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La conscience de soi permet-elle une connaissance de soi ?

Publié le 13/04/2009

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La conscience que nous avons de nous-mêmes est loin d'être toujours transparente et infaillible. Les conduites de mauvaise foi en témoignent, ainsi que l'expérience que nous faisons parfois d'une désillusion, qui nous fait réaliser en même temps rétrospectivement à quel point notre conscience peut nous tromper. Mais comment nous connaître nous-mêmes, sinon à partir de ce même témoignage de la conscience ? Si la conscience n'est pas par elle-même une connaissance, peut-elle la rendre possible ? Et si elle est source d'illusions, peut-elle du moins ne pas constituer un obstacle insurmontable et « permettre «, en ce sens au moins négatif, une connaissance de soi ?
 
  • [I] Que la conscience de soi ne soit pas nécessairement une connaissance de soi, et que nous ne soyons pas toujours ce que nous avons conscience d'être, c'est ce dont témoignent, paradoxalement, les moments où il nous arrive de prendre ou de reprendre conscience de nous-mêmes, à l'occasion d'un événement ou d'une intervention d'autrui qui nous fait réfléchir et nous amène à nous remettre en question, ce qui suppose que nous avons pu, soit nous oublier (en faisant une action que nous ne ferions pas en toute lucidité, compte tenu de ce que nous sommes et voulons être, à nos yeux comme à ceux des autres), soit nous méconnaître (en refusant, par mauvaise foi, de nous voir tels que nous sommes), et ainsi avoir une conscience imparfaite ou fausse de nous-mêmes. Mais la conscience de soi permet-elle une connaissance de soi ou faut-il qu'un événement extérieur vienne nous sortir de notre rêve ou de notre illusion ? La conscience n'est-elle pas plutôt ce qui nous induit naturellement en erreur ou en illusion sur nous-mêmes ?
 


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« [II] Mais la connaissance de soi peut aussi viser, non l'individualité, sans doute insaisissable, mais notre natured'être pensant en général.

Quant à la conscience de soi, elle ne se réduit pas à la conscience que chaque individupeut avoir de ce qui le distingue des autres, elle peut aussi, comme conscience intellectuelle de soi, viser ce quenous avons de commun avec tout être pensant.De ce point de vue, les Méditations de Descartes constituent une expérience de pensée qui, nous faisant passerd'une conscience naturelle de nous-mêmes et du monde à une conscience réduite par l'exercice du doute àl'expérience pure qu'elle a d'elle-même et de son vécu, montre de quelle manière et en quel sens la conscience desoi peut constituer une authentique connaissance de soi.

Cette connaissance n'est pas l'effet de la conscience quenous avons naturellement de nous-mêmes et qui accompagne, tacitement et sans que nous y pensions, toutes nosreprésentations, mais elle n'est pas non plus l'effet d'une simple introspection, ou d'un retour de l'esprit sur lui-mêmeafin de s'observer.

Elle est l'effet d'une résolution, la résolution de douter selon un cheminement méthodique.

Cetterésolution, méthodiquement dirigée, conduit, on le sait, à découvrir une limite au doute à l'intérieur même du doutele plus hyperbolique : je ne peux douter de mon existence, en tant que pure existence pensante, dans la mesure oùelle est la condition même du doute.

Je parviens ainsi à une connaissance de moi-même et de ma nature d'êtrepensant qui s'identifie bien à une conscience de moi-même, mais une conscience qui, loin d'être naturelle, n'accèdeà elle-même que par l'ascèse d'une méditation « métaphysique ».

Ce n'est donc pas la conscience que nous avonsspontanément de nous-mêmes qui nous permet de nous connaître, mais une conscience à laquelle nous parvenonspar le processus même qui nous conduit à la connaissance.S'agit-il bien là, cependant, d'une véritable « connaissance » de soi ? Peut-on encore parler de connaissance là oùaucun objet n'est constitué ni constituable ? Comment penser le sujet de toute connaissance comme objet deconnaissance sans méconnaître sa nature ? On peut en douter et reconnaître, avec Kant, que la conscience de soiconçue comme conscience d'un sujet pensant en général 6 est, finalement, inconnaissable et constitue la condition,impossible à objectiver, de toute connaissance objective et de toute expérience en général.

