KANT: Quand la question est de savoir si une chose est belle
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- Le beau, dans un premier temps doit être distinguer de l’utile : est utile tout ce qui satisfait directement ou indirectement d’un besoin, mais ce terme s’applique tout particulièrement aux moyens indirects de cette satisfaction : les outils, les machines, les gestes des différents métiers, les échanges ou l’argent. Or la chose belle ne satisfait pas plus directement un appétit de consommation, mais elle ne contribue pas non plus à produire des moyens de satisfaire cet appétit. Devant une belle œuvre on ne demande pas à quoi « ça sert ? ».
- Mais tout comme la beauté ne peut pas légitimement identifier à l’utilité, elle ne peut pas non plus, en toute rigueur, être identifier à l’agréable. Et c’est précisément l’enjeu de l’extrait qui nous occupe que de montrer que le jugement de goût propre à juger la beauté est à la fois pur de tout intérêt et libérer de toute notion d’agrément au sens de ce qui plait.
« Explication de texte : Kant, Critique de la faculté de juger PRESENTATION DE LA "CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER" DE KANT Dans cette troisième et dernière Critique, Kant (1724-1804) obéit à des motifs apparemment disparates. Un objectif interne de complétude architecturale : il s'agit de trouver un moyen terme de liaison entre le monde nouménal de la liberté transcendantale constitué par la raison dans son usage pratique et le monde naturel de la nécessité mécanique constitué par l'entendement, moyen terme qui permettrait de saisir dans le monde les effets de la liberté. Ce moyen terme, Kant va le trouver dans le concept de finalité, concept privilégié d'une faculté de juger, intermédiaire entre raison et entendement. L'harmonie présente dans ce qui nous frappe par sa beauté ou dans les êtres vivants, et qui semble obéir à une volonté, paraît établir un pont entre le monde physique et le monde nouménal. De manière plus large, Kant prend ici en charge certains des débats majeurs et des innovations du siècle : la naissance de l'esthétique comme réflexion sur le jugement de goût qui date du milieu du siècle et qui accompagne l'autonomisation concomitante du champ artistique, mais aussi les controverses scientifiques sur la spécificité du vivant par rapport à la nature purement mécanique, débat lui plus ancien et qui remonte au moins au mécanisme du xviie siècle. Extrait Si l'on me demande si je trouve beau le palais que je vois devant moi, je puis sans doute répondre : je n'aime pas ces choses qui ne sont faites que pour les badauds, ou encore répondre comme ce sachem iroquois qui n'appréciait à Paris que les rôtisseries ; je peux bien encore déclamer, tout à la manière de Rousseau, contre la vanité des grands qui abusent du travail du peuple pour des choses aussi inutiles ; enfin je puis me persuader bien facilement que si je me trouvais dans une île inhabitée, sans espoir de jamais revenir parmi les hommes, et que j'eusse le pouvoir par le simple fait de le souhaiter d'y transporter magiquement un tel palais, je n'en prendrais même pas la peine, supposé que je possède une masure assez confortable pour moi. On peut m'accorder tout cela et l'approuver ; // toutefois ce n'est pas là la question. On désire uniquement savoir si la seule représentation de l'objet est accompagnée en moi par une satisfaction, aussi indifférent que je puisse être à l'existence de l'objet de cette représentation. On voit aisément que ce qui importe pour dire l'objet beau et prouver que j'ai du goût, c'est ce que je découvre en moi en fonction de cette représentation et non ce par quoi je dépends de l'existence de l'objet. Chacun doit reconnaître qu'un jugement sur la beauté en lequel se mêle le plus petit intérêt est très partial et ne peut être un jugement en matière de goût pur. Pour jouer le rôle de juge en matière de goût il ne faut pas se soucier le moins du monde de l'existence de l'objet, mais bien au contraire être indifférent en ce qui y touche. Eléments d'introduction - - Le beau, dans un premier temps doit être distinguer de l'utile : est utile tout ce qui satisfait directement ou indirectement d'un besoin, mais ce terme s'applique tout particulièrement aux moyens indirects de cette satisfaction : les outils, les machines, les gestes des différents métiers, les échanges ou l'argent. Or la chose belle ne satisfait pas plus directement un appétit de consommation, mais elle ne contribue pas non plus à produire des moyens de satisfaire cet appétit. Devant une belle œuvre on ne demande pas à quoi « ça sert ? ». Mais tout comme la beauté ne peut pas légitimement identifier à l'utilité, elle ne peut pas non plus, en toute rigueur, être identifier à l'agréable. Et c'est précisément l'enjeu de l'extrait qui nous occupe que de montrer que le jugement de goût propre à juger la beauté est à la fois pur de tout intérêt et libérer de toute notion d'agrément au sens de ce qui plait. Objet du texte A partir de l'analyse de la réaction, ou plutôt des réactions multiples possibles en ce qui concerne l'appréciation d'un palais, Kant cherche à montrer ce qui fait la spécificité du jugement de goût en tant qu'il porte sur le beau. Ici, il s'agit donc de distinguer le beau de l'agréable en montrant d'une part que le beau n'est pas engluer dans une relativisme esthétique, et en montrant d'autre part que le jugement de goût portant sur le beau doit être désintéressé. Articulations On peut tout à fait identifier deux moments logiques qui composent la démonstration selon laquelle le jugement de goût, en tant qu'il porte sur le beau, doit être désintéressé : 1er Moment : Ce 1 er Moment s'étend du début du texte jusqu'à « et l'approuver ». Kant procède à l'analyse détaillée des différentes possibilités d'appréciation relativement à la vue d'un palais. Il tend ainsi à montrer que l'agréable est avant tout relatif, et que dans cette perspective, l'expression « à chacun son »
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