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Hume et les limites de l'entendement humain

Publié le 13/05/2005

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hume
Rien, à première vue, ne peut sembler plus affranchi de toute limite que la pensée de l'homme ; non seulement elle défie toute puissance et toute autorité humaine, mais elle franchit même les bornes de la nature et de la réalité. Il n'en coûte pas plus à l'imagination de produire des monstres et de joindre ensemble des formes et des visions discordantes que de concevoir les objets les plus naturels et les plus familiers [...] Ce qu'on n'a jamais vu ou entendu est cependant concevable; et il n'est rien qui échappe aux prises de la pensée, hors ce qui implique absolument contradiction. Mais quelque illimitée que paraisse la liberté de notre pensée, nous découvrirons, en y regardant de plus près, qu'elle est en réalité resserrée dans des limites fort étroites, et que tout ce pouvoir créateur de l'esprit n'est rien de plus que la faculté de combiner, transposer, accroître ou diminuer des matériaux que nous fournissent les sens et l'expérience. Quand nous pensons à une montagne d'or, nous ne faisons que réunir deux idées capables de s'accorder, celle d'or et celle de montagne, qui nous étaient déjà familières [...] En un mot, tous les matériaux de la pensée tirent leur origine de notre sensibilité externe ou interne : l'esprit et la volonté n'ont d'autre fonction que de mêler et combiner ces matériaux. HUME, Enquête sur l'entendement humain.

   Ce texte est extrait de l'Enquête sur l'entendement humain, publié par Hume en 1748. Il soulève le problème suivant : sur quoi les opérations de la pensée se règlent-elles et se fondent-elles ? D'où procède notre connaissance ?  Notre pensée, loin d'être illimitée en ses pouvoirs, est restreinte au champ de l'expérience sensible, champ qui apporte des bornes à sa puissance et à son exercice.

hume

« de toute limite Le limité, c'est ce qui désigne la réalité marquée par des bornes, tandis que l'illimité correspond à cequi échappe aux bornes et s'étend selon une progression indéfinie.

Il y a là une fondamentale distinction entre lelimité et l'illimité.

Pourquoi la pensée humaine paraît-elle illimitée ? Hume fournit ici deux arguments : d'une part, lapensée humaine est une activité de défi, témoignant d'une mise en question radicale de toute-puissance — ici,pouvoir — et de toute autorité humaine — ici, la force inspirant le sentiment du respect, le droit de commander,l'ascendant du maître, etc.

—et, d'autre part, la pensée transcende les bornes, les limites de la nature — l'ensemblede tout ce qui est donné, de ce qui existe — et de la réalité, de ce qui s'impose à nous par les sens.

Il y a là undouble argument qui paraît important.

Cette faculté qu'est la pensée ne s'affranchit-elle pas de tout ? Elle défie,c'est-à-dire refuse de s'incliner devant quoi que ce soit, autorité, pouvoir, etc.

D'autre part, la pensée n'est jamaislimitée par le réel.

La seconde sous-partie fournit des exemples afin de soutenir l'argumentation. b) Seconde sous-partie : Il n'en [...1 contradictionHume donne d'abord un exemple tiré de l'imagination.

Cette faculté humaine de former des représentations sensibles(tel est bien le sens du terme imagination chez Hume), cette puissance d'invention et d'artifice (second senscoextensif au premier chez Hume) crée, sans difficulté, des monstres, des êtres fantastiques et invente égalementdes formes, des organisations d'images discordantes, sans nul accord et harmonie.

Donc l'imagination est bel et biencapable de franchir les limites de ce qui est donné, de créer d'étranges artifices sans nul rapport avec la réalité.Inventer l'irréel singulier, telle est la caractéristique de cette imagination qui s'élance, jamais enchaînée au réel,jamais limitée, apparemment capable de tout créer.Enfin, la dernière phrase de cette sous-partie (« Ce [...] contradiction ») souligne que la pensée peut toutconcevoir et maîtriser, hormis ce qui implique contradiction, c'est-à-dire une opposition radicale entre deux termesou deux propositions dont l'un(e) nie ce que l'autre affirme.

