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Hume: Les limites de l'entendement humain

Publié le 15/05/2005

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Rien, à première vue, ne peut sembler plus affranchi de toute limite que la pensée de l'homme ; non seulement elle défie toute puissance et toute autorité humaine, mais elle franchit même les bornes de la nature et de la réalité. Il n'en coûte pas plus à l'imagination de produire des monstres et de joindre ensemble des formes et des visions discordantes que de concevoir les objets les plus naturels et les plus familiers [...] Ce qu'on n'a jamais vu ou entendu est cependant concevable; et il n'est rien qui échappe aux prises de la pensée, hors ce qui implique absolument contradiction. Mais quelque illimitée que paraisse la liberté de notre pensée, nous découvrirons, en y regardant de plus près, qu'elle est en réalité resserrée dans des limites fort étroites, et que tout ce pouvoir créateur de l'esprit n'est rien de plus que la faculté de combiner, transposer, accroître ou diminuer des matériaux que nous fournissent les sens et l'expérience. Quand nous pensons à une montagne d'or, nous ne faisons que réunir deux idées capables de s'accorder, celle d'or et celle de montagne, qui nous étaient déjà familières [...] En un mot, tous les matériaux de la pensée tirent leur origine de notre sensibilité externe ou interne : l'esprit et la volonté n'ont d'autre fonction que de mêler et combiner ces matériaux. HUME, Enquête sur l'entendement humain.

Ce texte est extrait de l'Enquête sur l'entendement humain, publié par Hume en 1748. Il soulève le problème suivant : sur quoi les opérations de la pensée se règlent-elles et se fondent-elles ? D'où procède notre connaissance ?  Notre pensée, loin d'être illimitée en ses pouvoirs, est restreinte au champ de l'expérience sensible, champ qui apporte des bornes a sa puissance et à son exercice.

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« jamais limitée, apparemment capable de tout créer.Enfin, la dernière phrase de cette sous-partie (« Ce [...] contradiction ») souligne que la pensée peut toutconcevoir et maîtriser, hormis ce qui implique contradiction, c'est-à-dire une opposition radicale entre deux termesou deux propositions dont l'un(e) nie ce que l'autre affirme.

En dehors des affirmations contradictoires, la penséepeut s'élancer dans tous les champs et s'emparer de tout.

Donc elle semble illimitée.

Rien ne borne la penséehumaine.

Pourtant, la seconde partie va démontrer le contraire. B.

SECONDE GRANDE PARTIE : « Mais [...] matériaux »La seconde partie développe l'idée que la pensée est en réalité bornée par la sensibilité.

Après avoir, dans unepremière sous-partie (« Mais [...] expérience ») souligné la limitation de la pensée, Hume, dans la seconde (« Quand[...] familières ») s'appuie sur un exemple pour renforcer son raisonnement.

Enfin, dans la troisième sous-partie («En un mot [...] matériaux »), il aboutit à la conclusion générale du texte : toute connaissance procède de lasensibilité, du fait de recevoir des excitations internes ou externes. a) Première sous-partie : « Mais [...] expérience »Les termes de sens et d'expérience jouent un rôle important.

Le premier renvoie à cette fonction nous permettantd'éprouver des sensations diverses (visions, etc.).

Le second désigne la totalité (potentielle) de l'émergence desphénomènes, en quelque sorte l'a posteriori de notre pensée : en bref tout ce qui est de l'ordre du fait ou del'intuition sensible acquise.Il ne faut pas s'illusionner sur les capacités de notre pensée.

La liberté de notre pensée est en fait resserrée dansdes limites fort étroites, bornée de manière précise.

Le « pouvoir créateur de l'esprit », c'est-à-dire la puissanced'invention, ex nihilo, à partir de rien, qui caractérise l'esprit — la pensée et la réflexion humaines — se ramène, enréalité, à tout autre chose : à une activité de combinaison de données que nous fournissent les fonctions sensiblesdiverses (les sens) et, d'autre part, les phénomènes globaux, les faits (l'expérience).

