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Il faut laisser le temps. Que signifie et que vaut, à votre avis, cette expression populaire ?

Publié le 27/02/2008

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temps

Il faut laisser le temps. Que signifie et que vaut, à votre avis, cette expression populaire ?

 

                Partir d'une expression populaire pour penser le temps se justifie par le statut paradoxal de l'idée de temps, à la fois évidente dans la mesure où nous en avons, apparemment, une intuition première, et en même temps obscure, du fait des définitions, souvent circulaires que l'on en donne. Que ce soit du passage de l'avant à l'après, du changement continuel, ou du milieu indéfini où se situent les événements dans un ordre de succession irréversible, on présuppose toujours dans la définition une idée du temps.

                L'expression « Il faut laisser le temps « signifie d'abord un conseil, plus qu'un ordre impératif, celui de savoir différer ses actions, d'éviter la précipitation inopportune. L'expression est ambiguë en ce qu'elle fait du temps quelque chose qu'il faut ne pas prendre, mais précisément parce que par ailleurs on pourrait en disposer. Le problème qui se pose est donc avant tout un problème pratique : celui de l'adéquation du moment à l'action. Viser cette adéquation donne au temps son statut problématique qu'il faut examiner : statut partagé entre l'idée d'un temps subi et celle d'un temps maîtrisé.

                Pour comprendre la signification et la valeur de l'expression « Il faut laisser le temps «, il convient d'abord de se demander quel art du temps elle définit, mais ensuite de renvoyer ce conseil à une expérience du temps sur laquelle il prend appui. C'est après cet examen que nous pourrons pleinement évaluer l'expression, en se demandant ce qu'elle implique quant au statut de la notion de temps.

 

  1. Quel art du temps ?

 

  1. Quel genre d'impératif ?
  1. Impératif de la prudence
  1. Impératif de l'habileté

 

  1. Quelle expérience du temps ?

 

  1. L'expérience d'un ordre irréversible
  1. La tentation de la fuite : abandonner le temps
  1. Une ouverture dans l'être

 

  1. Quel statut pour la notion de temps ?

 

  1. Multiplicité des temps

 

  1. Le temps des philosophes
  1. L'efficace du temps

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« une habileté politique et une histoire incertaine doit nous amener à reconsidérer l'expérience fondamentale dutemps.

Quelle expérience du temps ? II.

Il faut interroger cette expérience pour voir sur quelle propriété du temps se fonde l'expression « Il fautlaisser du temps au temps », en maintenant la tension entre un temps maîtrisé et un temps subi, tension incarnéepar la violence de l'action historique.

L'expérience d'un ordre irréversible1.

Cette expérience est d'abord celle d'un ordre sur lequel l'individu n'a pas prise, et la violence nait d'abordd'une ignorance involontaire ou délibérée de cet ordre.

La formule invite à faire avec une part tragique del'existence, le passage du tragique à la tragédie se faisant peut-être quand l'individu décide de ne plus laisser letemps, de s'engager sur le voie d'un combat perdu d'avance contre l'ordre de l'irréversibilité : « L'irrémédiable, cen'est pas que l'exilé ait quitté la terre natale : l'irrémédiable, c'est que l'exilé ait quitté cette terre natale il y a vingtans.

L'exilé voudrait retrouver non seulement le lieu natal, mais le jeune homme qu'il était lui-même autrefois quand ill'habitait » (Jankélévitch, L'Irréversible et la Nostalgie ). La tentation de la fuite : abandonner le temps2.

L'expérience de l'irréversibilité et donc indissociablement expérience de la finitude.

Ce qui permet de voirque laisser le temps a aussi la valeur, sans doute moins d'une simple résignation, que d'une reconnaissanceassumée.

Ce qu'un tel conseil incite à éviter c'est une fuite hors du temps que l'on peut trouver dans le désircontradictoire d'éternité : « L'éternité que l'homme recherche, ce n'est pas l'infinité de la durée, de cette vainecourse après soi dont je suis moi-même responsable : c'est le repos en soi, l'atemporalité de la coïncidence absolueavec soi » (Sartre, L'être et le néant ). Une ouverture dans l'être3.

Pourquoi alors parler de reconnaissance assumée et pas de simple résignation ? Parce que le temps estune puissance créatrice qui définit l'ouverture dans l'être propre à l'existence.

S'il faut laisser le temps, c'est parcequ'il a ce statut ambigu qui nous incite souvent à le fuir alors qu'il nous est précieux.

L'ouverture dans l'être est enfait la signification de notre liberté, de notre existence comme liberté, qui est en même temps éprouvée commequelque chose qui nous dépasse et qui ne dépend pas de nous : on est condamné à vivre dans le temps, comme onest condamné à être libre.

Laisser le temps c'est la reconnaissance de cette ambivalence : 1) non pas s'en remettre au temps, prétexte à l'inaction, mais au contraire confiance dans la créativité de l'existence 2) ne pas fuir hors du temps, mais reconnaître que l'on a besoin de lui, nos actions comme nous-mêmes prenons du temps, ce qui en fait à la fois la richesse et la fragilité. Transition : les deux tentations (maîtriser le temps, abandonner le temps) convergent dans la science.

Quellesconclusions en tirer à partir de ce que nous dit l'expérience du temps telle que nous l'avons décrite ? Quel statut pour la notion de temps ? III.

Multiplicité des temps1.

Temps vécu et temps spatialisé ne convergent pas.

Il y a une dualité intrinsèque à la notion de tempsque Bergson traduit dans l'opposition entre la durée et le temps.

La durée est le caractère même de la successiontelle qu'elle est immédiatement sentie dans la vie de l'esprit alors que le temps des sciences et l'idée mathématiqueque nous nous en faisons pour raisonner et communiquer, en le traduisant en images spatiales.

Reconnaître cettedualité donne son sens à l'idée qu'il faut laisser le temps, si on le comprend comme durée, c'est-à-dire commemultiplicité créatrice qui ne peut s'exprimer dans la simultanéité, et ne peut être ramenée sans frais à de laspatialité.

Le temps des philosophes2.

L'expression prend du coup un sens particulier dans la controverse entre Bergson et Einstein, ce derniervoulant supprimer la notion métaphysique de temps, la désignant sous l'expression « temps des philosophes ».

Celaincite à deux considérations : 1) La dualité intrinsèque à la notion de temps ne doit pas être un prétexte pour lui refuser toute pertinence théorique. 2) L'idée d'une durée méconnue, comme temporalité propre à la vie et à la création, ne doit pas non plus faire renoncer à la validité et à l'utilité d'un temps scientifique utile à l'action et à l'intelligence. L'efficace du temps3.

Ces deux exigences convergent dans l'idée de laisser une place au temps, non pas seulement dans notre. »

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