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JJ. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes

Publié le 27/02/2008

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« Je ne vois dans tout animal qu'une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu'à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J'aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l'homme concourt aux siennes, en qualité d'agent libre. L'un choisit ou rejette par instinct, et l'autre par un acte de liberté ; ce qui fait que la bête ne peut s'écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l'homme s'en écarte souvent à son préjudice. C'est ainsi qu'un pigeon mourrait de faim près d'un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits, ou de grain, quoique l'un et l'autre pût très bien se nourrir de l'aliment qu'il dédaigne, s'il s'était avisé d'en essayer. C'est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent la fièvre et la mort ; parce que l'esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore, quand la nature se tait. » JJ. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755

Le texte de JJ. Rousseau que nous allons expliquer est extrait du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Le thème principal de ce texte est la liberté humaine. Rousseau y défend la thèse selon laquelle c'est sa qualité d'agent libre qui définit l'homme en propre à son avantage et à son préjudice. Pour établir cette thèse, il se demande ce qui différencie essentiellement l'homme de l'animal. Pour répondre à cette question, il élabore tout d'abord une définition de l'animal au moyen d'une comparaison avec la machine puis, sur cette base, il procède à une nouvelle comparaison qui va lui permettre de définir l'homme par sa qualité d'agent libre. Cela le conduit dans un dernier temps à examiner les conséquences positive et négative de la liberté humaine.

 

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« pour accomplir ses fonctions.

Et, quels sont ces moyens ? Ce sont des sens c'est-à-dire des dispositifs organiquesfonctionnant à la manière de capteurs qui permettent tout à la fois à l'animal de ressentir les modifications de sonétat intérieur et de percevoir, dans son environnement, les éléments qui lui permettront de se maintenir en vie oucontre lesquels il devra se prémunir.

On comprend dès lors quelles sont les fonctions de la machine animale : « seremonter elle-même, et se garantir, jusqu'à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger ».Etrange machine dont le seul but est de se préserver elle-même tant à un niveau individuel par la satisfaction dubesoin nutritif qu'à un niveau collectif grâce à la reproduction invariante.

Et l'on aura remarqué que si Rousseauinsiste sur le fait que l'animal n'a d'autre but que se maintenir en vie, il affirme cependant qu'il ne peut le faire que«jusqu 'à un certain point », ce qui signifie qu'il est voué à disparaître.

L'animal est donc par sa nature un êtremortel, fini.

Au terme de cette première phrase on peut donc dire que Rousseau définit l'animal comme un êtrevivant animé, fini s'efforçant de persévérer dans son être au moyen de ses sens.

Dès le début de la deuxième phrase, dans laquelle il compare l'homme à l'animal, Rousseau annonce clairement leschoses : l'homme est animal.

En effet, il écrit : « J'aperçois précisément les mêmes choses dans la machinehumaine...

».

Et pourtant, précise-t-il immédiatement, il existe une différence essentielle qui va distinguer l'homme,non pas de l'animal, mais de la bête.

En effet, dans cette seconde phrase, et le détail n'est pas de peu ded'importance, il n'est plus question de l'animal puisque Rousseau écrit «...avec cette différence que la nature seulefait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l'homme concourt aux siennes, en qualité d'agent libre ».Pourquoi Rousseau a-t-il opéré ce glissement sémantique de l'animal à la bête? Sans aucun doute pour insister sur lecaractère irréfléchi des actes que les animaux des différentes espèces accomplissent pour se développer et semaintenir en vie.

Mais pour quelle raison la réflexion est-elle inutile dans l'ordinaire du monde animal ? Parce que « lanature fait tout dans les opérations de la bête ».

Ce sont donc des dispositions innées qui déterminentnécessairement et exhaustivement les mouvements qu'accomplissent les animaux.

A l'inverse l'homme n'agirait pasde manière prédéterminée mais en «qualité d'agent libre » c'est-à-dire en vertu d'une réflexion préalable.

Commentcomprendre cela ? Qu'est-ce qui permet à Rousseau de dire que, bien qu'ils poursuivent les mêmes but que lesautres animaux -persévérer dans leur être - grâce aux mêmes moyens - les sens - les hommes ne le font cependantpas en vertu du même principe ? C'est à n'en pas douter le contraste qu'offre l'uniformité et l'invariance descomportements à l'intérieur d'une même espèce animale avec l'infinie variété des comportements au sein de l'espècehumaine.

