Devoir de Philosophie

F. de Saussure, Cours de linguistique générale

Publié le 10/05/2005

Extrait du document

saussure
Dans la langue, il n'y a que des différences. Bien plus, une différence suppose en général des termes positifs entre lesquels elle s'établit, mais dans la langue il n'y a que des différences sans termes positifs. Qu'on prenne le signifié en le signifiant, la langue ne comporte ni des idées ni des sons qui préexisteraient au système linguistique, mais seulement des différences conceptuelles et des différences phoniques issues de ce système. Ce qu'il y a d'idées ou de matière phonique dans un signe importe moins que ce qu'il y a autour de lui dans les autres signes. La preuve en est que la valeur d'un terme peut être modifiée sans qu'on touche ni à son sens ni à ses sons, mais seulement par le fait que tel autre terme voisin aura subi une modification. (F. de Saussure, Cours de linguistique générale, réédition de 1967, Payot, p. 166.)

Dans la langue, il n'y a que des différences. Bien plus, une différence suppose en général des termes positifs entre lesquels elle s'établit, mais dans la langue il n'y a que des différences sans termes positifs. Qu'on prenne le signifié en le signifiant, la langue ne comporte ni des idées ni des sons qui préexisteraient au système linguistique, mais seulement des différences conceptuelles et des différences phoniques issues de ce système. Ce qu'il y a d'idées ou de matière phonique dans un signe importe moins que ce qu'il y a autour de lui dans les autres signes.  La preuve en est que la valeur d'un terme peut être modifiée sans qu'on touche ni à son sens ni à ses sons, mais seulement par le fait que tel autre terme voisin aura subi une modification.  (F. de Saussure, Cours de linguistique générale, réédition de 1967, Payot, p. 166.)

saussure

« ...

seulement des différences conceptuelles.

Une langue ne comporte que des différences.

Considérons les signifiés,les idées d'une langue.

Par exemple l'idée signifiée par le mot « capitaine » considérée isolément n'a aucun sens.

Lemot capitaine n'a de sens que par ses relations avec les autres mots qui définissent les divers échelons de lahiérarchie militaire française.

Le sens du mot capitaine est tout entier dans les différences qui distinguent ce gradedu grade inférieur, lieutenant, ou du grade supérieur, commandant. ...

et des différences phoniques.

Considérons maintenant non plus les idées, les signifiés mais les signifiants eux-mêmes, c'est-à-dire les sons de la langue. L'élément sonore, phonique n'est pas en lui-même «pertinent»; il n'entre en compte, il n'a d'importance linguistiqueque dans la mesure où je le distingue des autres éléments sonores.

Considérons par exemple les plus petites unitéssonores distinctives d'une langue, les phonèmes : le mot fête par exemple comporte trois « phonèmes » distincts /f//ê/ /t/.

Nous identifions chaque phonème, par exemple le phonème /f/ non seulement ni même essentiellement parson identité avec les autres /f/ mais parce que nous le différencions immédiatement, en écoutant parler, des autresphonèmes de la langue.

Parce que je distingue immédiatement le phonème /f/ du phonème /t/, je n'attribue pas lemême sens à ces deux propositions : « Il lui a fait la tête » et «Il lui a fait la fête ».

Le sens est même absolumentopposé.

Le changement d'un petit phonème de rien du tout suffit ici à basculer le sens.

Notez d'ailleurs qu'il peut yavoir entre les sons des différences non pertinentes, c'est-à-dire linguistiquement insignifiantes, qui ne comptentpas pour le sens.

Le mot râteau — que je prononce le r en le grasseyant ou en le roulant — est compris de la mêmefaçon.

Les différences pertinentes ou non entre les phonèmes varient d'une langue à une autre.

En français ladistinction de la consonne sourde p et de la consonne sonore b est pertinente (un bas n'est pas un pas).

Elle nel'est pas en chinois mandarin et c'est une des grosses difficultés pour les Chinois qui apprennent la langue française.En revanche la distinction du p aspiré et du p non aspiré est pertinente en chinois et ne l'est pas en français.

Entout cas nous vérifions ici l'idée de Ferdinand de Saussure :« Dans la langue il n'y a que des différences.

» Comme le dit N.S.

Troubetzkoy : « En phonologie le rôle principalrevient non pas aux phonèmes mais aux oppositions distinctives.

Un phonème ne possède un contenu phonologiquedéfinissable que parce que le système des oppositions phonologiques présente une structure, un ordre déterminé.

» La valeur d'un terme peut être modifiée sans qu'on touche ni à son sens, ni à ses sons, mais seulement par le faitque tel autre terme voisin aura subi une modification. La valeur d'un mot d'une langue dépend des autres mots.

Par exemple : « tous les mots qui expriment des idéesvoisines se limitent réciproquement.

Des synonymes comme redouter, craindre, avoir peur n'ont de valeur propre quepar leur opposition.

Si redouter n'existait pas, tout son contenu irait à ses concurrents.» Saussure remarqueégalement que le mot décrépit (un vieillard décrépit) qui vient du latin decrepitus, usé par l'âge, est quelque peuinfluencé dans la valeur que nous lui attribuons par le mot décrépi (un mur décrépi), c'est-à-dire dont on a enlevé lemortier, bien qu'historiquement ces deux mots soient indépendants (décrépi vient de crispus, ondulé, crêpé).

Le motfrançais mouton n'a pas la même valeur que le mot anglais sheep qui désigne seulement l'animal sur pied et non laviande (mutton).

La valeur du mot anglais sheep est donc fonction de l'existence de l'autre mot mutton. Dans la langue il n'y a que des différences, sans termes positifs. Toute langue est donc, en définitive, un système d'éléments dont chacun ne se définit que par l'ensemble desrelations, c'est-à-dire des différences et des oppositions qu'il entretient avec les autres éléments.

La langue estavant tout, selon une formule que Saussure répète sans cesse un système, on dit aujourd'hui dans le même sensune structure « La langue étant ce qu'elle est, de quelque côté qu'on l'aborde, on n'y trouvera rien de simple;partout et toujours ce même équilibre complexe de termes qui se conditionnent réciproquement.

Autrement dit, lalangue est une forme et non une substance.

» Notez que chez Saussure le principe du système linguistique estétroitement lié au principe de l'arbitraire du signe.

Si le signifié avait un rapport intime avec le signifiant, si lesignifiant ressemblait en quelque manière au signifié, chaque signifiant pourrait avoir en lui-même une valeur propre.Mais chaque élément étant arbitraire, il ne peut tirer sa valeur que de l'ensemble de la langue.

« Arbitraire etdifférentiel sont deux qualités corrélatives », dit Saussure. c) Conclusion Au XIX siècle la linguistique était avant tout atomistique (c'est-à-dire analytique : on étudiait à part chaqueélément du langage) et diachronique (c'est-à-dire historique).

On considérait à part chaque élément du langage eton cherchait son origine dans un état antérieur de la langue.

Il est vrai qu'on étudiait passionnément la grammairecomparée des diverses langues indo-européennes mais c'était avant tout pour reconstruire hypothétiquement unelangue antérieure.Ferdinand de Saussure opère dans l'étude du langage une révolution.

Au point de vue analytique, atomistique, ilsubstitue le point de vue structuraliste.

Ce qui compte c'est le système constitué par une langue.

Les éléments necomptent plus que par le système d'oppositions et de différences que leur ensemble constitue.

Les « différencesconceptuelles et les différences phoniques » sont « issues du système ».Au point de vue diachronique, c'est-à-dire historique (qui ne s'intéresse qu'à l'origine de tel ou tel élémentlinguistique, à son évolution dans le temps) il substitue le point de vue synchronique.

Le point de vue synchroniqueest étroitement lié au point de vue structuraliste puisque la linguistique synchronique étudie la relation entre leséléments coexistants qui constituent, à tel instant de l'histoire, le système d'une langue donnée.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles