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FREUD: illusion et erreur

Publié le 08/04/2005

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freud
Une illusion n'est pas la même chose qu'une erreur, une illusion n'est pas non plus nécessairement une erreur. L'opinion d'Aristote, d'après laquelle la vermine serait engendrée par l'ordure - opinion qui est encore celle du peuple ignorant -, était une erreur ; de même l'opinion qu'avait une génération antérieure de médecins, et d'après laquelle le tabès aurait été la conséquence d'excès sexuels. Il serait impropre d'appeler ces erreurs des illusions, alors que c'était une illusion de la part de Christophe Colomb, quand il croyait avoir trouvé une nouvelle route maritime des Indes. La part de désir que comportait cette erreur est manifeste. On peut qualifier d'illusion l'assertion de certains nationalistes, assertion d'après laquelle les races indogermaniques seraient les seules races humaines susceptibles de culture, ou bien encore la croyance d'après laquelle l'enfant serait un être dénué de sexualité, croyance détruite pour la première fois par la psychanalyse. Ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être dérivée des désirs humains ; elle se rapproche par là de l'idée délirante en psychiatrie, mais se sépare aussi de celle-ci, même si l'on ne tient pas compte de la structure compliquée de l'idée délirante. L'idée délirante est essentiellement - nous soulignons ce caractère - en contradiction avec la réalité ; l'illusion n'est pas nécessairement fausse, c'est-à-dire irréalisable ou en contradiction avec la réalité. Une jeune fille de condition modeste peut par exemple se créer l'illusion qu'un prince va venir la chercher pour l'épouser. Or, ceci est possible ; quelques cas de ce genre se sont réellement présentés (...). Des exemples d'illusions authentiques ne sont pas, d'ordinaire, faciles à découvrir ; mais l'illusion des alchimistes de pouvoir transmuter tous les métaux en or est peut-être l'une d'elles. Le désir d'avoir beaucoup d'or, autant d'or que possible, a été très atténué par notre intelligence actuelle des conditions de la richesse; cependant la chimie ne tient plus pour impossible une transmutation des métaux en or. Ainsi nous appelons illusion une croyance quand, dans la motivation de celle-ci, la réalisation d'un désir est prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, des rapports de cette croyance à la réalité, tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le réel. FREUD
freud

« ordre, les illusions des sens subsistent lorsque la raison montre leur fausseté.

L'amputé sait fort bien qu'il aperdu un bras.

Il continue pourtant à souffrir et à localiser la douleur dans son membre fantôme.

Et l'astronomea beau savoir que la terre tourne autour du soleil, qu'elle est éloignée de lui d'une grande distance, il continueà voir comme tout le monde, disait Spinoza, le soleil tourner autour de la terre, comme un gros ballon rougetout proche.

A la différence de l'erreur qui est guérie par la raison, l'illusion demeure après sa réfutation.

C'estdonc que les convictions illusoires ont une source positive, originale.

Leur racine profonde est dans tous lescas extérieure à la raison.

Quelles sont donc les sources de nos illusions?Selon Freud la plupart des illusions sont le produit de nos désirs.

Ce sont des croyances suscitées par le désir,par le besoin impérieux de satisfaire nos pulsions.

C'est donc le principe du plaisir, et l'oubli du principe deréalité qui est à la racine de l'illusion.

On croit ce que l'on souhaite, ce qu'on voudrait qui soit malgré tous lesdémentis de la réalité.

Dans certaines familles, disait Marcel Proust, quel que soit le nombre des maladies, desdésastres et des deuils on ne doute jamais de la bonté de son Dieu, ni du talent de son médecin! L'illusion estune revanche du désir sur la réalité.

Les images de la rêverie, celles du rêve nocturne sont typiquement desillusions suscitées par le désir.

Le rêveur se voit par exemple dans des situations qui flattent ses désirsérotiques ou ambitieux.

L'illusion, née du désir, est par essence étrangère à la réalité mais il peut se faire paraccident que la réalité se conforme au désir.

C'est une illusion de croire s'enrichir en prenant des billets deloterie, pourtant il y a toujours quelqu'un qui gagne le gros lot.

L'illusion de la jeune fille qui croit qu'un princeva l'épouser peut exceptionnellement se réaliser.

De même, remarque Freud, la croyance des anciensalchimistes qui rêvaient de fabriquer de l'or à partir d'autres métaux est typiquement une illusion, cettecroyance n'ayant d'autre source que le désir.

Cependant, ce n'est pas absolument une erreur puisque la chimiecontemporaine ne tient plus pour radicalement impossible cette transmutation.

En ce sens, l'illusion qui peutexceptionnellement et accidentellement devenir réalité se distingue de l'idée délirante qui est toujours fausse.Par exemple, cette mère est devenue folle à la suite de la mort de son fils; dans son délire, elle imagine quecelui-ci est toujours vivant.

