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Il est bon d'avoir un peu de mal à vivre - Alain

Publié le 27/02/2008

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alain
Il est bon d'avoir un peu de mal à vivre et de ne pas suivi une route tout unie. Je plains les rois s'ils n'ont qu'à désirer et les dieux, s'il y en a quelque part, doivent être un peu neurasthéniques ; on dit que dans les temps passés ils prenaient forme de voyageurs et venaient frapper aux portes ; sans doute ils trouvaient un peu de bonheur éprouver la faim, la soif et les passions de l'amour... bonheur suppose sans doute toujours quelque inquiétude, quelque passion, une point de douleur qui nous éveille à nous même. Il est ordinaire que l'on ait plus de bonheur par imagination que par les biens réels. Cela vient de ce que, lorsque l'on les biens réels, on croit que tout est dit, et l'on s'assied au la de courir. Il y a deux richesses ; celle qui laisse assis ennui celle qui plaît est celle qui veut des projets encore et c travaux, comme est pour le paysan un champ qu'il convoita et dont il est enfin le maître; car c'est la puissance qui plait non point la puissance au repos, mais la puissance en action. L'homme qui ne fait rien n'aime rien. Apportez-lui bonheurs tout faits, il détourne la tête comme un malade. reste, qui n'aime mieux faire la musique que l'entendre ? Le difficile est ce qui plaît. Aussi toutes les fois qu'il y a quelque obstacle sur la route, cela fouette le sang et ravive le feu. ALAIN

Ce texte d’Alain est extrait de ses Propos sur le bonheur ; il s’agit donc pour lui de déterminer ce qu’est le bonheur. Cependant, la définition qui nous est offerte ici n’est pas positive : autrement dit, Alain ne nous dit pas clairement ce qu’est le bonheur. Mieux, il définit le bonheur négativement. Le titre même de ce passage en est un exemple : « Le roi s’ennuie «. En effet, Alain préfère nous présenter la condition des rois (ou celle des dieux), comme condition inverse à celle du bonheur. Si le roi ou les dieux sont les personnages les plus comblés que l’on puisse imaginer, ils ne connaissent toutefois pas le bonheur. Preuve que celui-ci ne réside pas dans les biens réels, mais dans l’imagination, c’est-à-dire dans le besoin de se porter vers un objet. En somme, le bonheur n’est pas possession, mais désir, il n’est pas arrêt, mais activité. L’enjeu est alors de fournir une approche du bonheur qui ne le réduit pas à un état, que l’on atteindrait à un moment où à un autre, mais qui le montre comme présent à chaque instant. S’il y a recherche du bonheur, c’est donc que le bonheur est cette recherche elle-même.

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« ne fait rien pour produire l'objet de son désir.

En somme, il se contente de désirer ce qu'on lui apporte sur unplateau.

Alain prolonge l'exemple en parlant des dieux : par définition, le dieu est celui qui possède tout ce qu'ilveut.

Il est parfait et ne peut rien souhaiter qui puisse le combler (étant justement parfait).

Or, nous dit-on, lesdieux avaient pris l'habitude de prendre l'apparence de voyageurs, c'est-à-dire avaient pris forme humaine, afin degoûter à la faim, à la soif et aux passions de l'amour.

Là, l'idée est de montrer que le bonheur comme état parfait,divin, n'est pas en soi souhaitable.

Le dieu qui mange n'a à la fois ni faim (il est immortel) ni ne fournit d'effort pourse préparer à manger.

Or, pour les hommes, qu'est-ce la faim si ce n'est une manière de se porter de manièreencore plus intense vers la nourriture ? Qui ne s'est jamais frotté les mains face à un bon repas en disant : « Mm, jesuis affamé ! ». De ce point de vue, le bonheur n'est pas un état divin ou royal, c'est-à-dire où tout nous tombe tout cuit dans la bouche, mais c'est un état de désir, de manque que l'on cherche à combler.

