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Faut-il renoncer au désir pour être heureux ?

Publié le 27/02/2008

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Faut-il renoncer au désir pour être heureux ?

Cette réflexion est proposée lorsque, arrivée à une étape de sa vie et ayant résolu les nécessités matérielles, la personne aspire à la sérénité ; cette sérénité qui pourrait passer par un retrait (ici retrait plus que renoncement) vis-à-vis de la dimension matérielle de la vie. Il a déjà, dans cet énoncé, l'idée que la recherche d'un certain bonheur serait seconde. Le bonheur ne devient une quête qu'au prix de la maturité ( ?), de la satisfaction matérielle de ses besoins ( ?), d'une démarche intellectuelle ( ?), ...

  Le retrait, c'est peut être de recentrer ses désirs. Qu'est-ce qu'être heureux ? Est-ce que « être heureux « c'est « ne pas être malheureux « ? Cette tentation de définir d'emblée une chose par son contraire semble nous conduire vers une impasse tautologique. On peut certes tenter de préciser une chose par une espèce de réciprocité inversée mais,

  d'une part : Encore faut il dire au moins ce qu'un des deux termes signifie, faute de quoi, nous restons dans une sorte de syncrétisme, de « siamoiserie « du raisonnement -D'autre part, on prive chaque mot et , plus grave, chaque réalité, de son identité propre, renonçant par la même à donner du sens au monde ; monde qui sera tout à la fois soi et son contraire ! Une idée ne doit elle pas d'abord chercher à dire ce qu'elle est, après quoi elle désigne son contraire.

  A quoi faut-il donc renoncer pour être heureux ? Y a-t-il un choix stratégique à faire : renoncer à ce qui nous semble moins important pour obtenir l'essentiel. Le renoncement nécessite un effort et il a un prix. Le couple illustre cette situation. Ici, être heureux implique des compromis et des concessions. Ainsi, il faudrait aliéner une part de sa liberté et de ses désirs pour être heureux ? -Faut-il aller jusqu'à renoncer au bonheur pour être heureux ? Et le bonheur est-il le désir ou la satisfaction de son désir ?

« En quoi l'arrêt du désir pourrait-il contribuer à notre bonheur ? Si l'on considère le désir comme manque, c'est-à-dire comme la quête insatiable de ce quenous n'avons pas, il semble certain que nous sommes condamnés à rester insatisfaits ; d'une manière générale, on pourrait dire que si nous désirons êtreheureux, c'est que nous ne le sommes pas effectivement.

Le désir serait donc ce qui éloigne du bonheur considéré comme un état de repos et desatisfaction.

Cependant, cette conception nous invite à penser que l'homme peut renoncer au désir, qu'il peut refuser sa condition d'être désirant.

Il fautdonc que nous nous demandions si cela est possible et si, le cas échéant, le bonheur est compatible avec nos désirs eux-mêmes.

I - Aristote et le bonheur comme achèvement Dans son Éthique à Nicomaque, Aristote remarque que toutes les activités humaines tendent vers une fin ;ainsi, la stratégie consiste à remporter des victoires, la médecine à procurer la santé, etc.

Dès lors, aucune activité nevaut en soi, mais uniquement comme moyen pour atteindre une fin ou un but.

Cependant, Aristote remarque que toutesles activités humaines restent ultimement ordonnées à une fin suprême : le bonheur.De ce fait, le bonheur est défini comme une activité qui n'est pas un moyen pour autre chose, mais est une fin en soi.On est heureux, en somme, pour être heureux, alors qu'on a recours à la médecine pour se soigner.

Le bonheur estdonc caractérisé par son autonomie, son autarcie et son achèvement.

Être heureux, c'est se suffire à soi-même etn'avoir besoin de rien.Or, définir ainsi le bonheur par son achèvement - il ne lui manque rien - c'est marquer la distance qui le sépare dudésir, qui est par essence manque et inachèvement.

Aristote n'est pas dupe, qui nous dit que le bonheur est un étatpresque divin : alors que l'homme désire sans cesse, parce qu'il est fini et imparfait, Dieu est heureux car infini etparfait.

L'homme doit donc, selon Aristote, tendre à la divinité ; il doit chercher à s'immortaliser pour atteindre lebonheur achevé que connaît Dieu.Ainsi, le bonheur est désirable en soi et non pour autre chose ; une fois atteint, on en jouit sans désirer autre choseau-delà.

En ce sens, la définition même du bonheur est celle d'une absence de désir.

C'est en ce sens que vaSchopenhauer lorsqu'il prône une morale ascétique.

Qu'en est-il ? II - Schopenhauer et la morale ascétique Selon Schopenhauer, le monde dans son ensemble est soumis à une pulsion unique.