Ainsi, la seule possibilité quinous est laissée est de combiner, d'accroître ou de diminuer les données des sens.

Notre capacité de création àpartir de rien se trouve alors fort réduite. b) Seconde sous-partie : « Quand [...] familières »Hume démontre l'argument précédent par l'exemple de la montagne d'or.

Ici, une étrange association entre deuxfaits naturels, qui semblent bizarrement accouplés, le matériau précieux, propice à faire des bijoux, et l'élévation deforte altitude, avec élévation de terrain, cela semble une idée étrangère au réel ! Erreur, répond Hume.

Que faisons-nous ? Quand nous pensons une montagne d'or, c'est-à-dire exerçons une activité psychique comportant ces deuxnotions bizarrement assemblées, nous ne faisons que réunir deux idées — c'est-à-dire deux copies des impressionssensibles — pouvant s'unifier et présenter entre elles un accord, c'est-à-dire une communauté et une harmonie, uneconformité.

Ces deux idées nous étaient déjà familières : elles faisaient partie de notre esprit ; elles l'habitaient.

Lalibre création se ramène à des éléments préétablis par l'expérience. c) Troisième sous-partie : « En un mot [...] matériaux »Voici maintenant, le « bilan-conclusion » de tout le passage : tous les matériaux de la pensée, c'est-à-dire toutesles diverses matières nécessaires à sa construction, tous les éléments constitutifs de l'activité mentale de l'hommes'originent dans la sensibilité interne ou externe, dans le fait de recevoir des excitations, dans le fait d'être doué desensations internes (celles de notre corps) ou externes (renvoyant à l'ensemble du monde).

L'esprit — le principe dela pensée — et la volonté — la mise en œuvre des moyens appropriés à un résultat — ont pour fonction, pour rôlecaractéristique de combiner, c'est-à-dire d'arranger et de disposer ces matières des sens.

Dès lors, pensée et choixlibre sont plus limités qu'on ne croit, puisque toute connaissance dérive de l'expérience sensible.

Ainsi, pourconstruire des connaissances, l'esprit s'alimente toujours dans l'impression sensible.

La position empiriste de Humeaffirme que l'expérience sensible est la mère de toutes choses. 2.

Intérêt philosophique du texte A.

La position empiriste de HumeCes lignes formulent clairement la genèse de l'esprit à partir du sensible.

Tout en nous trouve son origine dansl'expérience.

Tout le domaine des idées se trouve ainsi fondé par la sphère des sensations.

C'est la vérité del'empirique et du fait qui nous constitue.

Telle est la philosophie empiriste de Hume qui a le mérite, non seulement desouligner l'importance de l'expérience dans la constitution de la pensée, mais aussi de dénoncer l'illusion del'autonomie et de la liberté, qui en fait ont une actualisation plus réduite qu'on ne le pense.

L'influence de Hume seraconsidérable et son empirisme se retrouve jusqu'au xxe siècle, avec en particulier le Cercle de Vienne ( 1921 ), quirappelle la nécessité de se référer toujours à l'expérience sensible et, du même coup, condamne le projetmétaphysique. B.

Finitude de l'esprit humainCe texte a aussi l'intérêt de souligner que, derrière l'apparent mouvement illimité, on découvre, en fait, les limitesétroites de la pensée.

D'un côté, l'expérience sensible interne, avec les passions, les sentiments, etc., et, del'autre, l'expérience sensible externe, avec les sensations proprement dites : cela fait beaucoup de limites à l'esprithumain, borné et fini.

Hume prend position dans le grand débat qui, depuis l'Antiquité, se présente aux penseurs.

Ilmarque plutôt la finitude que l'illimitation spirituelle.

Notre grand élan de pensée est, en vérité, limité. C.

Hume et Kant. »

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