La conscience de soidoit sans doute pouvoir accompagner toutes nos représentations, mais ne peut s'en détacher et ne peut se saisirséparément et devenir à elle-même son propre objet.

Ainsi, nous ne nous connaissons pas plus dans notre naturegénérale d'être pensant que dans ce que l'expérience nous apprend de notre individualité, de sorte qu'il faudraitconclure, là encore, que la conscience de soi ne saurait permettre une connaissance de soi.Mais cette conception de la connaissance n'est-elle pas réductrice ? Toute connaissance doit-elle être pensée surle modèle de la connaissance objective que fournissent les sciences de la nature ? Est-ce ainsi qu'il faut penser laconnaissance de soi ?Dans le cas contraire, cela ne devrait-il pas nous conduire à penser autrement le rapport de la conscience de soi àla connaissance de soi ? [III] Remarquons tout d'abord que la connaissance de nous-mêmes à laquelle nous fait accéder la seconde desMéditations de Descartes n'est pas, malgré le langage utilisé par Descartes pour la décrire (« Je ne suis,précisément parlant, qu'une chose qui pense »), du même ordre que la connaissance des choses (si nous opposonspar là les choses aux personnes, et pensons la « chose » sur le modèle de l'objet des sciences de la nature).

Eneffet, la notion ou connaissance que j'ai de moi-même ne peut être claire et distincte que si j'exclus de moi tout cel'imagination me représente7, alors que l'imagination est au contraire ce qui nous accoutume à former des notionsdistinctes des corps, et ce, non dans la représentation (confuse, justement) que nous en donne la représentationordinaire, mais bien dans la connaissance que nous en procure la physique mathématique, de sorte que laconnaissance que j'ai de moi-même, à la différence de la connaissance que je peux avoir des corps, et uneconnaissance qui, sans être plus difficile ou moins certaine (« l'âme est plus aisée à connaître que le corps »), n'estpas une connaissance proprement « objective », est une connaissance que je ne peux pas détacher de moi-mêmeet de l'expérience de pensée qui m'y fait accéder, et ne se distingue pas de l'acte par lequel je l'atteins.

Rienn'empêche alors de considérer, bien au contraire, la conscience que je peux prendre de moi-même par le travail dudoute comme une authentique connaissance.Mais, dans ces conditions, ne faut-il pas revenir sur ce que nous avons dit précédemment, quand nous avons fait dela connaissance de soi, telle que Descartes la conçoit, une connaissance de notre nature pensante en général,opposée à la connaissance personnelle de soi, réputée impossible par nos premières analyses ? Quoi de pluspersonnel, en effet, qu'une connaissance de soi inséparable de celui qui y accède et que chacun doit réeffectuer enpremière personne ? Ce que je découvre, en effet, par l'expérience du doute, avec mon existence etinséparablement d'elle, c'est mon libre-arbitre, effet et condition de mon pouvoir de suspendre mon jugement, libre-arbitre dont je ne peux prouver l'existence que par l'expérience même qui me le fait connaître, en même tempsqu'elle me fait connaître mon existence et ma nature d'être pensant.

Or, ce libre arbitre est, justement, la seulechose qui nous appartienne véritablement, et sur quoi puisse se fonder, par l'usage que nous en faisons, l'estime desoi et la « vraie générosité9 », qui est la vertu achevée, de sorte que l'on peut dire que la connaissance que nousen avons n'est pas seulement intellectuelle mais permet de de donner à notre existence une dimension éthiqueexcluant, par conséquent, son caractère « impersonnel ».

[Conclusion] La conscience de soi, finalement, bien entendue, c'est-à-dire comme prise de conscience de soi par un travail de lapensée (prise de conscience qui, nous mettant à distance de ce que nous étions, nous transforme par cela même,mais nous transforme de façon paradoxale, en nous rendant en quelque sorte à nous-mêmes et à notre liberté, ennous faisant « devenir ce que nous sommes10»), est bien une connaissance de soi, mais une connaissance qui nefait qu'un avec son « objet », connaissance à la fois personnelle et indubitable, résultat d'une résolution de lavolonté et non d'une introspection à l'objet insaisissable, et que personne ne peut posséder à ma place.. »

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