Le bonheur suppose doncl'inquiétude.

Celui qui est quiet, c'est celui qui ne bouge pas, qui ne désire pas, au contraire de l'in-quiet, qui estactif et désire.

La douleur que nous ressentons en ayant faim, soif ou bien lors des tourments de l'amour est ce quinous dispose à goûter au bonheur.

Quel désir éveillerait en nous la femme (ou l'homme) que nous n'aurions pas àséduire ? Les obstacles que nous rencontrons, la résistance qu'il (ou elle) oppose, nous rendent d'autant plussensible à l'amour lui-même : « Le difficile est ce qui plaît ».

Cependant, il est une chose de se disposer au bonheur, une autre de croire qu'il consiste en un objet précis. En effet, Alain ne se contente pas de nous rappeler à notre désir, il précise également que le désir est déjà lebonheur lui-même.

Pascal disait au fond la même chose en remarquant que l'homme, désirant sans cesse d'êtreheureux et se préparant toujours à l'être, ne l'est jamais réellement.

Alain résume cela en disant que l'on a plus debonheur par l'imagination que par les biens réels.

En effet, le bien réel, même si l'on s'est disposé à l'apprécier, nousrenvoie à l'ennui.

Une fois obtenu, l'objet du désir n'est plus désiré, mais délaissé.

À l'inverse, en imagination,n'ayant pas réellement ce à quoi l'on songe, nous faisons toujours effort pour l'obtenir. L'image du paysan rend bien compte de ce double aspect : celui-ci, une fois comblé par l'acquisition de son champ, pourrait se reposer, mais il ne serait pas heureux.

Le bonheur va consister, pour lui, dans l'effort quotidienpour travailler la terre, dans la peine journalière pour entretenir son bien.

C'est la puissance en action, le travail, quisatisfait pleinement l'homme.

Celui qui ne fait rien est donc celui qui n'aime rien, tandis que le paysan qui travailleaime sa terre.

Celui à qui l'on apporte des bonheurs s'en détourne, car il ne travaille pas pour se les procurer ou,mieux, il n'en jouit pas en travaillant. Alain reprend ici des éléments de la pensée d'Aristote ; pour celui-ci, l'homme ne doit pas se prendre pour un dieu.

Il ne peut jouir de bonheurs tout faits – ce qui au demeurant le laisserait insatisfait – mais il doit sans cesseconquérir son bonheur dans un monde incertain.

Cette conquête est même le seul bonheur qu'il puisse connaître.

Lebonheur est donc activité.

La recherche du bonheur est le bonheur lui-même.

En somme, le bonheur n'est pas unétat divin que l'on atteint un jour ou l'autre, dieu sait comment.

Pour Alain, comme pour Aristote, nous sommesheureux ici et maintenant, dans les peines et les travaux de tous les jours.

Mais, hélas, nous portons sans cessenotre regard vers le passé ou le futur, espérant d'être heureux, au lieu de l'être pour de bon. Ainsi, la condition humaine est faite de désir, c'est-à-dire de manque.

Seul ce manque peut nous porter à apprécier les bonheurs qui nous sont impartis.

Toutefois, il ne faudrait pas croire que le bonheur est un objet quel'on obtient ou un état que l'on atteint.

Le bonheur est activité, travail, labeur.

En effet, il est le signe que nousaimons quelque chose, puisque nous nous donnons la peine de nous y consacrer.

Celui qui écoute de la musiqueressent un certain plaisir, mais celui qui la compose et la joue, parce qu'il est actif et aime ce qu'il fait, connaît unbonheur beaucoup plus grand.

Dès lors, les obstacles sur la route sont ce qui nous pousse à travailler, à entrer enactivité et ils contribuent en cela à notre bonheur.

L'essentiel est de raviver le feu, de garder le désir intact : quandil sera éteint, il fera noir ; nous serons alors au repos, loin des tourments de la vie, mais nous serons morts, tels desdieux éternels et immobiles.. »

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