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Il n'y a pas d'ouvrages plus lus que les romans, mais il n'en est pas qui tombent plus rapidement dans l'oubli. Comment vous expliquez-vous leur séduction et leur destin ?

Publié le 16/06/2009

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INTRO. — Le recul de l'analphabétisme, le progrès de l'instruction à ses différents degrés entraînent un accroissement parallèle de la production des libraires, en particulier dans le domaine de la technique sur laquelle on fonde tant d'espoir pour l'amélioration du sort de l'humanité, mais aussi dans celui de la littérature d'imagination. Il n'y a pas d'ouvrages plus lus gué les romans. Il est vrai qu'ils ne font pas long feu : ils sont bientôt dans l'oubli : comment expliquer d'une part cette vogue d'une saison et leur destin final ? I. — Il n'y a pas d'ouvrages plus lus que les romans.

A. — Le fait.

Il est facile à constater : il suffit d'ouvrir les yeux et les oreilles, puis de faire mentalement quelques statistiques.

1. Tout d'abord, la production romanesque est immense, le nombre des titres aussi bien que celui des volumes jetés dans le publie est si considérable qu'il nous est pratiquement impossible de lire toutes les nouveautés qui paraissent dans notre langue maternelle.

« consacre les heures à se mettre au courant de la production de sa spécialité histoire, physique, économie,politique...

— ou à l'étude des grands classiques d'une discipline particulière.

Mais de l'élève qui se plonge dans unlivre pour la préparation d'une composition ou d'un examen, de l'écrivain qui, sa boîte à fiches à portée de la main,recueille les matériaux d'un ouvrage, on ne dira pas qu'ils lisent : ils étudient, ils travaillent.

Lire, lecture, au sensordinaire de ces mots, supposent une opération cursive et facile, sans arrêt pour réfléchir et chercher à mieuxcomprendre.

Quand il s'agit d'ouvrages traitant de matières de soi quelque peu difficiles, cette facilité et cetterapidité s'expriment couramment par cette formule qu'il est opportun de rappeler : cela se lit comme un roman.Cette remarque nous fait déjà entrevoir au moins une partie de la réponse à la question que nous devonsmaintenant nous poser. B.

— Pourquoi les romans sont-ils les ouvrages les plus lus ? 1.

Il semble bien qu'il faille placer en premier lieu la raison de facilité.

Cette lecture ne demande aucun effort.

Aussin'est-ce qu'aux moments de fatigue et en guise de détente qu'un homme d'une activité normale s'y livre.

S'il enétait réduit, faute de travail, à tuer le temps de cette manière, un individu normal serait vite exaspéré, ne trouvantpas dans cette occupation de quoi dépenser les forces disponibles.Il est vrai que tous les romans ne constituent pas des récits à l'intention de personnes désœuvrées ou que l'ennuimenace.

Il en est qui traduisent de façon concrète des idées qui sont dans l'air, soutiennent une thèse, propagentune doctrine.

Ce sont les idées qu'ils contiennent, plus que l'affabulation romanesque, qui déterminent leur succèsauprès de nombre de lecteurs.

Mais dans ce cas encore la raison de facilité n'est pas absente : si L'être et le néantest beaucoup moins lu que La nausée ou Le mur, à plus forte raison que La peste, c'est à cause de sa difficulté.

Onveut s'informer sur l'existentialisme, et pour cela on va au plus facile, aux initiations sous forme romanesque. 2.

Néanmoins la facilité ne suffit pas à rendre compte de la séduction qu'exerce le roman, du besoin de cettelittérature qu'éprouvent un grand nombre, principalement de femmes et d'adolescents, de l'envoûtement subi parfoispar celui qui, ayant commencé un récit, le poursuit jusqu'au bout, au détriment du devoir d'état.

Il semble bien quel'explication de ce fait consiste dans l'intensité de vie des expériences imaginaires, effectuées au cours de ceslectures.

En lisant, nous nous mettons à la place d'un héros du drame et souvent de plusieurs — impossible dans leréel, le pluralisme de l'identité ne l'est pas dans le fictif —; leur aventures sont les nôtres ; nous tremblons avec euxet partageons leurs triomphes.La valeur de cette explication paraîtra encore moins discutable si nous remarquons quel genre de personnesconstituent le gros de la clientèle des romanciers, quels sont les lecteurs les plus passionnés de romans.Notons d'abord que, d'une façon générale, les femmes se nourrissent plus que les hommes de littératureromanesque.

Pourquoi ? Peut-être parce que certaines d'entre elles ont plus de loisirs et qu'il n'est guère reçu de lesvoir au café devant un jeu de cartes.

Mais plus encore certainement parce que, plus sentimentales, elle sont besoind'impressions plus excitantes que celles de la vie de tous les jours.C'est un fait aussi que l'adolescence est, beaucoup plus que l'âge adulte, l'époque de la passion pour le roman quin'intéresse plus guère le vieillard.

L'explication de ce fait est encore la sensibilité plus vive de la jeunesse, satendance à la sentimentalité.

A cela s'ajoutent des rêves d'un avenir pour lequel l'éventail des possibles présenteencore une multiplicité presque infinie.D'ailleurs l'imagination n'est pas arrêtée par l'impossibilité ou l'invraisemblance.

La petite ouvrière qui souffre de nepas avoir auprès des jeunes gens le succès de compagnes plus jolies trouvera une compensation dans des histoiresde jeunes filles de sa condition, faisant la conquête de quelque prince charmant.

Ainsi, on se console d'uneexistence banale en vivant par la pensée dans un monde de féerie.Voilà, nous semble-t-il, ce qui explique la vogue de la production romanesque.Mais alors se pose la question de savoir pourquoi un roman qui fit fureur à une époque est si vite oublié. II.

— IL N'EN EST PAS QUI TOMBENT PLUS RAPIDEMENT DANS L'OUBLI. Cette seconde partie de la réflexion qui nous occupe paraît moins évidente que la première.

Aussi devrons-nous,avant de chercher l'explication du fait qu'elle énonce, bien délimiter le fait lui-même. A.

Le fait.1.

Les romans tombent rapidement dans l'oubli.

Cette affirmation semble assez facilement acceptable.

Un vieillardpourra bien objecter qu'il conserve toujours un souvenir ravi des romans de la comtesse de SÉGUR, qu'il lisait alorsqu'il portait encore des culottes courtes ; mais cette remarque ne constitue pas une objection, car l'oubli enquestion est moins l'oubli individuel ou personnel que celui de la collectivité.

Qu'on n'objecte pas non plus, profitantde l'exemple utilisé, que l'oeuvre de la comtesse de SÉGUR, quoique remontant à un siècle, compte toujours denombreux lecteurs et, par suite, n'est pas tombée dans l'oubli; en effet, si Les Mémoires d'un âne ou Les Malheursde Sophie sont toujours lus par les enfants, un adulte n'oserait avouer qu'il y revient avec plaisir.

Quant auxhommes de lettres, ils ne citent ces titres qu'avec un sourire amusé, comme désignant des oeuvres se situant fortloin de leurs centres d'intérêts; or ce silence des littérateurs qui font l'opinion s'étend peu à peu dans le publiccultivé, en sorte qu'est vite oublié ce dont ils ne parlent plus.Mais, dira-t-on, ils parlent toujours de L'Astrée et du Grand Cyrus, qui remportèrent un si beau succès il y a plus detrois siècles; il n'est donc pas exact que les romans soient vite oubliés.

Sans doute, répondrons-nous, les manuelsd'histoire de la littérature consacrent quelques pages aux grands romans des siècles passés et les spécialistes ont lapatience de les lire.

Mais cette lecture, ainsi que nous l'avons indiqué, constitue plutôt une étude; quant à ceux qui,de nos jours, lisent des romans, au sens ordinaire du verbe lire, ils cherchent ailleurs leur nourriture.

Il ne suffit pasde savoir que le public cultivé ait retenu de sa classe de Première l'un ou l'autre titre de l'oeuvre d'Honoré d'URFÉ et. »

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