Devoir de Philosophie

Imitation et imagination sont-elles deux notions contradictoires ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

xxx ?

Imiter, c'est avant tout prendre pour thème un élément du réel, un élément qui sera justement reproduit: cela fait de l'imitation une action qui figure toujours et déjà dans l'après coup, une action qui ne se donne que de manière a posteriori. Elle nécessite un patron, une forme à copier, bien que cependant il soit assez réducteur de s'en tenir à cette description appauvrie de son programme. Prenons l'exemple de l'imitateur, soit de celui qui reprend, redit: son activité n'est pas pour autant répétition. Tout d'abord, et le motif est à la fois évident et léger, parce que l'imitateur n'est pas celui qui fait l'objet de cette imitation, et assume tout à la fois de ne pas l'être précisément. Il est un autre qui fait le même, il retranscrit sur le socle de cette différence une identité qui de ce fait demeure nécessairement imparfaite. L'imitateur est donc parole d'un autre, voix d'un autre, il renvoie dans son activité au modèle dont il s'inspire. Et certes, on peut être étonné de la prouesse technique que représente cette mutation vocale, bien qu'au fond on en attende plus. En effet, le but n'est pas tant une retranscription parfaite qui tendrait asymptotiquement vers la norme qu'incarne le modèle visé, mais bien un certain décalage, soit une saisie particulière de ce modèle. Par particulière, on prendra cependant garde à ne pas entendre singulière: le talent de l'imitateur est précisément déterminé par cette capacité à isoler et à mettre en valeur certaines tendances essentielles présentes chez le modèle. Ce qu'il relèvera donc, ce sur quoi il insistera, c'est ce qui définit, ce qui permet d'identifier proprement la voix imitée: la copie propose donc l'essence du modèle, les traits caractéristiques et définitionnels, non pas forcément en soi, mais en tout cas, telle qu'elle est inscrite dans la conscience collective. Jamais il n'est une machine qui reprendrait mécaniquement une partition, il joue précisément cette dernière et en joue également. Ce souci du réel semble être bien loin de l'acceptation commune de l'imagination. Il y a, du moins dans la manière dont la conçoit la vox populi, l'idée d'une rupture inhérente à l'imagination: elle incarne le renouveau, la séparation d'avec l'élément empirique. En cela elle est une démarche qui s'inscrit en porte à faux par rapport au réel qu'elle se charge d'évacuer. Avoir de l'imagination, c'est s'écarter précisément de tout modèle, proposer une causalité libre, transcendante: c'est en somme insister sur la primauté du geste, là où l'imitation est toujours une saisie a posteriori. Imitation et imagination s'oppose donc dans leur temporalité même, l'une se réclamant de l'avant, un avant absolu que rien ne préfigure, l'autre de l'après, un après qui marque et remarque l'essence du réel. L'une s'écarte, lorsque l'autre se rapproche. Cependant, les lignes s'estompent à partir du moment où l'on conçoit que l'imitation nécessite et se nourrit tout à la fois d'une certaine distance par rapport au modèle afin d'exprimer sa marque révélatrice; de même l'imagination, telle que nous l'avons conçu, détermine le réel comme un horizon négatif: il est ce qu'elle ne sera pas, il représente son anti-champ, sa pierre de touche. Entre révélation et démarcation, le réel est cependant toujours élément de la fonction, ce qui révèle peut-être autre chose qu'une simple opposition. Imitation et imagination ne se contredisent pas au sens où elle s'inscrirait dans deux ensembles disjoints (dont on ne peut donc imaginer l'intersection) qui recouvriraient à eux deux tout le champ possible. Elles remarquent une communauté d'événements (le réel) qu'elle précise comme point d'orgue (imitation) ou dont elle se démarque comme dissident.

« révéler le modèle déjà présent.

Nous revenons en ce sens à l'idée de fonction révélatrice à la racine même del'activité mimétique: le peintre lui-même ne reproduit pas un paysage, il l'épure, en dresse les lignes directrices,écarte l'accidentel pour faire apparaître l'essence. Imitation et imagination sont donc re-présentation toute deux, bien qu'une soit activité combinatoire, l'autrerévélatrice.

Les deux reçoivent, accueillent le réel, avant de le ré-agencer, soit d'en proposer une nouvelleconfiguration.

On peut ici parler d'une activité commune de re-formulation du réel, sans que la postérité stigmatisépar le « re » les enferre dans la passivité.

Ainsi, si l'image mimétique fascine, si elle pu inquiéter même certainsphilosophes de par ce visage, c'est précisément parce qu'elle propose plus qu'une simple redite, mais qu'elle saisitl'essence du charme.

De même, si l'imagination figure le réel, elle garde aussi cette capacité de défigurer aussi, dedéréaliser ce qui fut donné.

On peut donc dire qu'imagination et imitation sont toute deux effervescence du réel: lapremière renvoyant à sa dissolution, la seconde à ce qui bouillonne derrière les interférences accidentelles. Imagination et imitation: la première imbrication II. Cet entre-deux, si l'on peut dire, qui est le mode d'être de ces deux activités de l'esprit a été théorisé par Kantdans la Critique de la raison pure .