C'est plus qu'une illusion, c'est une idée délirante car il ne peut se faire quel'enfant ressuscite.Mais l'illusion (qui n'est pas toujours et radicalement une erreur) et l'idée délirante (qui est toujours une erreur)sont de la même famille.

Dans les deux cas, en effet, la croyance est imperméable aux arguments rationnels, lacroyance n'est pas la conclusion d'un raisonnement mais le produit d'un désir.

e Nous appelons illusion, ditFreud, une croyance quand, dans la motivation de celle-ci, la réalisation d'un désir est prévalente et nous netenons pas compte, ce faisant, des rapports de cette croyance et de la réalité.

» C'est ainsi que pour Freudles croyances religieuses (comme d'ailleurs l'incroyance systématique) sont des illusions.

La question de savoirsi Dieu existe vraiment ou non n'est pas posée par Freud.

La croyance (ou l'incroyance) religieuse est uneillusion parce que ses mobiles se trouvent non dans la raison, mais dans le désir, dans le tissu des craintes etdes espérances qui se sont formées en nous inconsciemment dès nos premières années.

L'idée de Dieu estsuscitée par l'image nostalgique du Père de la première enfance qui apparaissait tout-puissant, maître des joieset des peines.

Si « la mort du père est la naissance de Dieu », au rebours, la négation de Dieu peut êtresuscitée par la révolte contre le père.

Un étudiant en médecine écrit à Freud qu'il a perdu la foi le jour où il vitdans la salle de dissection le cadavre d'une vieille femme aux traits adorables...

Freud remarque que cetargument n'est guère rationnel (car il y a dans le monde bien des injustices et des horreurs plus terribles que laprésence dans une salle de dissection d'un cadavre aux traits sympathiques).

Il est clair en l'occurrence que lavieille femme morte a réveillé dans l'inconscient de l'étudiant l'image de la mère et simultanément la jalousie etla révolte à l'égard du Père.

Les croyances qui se nouent et se dénouent de la sorte sont des masques du désir(et ici des figures du « complexe d'Oedipe ») donc des illusions.

Les relations Désir-Illusion sont d'ailleurs réciproques.

Si l'illusion est suscitée par le désir, le désir apparaît lui-même toujours teinté d'illusion.

Le désir n'est ni le besoin (lequel est précis et limité : par exemple tel régimealimentaire correspond aux besoins de telle espèce animale) ni la demande (qui s'adresse toujours à quelqu'un).Le désir est une.

exigence imprécise, illimitée dont on ne sait à qui elle s'adresse.

C'est pourquoi il est del'essence du désir de n'être jamais satisfait, de renaître après chaque satisfaction, de réclamer toujours autrechose et d'ignorer au fond (illusion suprême) ce qu'il souhaite.Mais le mot illusion ne désigne pas seulement les croyances suscitées par le désir.

Le domaine sémantique del'illusion est beaucoup plus vaste.

Les illusions d'optique, les illusions des sens n'ont pas de rapport avecl'affectivité.

Par exemple, le phénomène du mirage n'est pas provoqué par le désir du voyageur, qui, cheminantdans le désert, souhaite trouver de l'eau.

Le mirage s'explique par un mécanisme optique qui se produit selondes lois physiques bien précises dans des couches d'air très chaudes.

Les objets éloignés produisent une imagerenversée d'eux-mêmes comme s'ils se reflétaient dans une nappe d'eau.

De même, l'illusion des amputés a descauses neurologiques mécaniques sans rapport avec les pulsions.

L'image du corps qui se forme dans la zonesensorielle du cortex cérébral est plus durable, plus solide que l'intégrité du corps lui-même.

C'est lapersistance de cette image centrale qui explique la localisation de la douleur dans un espace imaginaire.

Leshallucinations sont une forme d'illusions qui s'expliquent parfois, elles aussi de façon mécanique.

Par exemple,une tumeur cérébrale de la zone occipitale provoque des hallucinations visuelles, les couches optiques ducerveau étant excitées par la tumeur comme si elles étaient stimulées par un message lumineux réel.

Toutesces illusions sensorielles bien différentes les unes des autres (du mirage aux hallucinations) ont cependant unpoint, commun.

Elles sont provoquées par des mécanismes neurologiques ou physiques qui jouent dans desconditions insolites.

Ce sont des illusions par rapport au fonctionnement normal de nos organes sensoriels.

Est-ce à dire que la perception normale, que la connaissance sensible habituelle doive être considérée comme lanorme même de la connaissance vraie ? Il n'en est rien et il faut rappeler que de Platon à Husserl ou à. »

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