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Jean-Paul SARTRE et la nature humaine

Publié le 02/04/2005

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sartre
S'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n'est pas par hasard que les personnes d'aujourd'hui parlent plus volontiers de la condition de l'homme que de sa nature. Par condition, ils entendent avec plus ou moins de clarté l'ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l'univers. Les situations historiques varient ; l'homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c'est la nécessité pour lui d'être dans le monde, d'y être au travail, d'y être au milieu des autres et d'y être mortel. Les limites ne sont ni objectives ni subjectives, ou plutôt elles ont une face objective et une face subjective. Objectives parce qu'elles se rencontrent partout, et sont partout reconnaissables, elles sont subjectives parce qu'elles sont vécues et ne sont rien si l'homme ne les vit, c'est-à-dire ne se détermine librement dans son existence par rapport à elles. Jean-Paul SARTRE

• La nature humaine, dont Sartre refuse ici l'idée, désigne l'ensemble des caractères qui définissent l'homme, el que l'on retrouverait en chaque individu : « chaque homme [serait] un exemple particulier d'un concept universel, l'homme «.  Cette idée, dit Sartre, est présente chez les philosophes du XVIIe et du XVIIIe siècle :  – ou bien ils conçoivent un Dieu créateur, « assimilé la plupart du temps à un artisan supérieur « ; dans ce cas,  « l'homme individuel réalise un certain concept qui est dans l'entendement divin «, un peu à la manière dont  « un coupe-papier « est d'abord « dans l'esprit de l'industriel «, qui ensuite le produit ;  – ou bien les philosophes refusent la notion d'un Dieu créateur, mais continuent de penser que « l'essence d'homme précède [son] existence historique «. Finalement, « l'homme des bois, l'homme de la nature, comme le bourgeois sont astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base « (L'Existentialisme est un humanisme, p. 18-21).  On peut nommer essentialistes les théories qui commencent ainsi par poser une définition de ce qu'est l'homme, de son essence, et pour qui l'existence consiste à déployer cette essence dans le temps du monde.  

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« l'homme ».Cette idée, dit Sartre, est présente chez les philosophes du XVIIe et du XVIIIe siècle :– ou bien ils conçoivent un Dieu créateur, « assimilé la plupart du temps à un artisan supérieur » ; dans ce cas,« l'homme individuel réalise un certain concept qui est dans l'entendement divin », un peu à la manière dont« un coupe-papier » est d'abord « dans l'esprit de l'industriel », qui ensuite le produit ;– ou bien les philosophes refusent la notion d'un Dieu créateur, mais continuent de penser que « l'essence d'hommeprécède [son] existence historique ».

Finalement, « l'homme des bois, l'homme de la nature, comme le bourgeoissont astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base » (L'Existentialisme est un humanisme,p.

18-21).On peut nommer essentialistes les théories qui commencent ainsi par poser une définition de ce qu'est l'homme, deson essence, et pour qui l'existence consiste à déployer cette essence dans le temps du monde.• L'existentialisme, ou philosophie de l'existence, selon Sartre, refuse cette problématique.– Dans cette philosophie, « l'homme est seulement, non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, etcomme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence ; l'homme n'est rien d'autreque ce qu'il se fait » (p.

22).

C'est en ce sens qu'il faut comprendre la formule : « l'existence précède l'essence ».– Mais « si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais l'expliquer par référence à une naturehumaine donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté » (p.36-37).– Cette liberté, cependant, affronte des limites (cf.

le texte).

li faut comprendre que ces limites « sont vécues et nesont rien si l'homme ne les vit, c'est-à-dire ne se détermine librement dans son existence par rapport à elles ».Autrement dit, je suis peut-être infirme, ou je suis né esclave, etc.: ces situations particulières, qui limitent enapparence mon choix, n'ont pas de sens en elles-mêmes.

Un projet fondamental, caractéristique de chacun, unemanière humaine de répondre à ces situations où je suis jeté, voilà ce qui leur donne une signification.

Celle-ci n'estpas seulement mon affaire : « Je construis l'universel en me choisissant ; je le construis en comprenant le projet detout autre homme, de quelque époque qu'il soit », de sorte qu'il y a une universalité de l'homme ;« mais elle n'est pas donnée, elle est perpétuellement construite » (p.

70).• Ce texte est tiré de L'Existentialisme est un humanisme, Nagel, p.

67-69. 1.

La thèse du texte peut être formulée de la façon suivante : la diversité des données historiques et socialess'inscrit sur le fond d'une universalité humaine de condition, dont il est possible de dégager les caractéristiquesinvariantes.Cette thèse est développée en quatre moments principaux, dont voici les articulations• Les deux premières lignes (« ...

condition ») proposent un énoncé succinct de la thèse en deux temps- une critique (d'une thèse traditionnelle) ;- une affirmation (de la conception propre à l'auteur).• Dans les trois lignes suivantes (« ...

univers »), Sartre propose une définition générale de la condition humaine.• Puis, dans les quatre lignes qui suivent (« ...

mortel »), il explicite cette définition à travers une doublecaractérisation de la condition humaine - diversité (historique et sociale) ;- unité (universalité).

Cette unité renvoie à quatre données communes à tous les hommes : présence au monde,activité productive (travail), relation à autrui, caractère mortel.• La fin du texte (cinq dernières lignes) dégage les implications de la définition en ce qui concerne la liberté humaine: les « limites » ne sont des obstacles que virtuellement.

Vécues, elles prennent sens, et l'homme se détermine parrapport à elles sans renoncer à sa liberté, qui n'est pas autre chose qu'un pouvoir d'initiative inscrit dans desconditions qui, elles ne sont pas choisies. 2.

De façon générale, les « limites objectives et subjectives » semblent recouvrir, dans le texte, les donnéesfondamentales à partir desquelles toute existence singulière va se constituer, se spécifier et se définir.

Ces donnéescorrespondent à ce qui « esquisse » la situation de l'homme dans l'univers.

Le terme esquisse implique l'idée que lavie de chacun est la résultante d'une sorte d'action combinée, où les données « objectives », extérieures, n'ont desens que par rapport à celui qui les vit, et en fait telle ou telle utilisation.

C'est pourquoi, semble-t-il, une limiteobjective (tenant par exemple aux circonstances extérieures ou plus généralement aux données qui ne sont paschoisies) n'a de sens que par rapport à un être humain, un sujet conscient et agissant, qui l'appréhende.

En cesens, les limites objectives « deviennent » des limites subjectives si elles sont reconnues comme telles. 3.

Selon Sartre, les éléments variables sont les suivants: • les situations historiques (époque, contexte, etc.) ;• la place au sein de rapports sociaux eux-mêmes variables.Quant aux éléments invariables, ils sont explicitement définis dans le texte ; en tant que traits fondamentaux de lacondition humaine• la présence au monde (« être au monde », qui implique conscience et obligation de se situer par rapport aumonde) ;• la nécessité de travailler et, à travers elle, de produire l'existence (transformer la nature, etc.) ;• la nécessité de vivre en relation à autrui (caractère constitutif des rapports sociaux, mais aussi rôle fondamentalde l'intersubjectivité) ;• la mort, dont l'inéluctable réalité agit en retour sur l'ensemble de la vie (choix situés dans le temps, action inscritedans les limites de la temporalité).. »

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