne voit pas les objets comme étant dotés de qualités mais animés par des processus .

« Nous voyons à présent le bleu différemment »écrit Waismann.

Tout ce qui est de l'ordre de l'action, du mouvement, de la relation entre les choses, serait bien plus important pour nous, et peut-être verrions-nous alors quatre (articulations) et non cinq (doigts) lorsque quelqu'un nous montrerait sa main.

Ce qu'identifie iciWaismann comme origine de notre métaphysique quotidienne, c'est donc le langage, la forme particulière que nousavons de nous exprimer : « Le langage affecte la façon toute entière dont nous prenons conscience d'un fait.

»C./ La vie humaine n'est pas spécifique uniquement parce qu'elle est aussi une existence dotée d'une volonté desens.

Elle est particulière en ce qu'elle implique une vie sociale réglée par la communication, l'échange, le débat,bref, le langage.

C'est ce langage qui peut être compris comme une des sources possibles de la sécrétionpermanente de la métaphysique.

Celle-ci n'aurait donc rien d'une abstraction : bien au contraire, elle résulteraitdirectement de la manière dont on vit, et surtout dont on parle, parce que « le langage est le couteau avec lequelnous découpons les faits.

» Ainsi, bien loin de voir la métaphysique comme une activité sans rapport avec la vie, nous avons vu qu'elle pouvaitentretenir avec notre existence humaine des rapports soit très conflictuels, soit très intimes.

Mais le plus importantest de remarquer que la métaphysique, comme toute activité culturelle, porte toujours la marque de la vie socialehumaine de ceux qui l'on produit.. »

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