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John Duns Scot

Publié le 22/02/2012

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Né en Écosse (d'où son surnom), John Duns entre dans l'Ordre de Saint-François en 1281, étudie à Oxford avant son ordination (1291), ensuite à Paris. Commencé à Oxford (1297-1301), son enseignement de théologien se poursuit à Paris ; de ce double enseignement résultent les multiples versions de son Commentaire des Sentences : commenter le Prologue et les quatre livres de Sentences (propos d'auteurs théologiques mis en ordre et, quand ils semblent s'opposer, dûment conciliés), composés au XIIe siècle par Pierre Lombard, est une tâche classique dans les Universités des XIIIe, XIVe, XVe siècles ; l'originalité des pensées se manifeste dans le cadre assez large de ce cours : discussion d'une suite de questions théologiques ou philosophiques posées à l'occasion du texte et en fonction des commentaires antérieurs. Banni en 1303 pour avoir pris le parti du Saint-Siège contre le roi de France, John Duns Scot retourne dans la capitale du royaume en 1305, y reçoit le grade de docteur en théologie, est enfin envoyé à Cologne où il meurt en 1308, à l'âge de quarante-deux ans. On peut donc tenir pour inachevée son oeuvre, qui apparaît celle d'un chercheur, attentif à éprouver ses concepts, instruments d'une analyse dont l'acuité vaudra à John Duns le titre de Docteur Subtil. Sa critique, d'ailleurs, n'est que mise à l'épreuve en vue et au cours même de la construction, équilibrée dans la hardiesse d'un élan lui-même retenu par l'effort de lucidité. Devenu pour les siècles à venir le plus illustre de ces spéculatifs abstraits qui reconnaissaient pour père spirituel le petit Pauvre d'Assise, le franciscain écossais exercera une énorme influence intellectuelle, même sur les adversaires de ses conceptions ; l'école théologique que formeront ses disciples rivalisera longtemps, dans l'Église romaine, avec l'école thomiste : l'unité des " scotistes " semble moins tenir à des thèses strictement conservées qu'à une technique et un style intellectuels ; continuateurs sans doute d'une recherche, ils pouvaient manifester à l'égard de leur maître une grande indépendance d'esprit.

« le faudrait pour orienter effectivement une vie humaine vers cette fin divine.

Reprenons des expressionsremarquables de M.

Gilson, décrivant l'attitude des esprits du XIVe siècle : au premier plan celui des " persuasionsthéologiques " il s'agit d'une " critique de la philosophie par la théologie " ; au second celui des " raisons naturelles "-même " sur les instances de la théologie ", on trouve seulement une " critique de la philosophie par elle-même " :reconnaissance de l'impossibilité où elle se trouve de répondre à une question pratiquement inévitable. La manière dont Scot semble juger de la philosophie par " le Philosophe " Aristote et ses continuateurs, incline àpenser qu'il la traite comme une " expérience déjà tentée, terminée ", comme un fait plutôt qu'une tâche.

Quelqueliaison qu'observe le théologien entre les positions des " philosophes ", celles-ci ne constituent pas à ses yeux unsystème de la pure raison comportant des erreurs nécessaires, opposées à des vérités de foi : la nature de la raisonne saurait inclure une véritable nécessité de l'erreur ; si elle se trompe, c'est qu'elle affirme plus qu'elle ne sait pardémonstration ; Duns Scot voit donc les " philosophes " dans une situation complexe, se faisant illusion sur la valeurde leurs preuves.

Comme l'a reconnu M.

Gilson, au moins par la critique, toute rationnelle, de ces illusions, lethéologien dans l'esprit de Scot, " peut encore créer du nouveau dans l'ordre philosophique ". Il n'est pas impossible d'esquisser l'introduction philosophique, réflexion sur la théologie, que contient cette dernière.A l'esprit qui réfléchit, celle-ci apparaît un savoir doublement nécessaire : non seulement d'une nécessité pratique,relative à l'homme en quête d'une fin ultime bien déterminée et des moyens d'y parvenir, mais encore mais d'abord-d'une nécessité absolue inscrite dans la structure des objets possibles de science, et qui s'impose à tout intellect.Si la Révélation, source du travail théologique, entre dans l'expérience humaine, pour combler une déficience de laconnaissance naturelle, c'est par sa continuité avec la pensée même de Dieu : plénitude, absolu du Savoir que DunsScot appelle " la Théologie en soi " : la preuve, métaphysique que par sa nature et sa valeur, qu'il donne del'existence d'un Être infini ne conduit-elle pas à reconnaître l'existence nécessaire d'une science "transmétaphysique " ? La nécessité du point de départ qui donne à l'argumentation le maximum de rigueur ne setrouve pas dans l'existant comme tel, donnée contingente, mais dans le possible qu'il manifeste : possibilité non paslogique, mais réelle, d'effectuation qui renvoie à un efficient.

Jugeant que, pour atteindre un Premier Moteur, il fautêtre plus métaphysicien pour le montrer " premier " que physicien pour le prouver " moteur ", Scot raisonne sur desessences et traite comme une essence l'être même qui, dans son " univocité ", " n'est qu'être ", objet de lamétaphysique en cette unité " d'indifférence " à toute détermination ultérieure, telle que " fini " ou " infini " : momentbien abstrait ; la métaphysique cependant est " science réelle ".

A la réflexion, l'efficient auquel renvoie toutepossibilité d'être se découvre Être Premier, donc Nécessaire, puis Entendement Infini.

Il convient d'insister sur le faitque l'intellectualisé conduit ici à l'infinité, trait caractéristique du Dieu scotiste : infini comme lieu, ou plutôt source,-en tant qu'intellect de l'infinité des intelligibles ; ce qui demande que soit mis à sa juste place le " volontarisme "traditionnellement attribué au maître franciscain.

Or, par une exigence de dépassement qui rappelle l'argument desaint Anselme invoquant la " grandeur de Dieu ", l'horizon d'un entendement infini s'étend nécessairement à plus deconnaissable qu'aucun autre n'en peut naturellement saisir, à un savoir que lui seul possède par nature : au-delà detoute acquisition possible d'un esprit fini, la théologie se trouve ainsi posée, non pas en nous, mais " en soi " ouplutôt dans l'intellect divin, adéquat par identité à son divin objet.

Que cette évidence de soi, et, par dérivation, detout autre, ne soit pas seulement par nature réservée à Dieu, mais qu'il la communique par grâce, cela suppose unenotion du caractère essentiellement volontaire de ses rapports avec autrui. La preuve scotiste de l'existence d'un être infini supposant qu'un premier efficient agit par volonté et de façoncontingente, l'argumentation pour la liberté de Dieu contre les " philosophes " peut s'intégrer dans une introductionmétaphysique à la théologie.

Cette conclusion acquise, la discontinuité paraît entre métaphysique attachée à desnécessités d'essences et théologie tournée vers des faits : actes de la liberté divine qu'on ne saurait déduire, quidoivent être révélés.

Ainsi la décision instituant un ordre du salut, acceptant tels moyens comme nécessaires etsuffisants à l'atteinte de la fin suprême ; et d'abord décision de sauver, c'est-à-dire d'unir des créatures à l'Incréédans sa béatitude, en appelant tout l'homme corps et âme à une vie éternelle (l'immortalité de l'âme ne semble pasà Duns Scot philosophiquement démontrable).

Communicable par grâce aux créatures, cette béatitude, liée à lavision de la nature divine, est d'abord celle du Père, éternellement communiquée au Fils et à l'Esprit.

Communicationnon moins nécessaire que l'infinité du Premier Être, mais, nécessité évidente à Dieu, La Trinité ne se présente pasautrement qu'un donné contingent à l'homme auquel, même croyant, l'essence divine demeure cachée.

Ainsi tous lesdogmes ont le caractère de vérités de fait ; la déduction en est impossible, mais non une certaine compréhension. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour juger du " christocentrisme " de Scot, fameux dans l'École.

Sil'incarnation d'une personne divine, chef-d'oeuvre de l'ordre universel, se voit reconnaître en elle-même une valeurindépendante de la rédemption qu'elle permet, du péché que celle-ci suppose, ce n'est point dans le contexte d'unrationalisme ultérieur auquel l'Incarnation, élément du monde le meilleur, fournirait la raison suffisante de la création.Création, Incarnation, Rédemption, sont ici des initiatives absolues d'une volonté qui n'a point de justification àchercher en dehors d'elle-même, ou plutôt d'un Amour dont la contingence radicale rend possibles la gratuité et lasurabondance de ses dons.

Lors même qu'elle paraît entrer dans les conseils de Dieu, coïncider avec une "psychologie divine ", la théologie de Scot veut seulement ressaisir l'intention créatrice révélée dans l'Incarnation, oùla charité se présente comme le sens même de l'univers.

L'ordre de prédestination où se situent le Christ et laVierge, aux premiers rangs des élus, n'assujettit à aucun destin le vouloir premier ; intérieur à ce vouloir même,détermination souverainement libre, c'est l'ordre même de l'histoire du salut, conçue dans la Vie créatrice qui en estla source, la liberté principe créateur étant, pour la créature, le fondement de toute contingence, la sauvegarde detoute liberté.

Quand on essaie de réunir en une simple vue les conclusions de questions éparses, on voit toute laRévélation se concentrer dans le Christ, union du fini et de l'infini, que Duns Scot ne manque pas d'analyser, avecquelque originalité, en n'oubliant pas que, sans s'y absorber, le fini renvoie à l'infini.

L'Incarnation, en effet, renvoie à. »

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