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« Il y a deux passés : le passé qui a été et qui est aboli, le passé qui dure encore pour nous comme partie intégrante de notre présent. » Expliquez et discutez cette pensée. ?

Publié le 20/06/2009

Extrait du document

Le présent possède une certaine épaisseur, pensait Bergson. Au regard de l'expérience psychologique, le présent pur n'est qu'une notion idéale. « Que si, au contraire, vous considérez le présent concret et réellement vécu par la conscience, on peut dire que ce présent consiste en grande partie dans le passé immédiat. « Bergson, en écrivant ces lignes, avait en vue la sensation, qui occupe toujours une certaine durée. Mais considérons le cas de l'action volontaire. Elle inclut elle aussi une part de mon passé. J'ai une histoire et je suis à chaque instant, dans une certaine mesure, le résultat de ce que j'ai été. Où prendra appui l'impulsion que ma décision va donner à mon activité sinon dans les disponibilité de ce passé ? Reste à savoir si cette ouverture du présent sur le passé est illimitée, si le passé se survit intégralement ou n'est pas au contraire l'objet d'une sélection sévère, C'est, croyons-nous, le sens de la thèse que nous devons expliquer et discuter : « Il y a deux passés : le passé qui a été et qui est aboli, le passé qui dure encore comme partie intégrante de notre présent. « I. Explication. — Expliquons à l'aide d'un exemple le sens de la distinction. Me voici en face de ma dissertation d'examen. Trois sujets s'offrent à mon choix. J'hésite. Ma délibération porte sur la matière des trois sujets; mais sur quoi s'appuie-t-elle en outre ? Pour venir en classe, j'ai traversé des rues, j'ai vu un certain nombre de visages. Les rues me sont familières; Les visages m'étaient inconnus; je n'en ai retenu précisément aucun. De plus, l'ensemble entretient un rapport plutôt éloigné avec les problèmes que la philosophie me soumet. On se demande comment ma décision en pourrait être influencée. Pur spectacle, le passé objectif semble aboli.

« a) Sous sa forme cognitive, le passé se conserve souvent de façon très pure.

Nous revoyons très nettement leslieux dont nous nous souvenons.

Nous les reconnaîtrions très bien si nous y revenions.

De même une idée, si elle aété clairement conçue, revient très distincte à la mémoire : toute sa réalité est d'ailleurs dans sa clarté.

Si je neconcevais plus de façon claire ce que j'ai voulu dire par les mots «subjectif» et «objectif», je pourrais dire que pourmoi ces deux idées sont pratiquement du passé aboli.Mais peut-être à cause de ces exigences de pureté, le passé-souvenir semble-t-il s'abolir facilement sous sa formecognitive.

En tout cas, il n'est pas une constituante vraiment efficace de notre présent.

Nous utilisons le contenureprésentatif comme un matériel plutôt que nous n'en subissons l'action. b) Sous sa forme mécanique, le passé semble plus tenace.

L'homme qui se convertit et répudie son passé ne seheurte que trop souvent, en dépit de sa bonne volonté, à une habitude enracinée qui défie sa résolution.

Or,l'habitude est un souvenir à l'état inconscient.

Lorsque, tout enfant, j'ai tracé mes premières lettres, chaque fois jeme reportais à un modèle que mon imagination me rappelait; aujourd'hui, j'écris et ma mémoire ne me présente plusaucune lettre.

Voici donc que du passé non cognitif manifeste une solidité plus grande que le passé cognitif. c) Sous sa forme affective, le passé se survit le plus souvent sinon intégralement du moins dans une grandemesure.

La psychanalyse nous enseigne que survit tout ce qu'a recueilli l'élan constitutif des tendances.

Latendance doit être redoutée lorsqu'elle n'a pu affleurer à la conscience.

Elle est responsable en bien des cas decomportements pathologiques.

La censure qui s'exerce contre certains chocs affectifs que notre intérêt nouspoussait à oublier peut être cause de névroses.

Faire prendre conscience au malade de cette tendance refoulée, luifaire expliciter sous forme de souvenir le choc dont elle est née, c'est généralement le guérir.Mais le pathologique éclaire le normal.

Ces résultats thérapeutiques nous enseignent donc deux choses.

Toutd'abord, ils nous révèlent la puissance de l'affectivité.

Tout un comportement, une foule d'actes, sont conditionnéspar ce potentiel souterrain des tendances.

Le déclenchement du souvenir, si l'on se souvient des connexionsprofondes de l'imagination et de l'affectivité, de la ténacité d'une habitude, est le fruit de son dynamisme : lesouvenir et l'habitude ne constituent les forces vives du passé que par la tendance qui la sous-tend.Deuxième enseignement : notre passé se déguise pour s'insinuer dans notre présent.

Consciemment, beaucoup degens attribuent leurs actes à une cause illusoire; on les psychanalyse, et on s'aperçoit que tel complexe d'inférioritétient à une jalousie depuis longtemps refoulée par un souci de politesse; que telle phobie persistante est due à undégoût ou à une peur très ancienne dont on s'est bien gardé de conserver un souvenir conscient : c'était trophumiliant, trop bête d'avoir été si poltron ou si délicat; on préfère l'ignorer.

C'est en passant du conscient ausubconscient que le passé s'est rendu maître d'une grande part de notre comportement.Conscience et influence du passé semblent donc en raison inverse l'une de l'autre.

La forme du souvenir, souventsous son aspect abstrait et toujours sous son aspect statique, disparaît; ce qui subsiste du passé, ce n'est pastant l'apparente immuabilité qu'en retient la mémoire que la réalité de toutes ses influences totalisées dans lepotentiel affectif de notre âme. Conclusion. — Si l'on ne peut conclure de tout ceci que le présent soit tout entier déterminé dans le passé — car le problème de la liberté supposerait traité le problème du futur — il s'en dégage cependant une règle pratique : tousnos actes nous suivent.

Nul n'est aujourd'hui que ce qu'il s'est peu à peu fait dans le passé.

Et, dans ce passé, cesont les expériences affectives qui sont les plus persistantes.

Nous oublions vite une foule de choses.

Mais il est unpassé qui se conserve pour agir à tout moment sur nos déterminations : c'est celui qui s'est inscrit dans notre cœur.Ces sentiments ont pu subir bien des transformations; ils forment du passé la part qui s'insère dans notre présent.. »

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