Cette pulsion, Schopenhauer l'appelle volonté, mais elle ressembleétrangement à la vie elle-même.

En effet, ses caractères principaux sont d'ordre sexuel, c'est-à-dire qu'il renvoie à la perpétuation de l'espèce et à laconservation de l'individu.

Le pas que je fais en arrière lorsqu'une voiture arrive droit sur moi ou bien le désir sexuel que j'éprouve sont des manifestationsde cette pulsion, que l'on retrouve également chez les animaux ou les végétaux.Ainsi, l'ensemble des êtres est soumis à un désir fondamental, qui commande notre vie en son entier.

En effet, nous dit Schopenhauer, dès qu'il est soumisau désir, l'individu cherche par tous les moyens à le satisfaire ; il s'occupe donc à combler le manque qui l'habite et ne il songe qu'à cela.

Mais, une fois ledésir satisfait, l'individu n'éprouve plus rien que de l'ennui, jusqu'à ce que le désir vienne de nouveau l'exciter.

Dès lors, la vie est perçue comme oscillantentre le désir et l'ennui, l'un menant à l'autre, inlassablement.Or, cet état de chose est proprement désolant pour Schopenhauer.

Il faut donc que nous tentions de nous délivrer de la pulsion qui nous hante.

Deuxremèdes se présentent ; d'une part, la contemplation esthétique : les œuvres d'art nous permettent alors de considérer les choses, non plus comme objetsde nos désirs, mais en elles-mêmes ; d'autre part, la morale ascétique, qui consiste à brimer en nous la pulsion de vie, afin de ne plus en être le jouet.

Parces deux voies, nous atteignons le bonheur, c'est-à-dire un état où nous ne désirons plus et où nous ne ressentons plus ni aucun manque ni aucun ennui.

III - Épicure et l'usage réglé des désirs Toutefois, nous devons voir que les morales d'Aristote et de Schopenhauer proposent, au nom du bonheur, derenoncer au désir.

L'homme doit s'efforcer d'atteindre un état divin - le bonheur achevé - en renonçant aux désirsanimaux qui le tourmentent.

Cependant, cela implique que l'homme renonce à lui-même et à sa nature désirante.

Or,celle-ci est-elle définitivement inconciliable avec le bonheur ? L'homme doit-il être autre que ce qu'il est pour êtreheureux ? Pour Épicure, le bonheur est réalisable pour l'homme, non en renonçant à des désirs, mais en parvenant àfaire un usage réglé de ceux-ci.

Ainsi, l'homme peut-il atteindre l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles dans sonâme, en régulant ses désirs.En effet, pour Épicure, le bonheur s'atteint dès que l'âme quitte l'état d'anxiété naturelle dans lequel elle se trouve.

Ils'agit alors d'éloigner les troubles liés à l'âme en distinguant les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturelsnon nécessaires et les désirs ni naturels ni nécessaires.

En se pliant aux premiers (comme boire de l'eau) et enrefusant les derniers (comme chercher la richesse ou la gloire), l'homme accomplit alors ce qui est vraiment en sonpouvoir.

Il poursuit des buts raisonnables, et ce faisant il exprime sa vertu, ce qui lui permet d'accéder au bonheurcompris comme quiétude, absence de troubles, ataraxie.De ce point de vue-là, le désir n'est plus envisagé comme contraire à la nature de l'homme.

Épicure montre quel'homme est un être de désir et que, mal employés, ils peuvent le rendre malheureux.

Mais, s'il se dispose à guider sesdésirs selon sa raison, ceux-ci ne sont plus susceptibles de s'opposer à son bonheur.

Conclusion Ainsi, le bonheur semble être l'opposé du désir.

L'achèvement aristotélicien du bonheur l'oppose à l'état de manque des autres activités ; alors quele bonheur est une fin en soi et désirable pour lui-même, toutes nos activités les plus courantes court infiniment après un bien désiré.

C'est que l'homme,comme l'a montré Schopenhauer, est un être entièrement pétri de désir et soumis à une pulsion désirante.

Or, si celui-ci nous rend malheureux, c'est lerenoncement au désir, par l'art et l'ascétisme, qui peut à l'inverse nous conduire au bonheur.

Cependant, plutôt que de renoncer à nos désirs et de lesbrimer, Épicure propose une solution médiane : il ne nous est pas possible de ne pas désirer, en revanche nous pouvons faire un usage réglé de nos désirs,et c'est cette régulation qui nous ouvre la voie du bonheur.

En ce sens, on ne peut plus dire qu'il faille cesser de désirer pour être heureux, mais plutôt qu'ilfaut bien désirer.. »

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