S'ils réfléchissaient avant d'agir, comment pourrait-on expliquer que tous les membres d'une même espèceanimale adoptent au final les mêmes comportements ? Et, a contrario, comment expliquer que les êtres humainsadoptent des comportement si divers s'ils étaient soumis à une même détermination naturelle ? C'est donc bien àlumière des actes des hommes, qui offre le spectacle d'une grande diversité, que Rousseau peut conclure que leshommes agissent, non sous le coup d'une force naturelle qui s'imposerait nécessairement à eux, mais sur la based'une réflexion qui les conduit à faire des choix.

C'est sans doute pour cette raison que Rousseau ne dit pas del'homme qu' il est libre mais bien qu' « il concourt à ses opérations en qualité d'agent libre » ou bien encore qu' « ilchoisit ou rejette par un acte de liberté ».

Ce sont donc bien ses actes qui révèlent la liberté de l'homme c'est-à-dire son aptitude à faire des choix.

Pour résumer la différence entre l'homme et la bête, on peut donc dire que si,tout comme la bête, l'homme éprouve des besoins qui suscitent en lui des appétits, c'est-à-dire une tendance àassouvir ses besoins, il n'a cependant pas d'instinct.

Dire de l'homme qu'il est un agent libre revient donc à dire quec'est un animal indéterminé capable de s'auto-déterminer.

Après avoir mis en évidence ce qui distingue l'homme de l'animal ou, plus exactement, l'homme de la bête, Rousseaus'attache pour finir à examiner les conséquences de cette différence essentielle.

Et le moins que l'on puisse direc'est que le bilan est contrasté puisqu'il affirme que cette différence « ...

fait que la bête ne peut s'écarter de larègle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l'homme s'en écarte souvent à sonpréjudice ».

Par cette formule, Rousseau énonce explicitement les méfaits de l'instinct et de la liberté tout enindiquant implicitement leurs avantages respectifs, Dans certaines circonstances, l'instinct comme la liberté peuventêtre préjudiciables mais, par d'autres aspects, ils sont avantageux.

Toute la fin du texte qui se présente sous laforme de deux phrases introduites par «c'est ainsi...

» doit donc être comprise comme une explication des méfaits etdes bienfaits respectifs de l'instinct et de la liberté.

Tout d'abord, en recourant à l'exemple fictif d'« un pigeon quimourrait de faim près d'un bassin rempli des meilleures viandes et d'un chat mourront lui aussi de faim près d'unebassin des meilleurs grains...

», Rousseau nous donne à comprendre que les animaux des différentes espèces nedisposent pas de la capacité à s'adapter individuellement à des situations inédites auxquelles leur instinct de les apas prédisposé.

Ceci ne signifie que les animaux ne s'adaptent jamais à des situations nouvelles mais que, quand telest le cas, c'est toute l'espèce qui s'adapte, qui évolue mais pas des individus singuliers.

On comprend ainsi que,dans l'ordinaire du règne animal, chaque individu n'est finalement qu'un spécimen c'est-à-dire un être conforme àtous les autres êtres de la même espèce.

[Et l'on saisi alors, qu'à l'inverse, chaque homme est capable de s'adapterde manière singulière aux situations auxquelles il est confronté, ce qui fait de lui un individu c'est-à-dire un être à lafois distinct et différent de tout autre.

Si l'on s'en tenait là, à n'en pas douter, la qualité d'agent libre de homme luiconférerait un avantage décisif sur les animaux des autres espèces animales.

Pourtant, tel n'est pas le cas puisqu'àcause de celle-ci : « ...les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent la fièvre et la mort ».

Il existedonc un revers de la médaille : parce qu'il ne sont pas enfermés dans les prédéterminations naturelles d'un instinct,les hommes peuvent s'adapter ; mais parce qu'ils n'ont pas de règles de comportements innées, ils peuvent aussiagir de manière dissolue c'est-à-dire sans but et sans mesure.

L'instinct oriente et régule l'activité des animaux ;. »

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