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KANT: Une propriete de la raison

Publié le 05/05/2005

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Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l'appui de l'imagination, créer artificiellement des désirs, non seulement sans fondements établis sur un instinct naturel, mais même en opposition avec lui ; ces désirs, au début, favorisent peu à peu l'éclosion de tout un essaim de penchants superflus, et qui plus est, contraires à la nature, sous l'appellation de « sensualité' » . L'occasion de renier l'instinct de la nature n'a eu en soi peut-être que peu d'importance, mais le succès de cette première tentative, le fait de s'être rendu compte que sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux, fut, chez l'homme, capital et décisif pour la conduite de sa vie. KANT
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« L'histoire de la philosophie définit souvent l'homme comme le seul être vivant raisonnable, capable de s'émanciper durègne de l'instinct et du déterminisme physique (la « nature ») en distinguant le vrai du faux dans le registrethéorique, et le bien du mal dans le domaine pratique.Mais pourquoi faudrait-il à tout prix se libérer de la nature ? A trop vouloir s'en affranchir, ne risque-t-on pas de laperdre alors qu'on en est issu, et de la détruire alors qu'on y vit ?La solution consiste peut-être à définir la raison comme une juste compréhension de la nature. [I.

La raison affranchit l'homme de la nature] [1.

La raison comme rupture avec l'instinct naturel]La raison comprise au sens large comme faculté de penser permet à l'homme de s'émanciper du règne animal del'instinct .

Car l'instinct indique uniquement les voies de l'utile et du nuisible : manger et boire, dormir, fuir le danger,se reproduire.

Toutes choses nécessaires à l'homme lui-même.

Mais la raison seule y greffe, voire y substitue, despréoccupations de nature théorique (est-ce vrai ou faux ?) et morales (est-ce bien ou mal ?).

Elle permet à l'hommede ne pas agir uniquement dans l'instant, mais d'inscrire son acte dans une temporalité qui se marque par la réflexiondélibérative, l'action proprement dite, et l'évaluation responsable des conséquences de son choix. [2.

La raison comme puissance d'innovation]La raison permet ainsi à l'homme d'échapper au cours ordinaire et déterminé des phénomènes, et de choisir, fût-ceen se trompant, une voie différente de celle de la nature.

Rousseau en donne un exemple parlant dans le Discourssur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : un oiseau se laissera mourir sur un tas de viande, etun chat sur un tas de grains, non parce que cela leur serait préjudiciable d'en manger, mais parce qu'ils n'en ont pasl'idée.

La nature ne les a pas « programmés » pour cela .

Dans une situation de famine, l'homme sait en revanchemettre à profit tout élément susceptible de l'en sauver, même si cela contrarie sa nature : on a vu des hommesmanger d'autres hommes dans le seul but de survivre.La raison constitue donc une sorte de stratagème pour enrayer le cours naturel et prévisible des choses.

Elle permetde déjouer l'instinct en innovant. [3.

La raison comme renoncement à l'état de nature]Enfin, la raison permet à l'homme de calculer son intérêt et d'agir en conséquence.

Car à l'état de nature, quidésigne la condition des hommes indépendamment de toute société, chacun a droit sur tout, sur les biens commesur la personne d'autrui.

C'est le « ius in omnia » décrit par Hobbes dans le Léviathan.

L'activité rationnelle permet àl'homme de comprendre qu'il vaut mieux renoncer à son droit naturel que de risquer en permanence la mort violente.Mieux vaut s'allier aux autres et constituer un droit civil, qui assure la sécurité de chacun et punit celui quil'enfreint.

La raison permet ici un véritable affranchissement puisqu'elle permet à l'homme de vivre en paix.Mais pourquoi l'affranchissement devrait-il s'accompagner d'un renoncement à la nature ? A trop vouloir s'enémanciper, ne risque-t-on pas de la tuer en soi et à l'extérieur ? La raison a-t-elle vraiment tous les droits sur lanature ? [II.

La raison n'affranchit pas l'homme de la nature, mais la pervertit] [1.

La raison étouffe la nature en chaque homme]Le texte de Kant le rappelle : l'homme est, aussi, un être naturel.

L'affranchir définitivement de l'instinctif et duspontané revient ainsi à tuer ou à refouler une partie de ce qui le constitue comme être humain.

Ne s'agit-il pas ence cas d'une fausse libération ? Dans le Gorgias de Platon, Calliclès explique ainsi à Socrate, que la loi (« nomos »),que l'on pourrait aussi nommer raison commune, oblige les individus à refouler leurs passions (leur nature.

« phusis »)et à se couler dans un moule uniformisant avantageant en réalité les plus faibles.

Elle bride ainsi toutes les énergieset empêche chacun de s'exprimer en toute indépendance, sans contraintes.

En ce sens, la raison étouffe la voix dela nature et favorise la médiocrité. [2.

La raison comme voie du superflu et du trouble]On a montré plus haut que l'éveil de la pensée consciente permettait à l'homme de s'émanciper du seul instinct etde déroger au cours déterminé des choses.

Mais cela a une conséquence, contraire à la notion de libération : laraison ouvre à l'homme le chemin de ce qui n'est pas naturel, bref, du superflu et de l'inutile.

Dans la Lettre àMénécée, Épicure nomme l'ensemble de ces désirs des désirs « ni naturels ni nécessaires » : tel met raffiné etcoûteux au lieu d'un simple morceau de pain, tel type et couleur d'étoffe à la place d'un morceau de toilequelconque.

Mais ce n'est pas tout.

La raison introduit aussi en l'homme bon nombre de craintes sans objet, quiempêchent l'esprit d'atteindre l'ataraxie, l'absence de trouble.

Parmi ces craintes figure la crainte de la mort, quiprocède du fantasme et non de la réalité.

L'affranchissement par rapport à la nature devient ici synonyme d'une viegâchée, par la poursuite du superflu et les craintes sans fondement.

C'est l'opposé d'une vie libre. [3.

L'arraisonnement de la nature]La volonté de promouvoir à tout prix la raison sur la nature a une dernière conséquence : elle fait risquer l'«arraisonnement » de cette dernière (Husserl, La Crise des sciences européennes et la phénoménologietranscendantale).

La raison désigne ici la faculté calculatrice, qui cherche à réduire les êtres et les choses (êtreshumains y compris, donc) à des quantités définies et manipulables, afin de prévoir et d'utiliser.

Elle place doncl'homme en position d'absolue domination par rapport à un milieu dont il est pourtant issu, sans le responsabiliserface aux conséquences possibles de son attitude : destruction de la végétation, non-respect de la vie, insertion de. »

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