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LA MÉTAPHYSIQUE ET L'EXPÉRIENCE ?

Publié le 14/06/2009

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Il est d'usage de considérer la métaphysique comme une connaissance étrangère à l'expérience et dont les spéculations relèveraient de la seule raison ou plus exactement du raisonnement le plus abstrait qui se puisse concevoir. Conception qui nous paraît aberrante et dont nous tenterons de faire justice immédiatement. Mais l'étymologie du mot métaphysique y est peut-être pour quelque chose. a) Une étymologie spécieuse mais instructive. L'origine du terme métaphysique est toute fortuite et ARISTOTE lui-même n'en est pas responsable, qui appelait cette science l'ontologie ou la philosophie première. C'est ANDRONICOS DE RHODES, éditeur d'ARISTOTE au ter siècle avant Jésus-Christ qui prit l'initiative d'appeler livres métaphysiques, ce qui faisait suite aux livres exposant la physique aristotélicienne. Mais l'adverbe grec (méta) signifie à la fois après et au-dessus ou au delà. Les choses métaphysiques sont alors celles qui viennent après les choses physiques, dans l'ordre de l'exposé, pour être au-dessus d'elles dans l'ordre des fondements. La métaphysique apparaît comme une trans-physique ou une hyperphysique, la science suprême, celle des premières causes et des premiers principes. C'est vrai en soi et rien ne serait fâcheux en cette affaire si certains penseurs n'en prenaient prétexte pour prétendre qu'elle traite de ce qui est en dehors de l'expérience et de la nature, l'exposant ainsi à ne parler que de réalités inaccessibles dont l'authenticité même ne peut manquer d'être mise en doute. Bien au contraire, si la métaphysique dépasse l'expérience et la nature, ce ne peut être que dans l'intention de les fonder, de les justifier, d'en donner la plus haute raison d'être, d'en approfondir la signification. Dépasser le réel en profondeur ce n'est pas l'oublier et le perdre de vue, c'est tenter de pénétrer jusqu'à son coeur.

« Ce qui est au centre de la métaphysique, c'est bien le Cogito tel que DESCARTES le concevait, c'est-à-dire ladécouverte de la liaison nécessaire entre la pensée et l'existence, la prise de conscience d'une double intériorité,d'une double présence : la présence de la pensée au coeur de l'être, la présence de l'être au coeur de la pensée.Or le Cogito est non seulement une intuition mais aussi une expérience : l'expérience immédiate que l'esprit fait delui-même et de l'acte qui nous fait exister en nous donnant la qualité de sujet pensant et en nous révélant en mêmetemps que nous sommes inscrits dans l'être.En visant directement l'esprit, la métaphysique se transporte au centre de l'expérience puisque c'est l'esprit qui estla source de la connaissance, de l'action, des valeurs et de l'existence digne de ce nom, c'est-à-dire, libre,consciente et réfléchie.

C'est par rapport à l'esprit que tout prend un sens dans la condition humaine et tout relèvede l'empire de la conscience puisque sans elle nous ne saurions pas qu'il pût exister quoi que ce soit.Seulement l'habitude prévaut de ne pas s'apercevoir de cette vérité et de ne songer, en fait d'expérience, qu'àl'expérience de l'objet extérieur.C'est qu'il y a plusieurs formes ou sortes d'expérience.

Pour simplifier, on peut distinguer :L'expérience externe ou extérieure, dite sensible, parce qu'elle porte sur des objets sensibles saisis grâce auxsensations dans le cadre de la perception.L'expérience extérieure scientifique qu'il vaudrait mieux appeler l'expérimentation et qui porte également sur lemonde extérieur, mais qui dépasse les données sensibles immédiates pour les interpréter, les expliquer et atteindre lanature dans sa réalité profonde, grâce à l'activité de la raison qui la dirige et l'organise.L'expérience interne ou intérieure qui est la prise de conscience de l'esprit par lui-même, le sentiment que donne leCogito de la présence et de la réalité de la pensée.

L'esprit s'aperçoit alors de son existence soit par réflexiondirecte, soit pour s'être réfléchi sur les objets qui se proposent à lui.Un instant de réflexion, trop rarement consenti par certains, suffit pour découvrir cette évidence invincible que lesdeux autres formes d'expérience —sensible et scientifique — sont tributaires de l'expérience intérieure, de la prise deconscience du sujet pensant par lui-même.

En effet, que cette expérience ne soit pas et rien ne serait pour nous,alors même que les choses existeraient en soi dans leur réalité absolue.

Du reste l'objet n'est objet que pour unsujet qui le pense ou le saisit comme tel, quand il ne le constitue pas.On pourrait même soutenir que la seule expérience véritable est l'expérience spirituelle puisque l'esprit se retrouvedans les autres expériences et que le monde est suspendu à la pensée qui le pense, enveloppé dans la lumière de laconscience, intéressant pour nous dans la mesure où l'esprit s'y reflète, y projette les images de son activité, ycherche les réponses à ses interrogations.Il reste à préciser d'abord que cette expérience du sujet pensant s'étend à l'homme pris dans l'universalité de sanature au lieu de se limiter à la subjectivité personnelle, ensuite que sa portée n'est pas seulement psychologique,mais ontologique : c'est notre réalité substantielle qu'elle saisit dans le Cogito et non seulement les phénomènespsychiques qui apparaissent dans la conscience, comme la mémoire et l'imagination par exemple.En vue de donner de la positivité à la métaphysique, BERGSON voulait qu'elle fût à base de psychologie : laconception est très intéressante, mais il se pourrait que la psychologie fût seulement le moyen de révéler ou dedécouvrir l'expérience métaphysique intérieure à l'esprit, identique à sa vie profonde, immédiatement donnée dans leCogito.Ainsi l'expérience aurait droit de cité en métaphysique et dans ses divers sens :• comme enseignement qui se dégage des activités de l'homme engagé dans les situations de l'existence;• comme épreuve ou fait d'éprouver quelque chose immédiatement, en soi-même, en vertu des privilèges que nousconfère le Cogito ;• comme observation provoquée ou invoquée en vue de contrôler une hypothèse ou une théorie.De toute façon l'expérience présuppose un donné, un ensemble de faits qui se révèlent à la pensée.

Or l'esprit estpour lui-même, ou plutôt pour la pensée, ce donné principal et fondamental, à condition de voir en lui autre choseque le seul sujet de la connaissance, savoir : l'être même qu'il possède et l'être autre que lui, dont en lui, se révèlela présence et dont il participe.Il existe bien une expérience métaphysique; la métaphysique est, sinon expérimentale, du moins expériencielle (ouexpérientielle) en tant qu'exploration de l'être dans tous ses aspects, méditation sur l'être tendant à révéler saprésence, sa signification et sa valeur.

Elle est bien selon la formule de BERGSON l'expérience intégrale.On pourrait même soutenir que toute expérience est en quelque façon et de quelque côté métaphysique, dans lamesure où elle a prise sur l'être et nous parle de lui.SARTRE écrit justement : « La métaphysique n'est pas une discussion stérile sur des notions abstraites quiéchappent à l'expérience.

C'est un effort vivant pour embrasser du dedans la totalité de la condition humaine.

». »

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