En dehors des affirmations contradictoires, la penséepeut s'élancer dans tous les champs et s'emparer de tout.

Donc elle semble illimitée.

Rien ne borne la penséehumaine.

Pourtant, la seconde partie va démontrer le contraire. B.

SECONDE GRANDE PARTIE : Mais [...] matériaux La seconde partie développe l'idée que la pensée est en réalité bornée par la sensibilité.

Après avoir, dans unepremière sous-partie (« Mais [...] expérience ») souligné la limitation de la pensée, Hume, dans la seconde (« Quand[...] familières ») s'appuie sur un exemple pour renforcer son raisonnement.

Enfin, dans la troisième sous-partie («En un mot [...] matériaux »), il aboutit à la conclusion générale du texte : toute connaissance procède de lasensibilité, du fait de recevoir des excitations internes ou externes. a) Première sous-partie : Mais [...] expérienceLes termes de sens et d'expérience jouent un rôle important.

Le premier renvoie à cette fonction nous permettantd'éprouver des sensations diverses (visions, etc.).

Le second désigne la totalité (potentielle) de l'émergence desphénomènes, en quelque sorte l'a posteriori de notre pensée : en bref tout ce qui est de l'ordre du fait ou del'intuition sensible acquise.Il ne faut pas s'illusionner sur les capacités de notre pensée.

La liberté de notre pensée est en fait resserrée dansdes limites fort étroites, bornée de manière précise.

Le « pouvoir créateur de l'esprit », c'est-à-dire la puissanced'invention, ex nihilo, à partir de rien, qui caractérise l'esprit — la pensée et la réflexion humaines — se ramène, enréalité, à tout autre chose : à une activité de combinaison de données que nous fournissent les fonctions sensiblesdiverses (les sens) et, d'autre part, les phénomènes globaux, les faits (l'expérience).

Ainsi, la seule possibilité quinous est laissée est de combiner, d'accroître ou de diminuer les données des sens.

Notre capacité de création àpartir de rien se trouve alors fort réduite. b) Seconde sous-partie : Quand [...] familièresHume démontre l'argument précédent par l'exemple de la montagne d'or.

Ici, une étrange association entre deuxfaits naturels, qui semblent bizarrement accouplés, le matériau précieux, propice à faire des bijoux, et l'élévation deforte altitude, avec élévation de terrain, cela semble une idée étrangère au réel ! Erreur, répond Hume.

Que faisons-nous ? Quand nous pensons une montagne d'or, c'est-à-dire exerçons une activité psychique comportant ces deuxnotions bizarrement assemblées, nous ne faisons que réunir deux idées — c'est-à-dire deux copies des impressionssensibles — pouvant s'unifier et présenter entre elles un accord, c'est-à-dire une communauté et une harmonie, uneconformité.

Ces deux idées nous étaient déjà familières : elles faisaient partie de notre esprit ; elles l'habitaient.

Lalibre création se ramène à des éléments préétablis par l'expérience. c) Troisième sous-partie : En un mot [...] matériauxVoici maintenant, le « bilan-conclusion » de tout le passage : tous les matériaux de la pensée, c'est-à-dire toutesles diverses matières nécessaires à sa construction, tous les éléments constitutifs de l'activité mentale de l'hommes'originent dans la sensibilité interne ou externe, dans le fait de recevoir des excitations, dans le fait d'être doué desensations internes (celles de notre corps) ou externes (renvoyant à l'ensemble du monde).

L'esprit — le principe dela pensée — et la volonté — la mise en oeuvre des moyens appropriés à un résultat — ont pour fonction, pour rôlecaractéristique de combiner, c'est-à-dire d'arranger et de disposer ces matières des sens.

Dès lors, pensée et choixlibre sont plus limités qu'on ne croit, puisque toute connaissance dérive de l'expérience sensible.

Ainsi, pourconstruire des connaissances, l'esprit s'alimente toujours dans l'impression sensible.

La position empiriste de Humeaffirme que l'expérience sensible est la mère de toutes choses. 2.

Intérêt philosophique du texte. »

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