Cependant, ce traitement est particulier, puisqu'il tend à faire de l'imitation un sous-produit même de l'imagination, soit une part seulement de son activité.

Pour cela, il s'agit de saisir la différenceentre imagination empirique , imagination reproductrice qui précisément est imitation du réel, mimétisme qui paraît après la donation sensible, et imagination transcendantale qui structure cette fois-ci la perception du réel.

On va donc trouver l'imagination à mi-chemin entre la sensibilité (passivité) et l'entendement (activité), et sa célébrationcomme faculté cognitive et centrale dans la topique épistémique kantienne.

Pour saisir cette idée, il s'agit un instantde s'attarder sur la présentation qu'en propose Kant. La formulation du statut propre de l'imagination dans l'activité cognitive vient d'un problème évident de jonctionentre deux topiques du sujet de la connaissance que sont d'une part la sensibilité et d'autre part l'entendement.

Eneffet, rien n'indique qu'ils soient joints pour permettre l'accès du sujet à l'expérience, soit pour rendre toutsimplement l'expérience possible.

Quels sont les termes du problème? L'intuition sensible est pour ainsi dire traitéedans un premier temps par l'espace et le temps qui sont les formes a priori de la sensibilité.

En effet, le temps et l'espace informent pour ainsi dire le donné sensible: tout ce que l'homme perçoit, il le perçoit toujours à traversl'espace et le temps.

Mais comment passe-t-on de la sensibilité à l'entendement? Rappelons que l'entendementeffectue un second traitement en catégorisant le donné sensible via précisément les catégories pures.

En effet, le donné sensible serait une sorte de magma continu et informe si le sujet ne possédait pas des catégories qui ordonnece donné, l'objective justement au sens d'en faire un objet.

D'où l'appellation que Kant réserve à cet ensemble decatégories: l' objet transcendantal = X .

Ce qui fait que nous avons conscience de tel ou tel objet, c'est parce que l'entendement génère cet objet précisément grâce au catégorie (catégorie de l'unité qui unifie et découpe le réel,catégorie de causalité...): l'objet n'est pas donné préalablement, ce sont les catégories qui sont garantes del'objectivité pourtant créée au cœur même du sujet.

Le problème, on le saisit ici, c'est de savoir comment assurer lepassage de la sensibilité à l'objet transcendantal = X , soit le passage du donné empirique aux catégories pures. C'est à ce croisement précisément que Kant situe l'imagination transcendantale.

Précisons une chose avant decontinuer, à savoir l'utilisation que Kant fait du terme transcendantal : chez le philosophe allemand, est transcendantal ce qui permet la connaissance chez le sujet de la connaissance. En effet, il s'agit de saisir que nous avons sinon d'un côté le donné sensible qui s'inscrit donc dans le temps etl'espace, et de l'autre les catégories pures qui sont précisément pures, donc en dehors de l'espace et du temps.Comment va-t-on de l'un à l'autre? Comment faire se rejoindre le mouvement et le figé? L'imaginationtranscendantale va justement consister en une temporalisation des catégories, soit l'immersion des catégories puresdans le temps.

La question est encore: comment et pourquoi?! Prenons un concept (qui n'est pas forcément unconcept a priori , un concept pur comme le sont les catégories) comme celui de triangle: il nous dit ce qu'est un triangle, il nous en donne une définition et c'est à peu près tout.

En temporalisant ce concept, c'est-à-dire enl'étendant dans le temps, on va donner son mode de construction: en effet, la construction d'un triangle nécessitea minima le temps pour s'effectuer.

Cette méthode de construction s'appelle un schème et résorbe ainsi la radicale hétérogénéité entre sensibilité et entendement.

Mais cela vaut évidemment pour n'importe quelle catégorie qui sevoient toutes par là attribuée un schème.

Prenons un exemple: je perçois à un moment donné un certain phénomènecomme la bouteille d'eau qui verse son liquide dans un verre.

Le schème de la catégorie de la substance permet enpremier lieu une rétention comme le dit Husserl du donné sensible: il assure un rapport entre les différents instants qui me présentent cette bouteille d'eau, une synthèse de ces instants qui sinon seraient séparés et incohérents.

Ceschème isole dans le temps la substance de la bouteille, la stabilise pour assurer la perception de l'objet.

Le schèmede la catégorie de causalité propose une règle à cette succession, ordonne pour ainsi dire ces différents instantsafin que je puisse voir l'inclination de la bouteille comme cause du remplissage du verre...

Ainsi, l'imaginationtranscendantale et une faculté essentielle de la connaissance, là où l'imagination empirique n'est quant à elle qu'unerépétition de l'objet dans l'esprit, en l'absence de ce dernier.

En cela, elle imite le réel lorsqu'il s'éclipse.

L'imitationn'est donc pas opposée en ce sens à l'imagination, mais elle en représente même une partie, la part pauvre pourtout dire de l'imagination.

Leur champ n'est donc plus disjoint de manière exclusive, mais bien inclusive, de tellemanière que l'imagination empirique recouvre l'imitation comme re-présentation du donné en son absence.L'imagination transcendantale pour sa part s'émancipe de cette simple fonction reproductrice pour regagner lechamp de la possibilité de la connaissance. III.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles