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Expliquez et discutez cette maxime de La Rochefoucauld : « On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres. » ?

Publié le 16/06/2009

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INTRODUCTION. - « A mesure qu'on a plus d'esprit, dit PASCAL (Pensées, p. 323), on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes. « Mais n'est-ce pas le fin du fin de se trouver parfois, comme le prétend LA ROCHEFOUCAULD (Maxime, 135) « aussi différent de soi-même que des autres « ? Cette maxime ne résulte-t-elle pas de la recherche de formules spirituelles plus que de l'observation de la réalité D C'est ce que nous allons nous efforcer de voir.

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« 1.

Tout d'abord nous y lisons : « on est ».

En disant « on » l'auteur songe immédiatement à lui-même.

Mais « on est» n'équivaut pas à « je suis ».

Ce que je suis peut m'être propre.

Au contraire, lorsque me fondant sur monexpérience personnelle, je dis ce qu' « on est », ce pronom indéfini désigne aussi les autres et l'affirmation vaut detout homme comme le suggère déjà l'origine de « on ».

Or, la maxime de LA ROCHEFOUCAULD semble opposer à cet« on » changeant « les autres » toujours égaux à eux-mêmes.

Il y a là une incohérence d'expression, sinon depensée.En réalité, tout en disant : « on est », LA ROCHEFOUCAULD pense : « on se voit », « on se reconnaît » ou, pourreprendre le mot de PASCAL : « on se trouve ».

Grâce à ces verbes disparaît l'incohérence que nous signalions : onne voit pas, on ne connaît pas les autres comme on se voit et se connaît soi-même.

Quand il s'agit de soi, il y a uneimmédiateté irréalisable dans la connaissance d'autrui, même dans les cas privilégiés et fort rares de communicationdes consciences.

Constamment je puis me rendre présent à moi-même et suivre les variations de ma vie intérieure.Des autres, au contraire, je n'aperçois que l'extérieur.

Ou plutôt, de cet extérieur je ne perçois normalement que cequi est nécessaire pour les identifier : c'est Pierre que je vois, non pas avec l'expression de visage qu'il a ce matin,mais ce Pierre que nous connaissons tous avec ce qu'on sait de lui, savoir qui reste à peu près constant : iciencore, percevoir finit, suivant le mot de BERGSON, par n'être plus qu'une occasion de se souvenir.

Ce n'est pas àce que sont à l'instant même les autres que nous nous comparons, mais à l'opinion plus ou moins arrêtée que nousnous sommes faite sur eux. 2.

Mais dans la conscience que nous avons de nous-même intervient aussi l'opinion quelque peu stéréotypée quechacun a de soi, et cette intervention nous empêche bien des fois de nous rendre compte des altérationssurvenues.

Ne pourrait-on pas dans ces conditions préférer « on est » à « on se trouve » ? Cette variante de lamaxime est parfaitement admissible, mais alors « quelquefois » n'est pas assez dire : c'est fréquemment que notrevie intérieure est le théâtre de ces modifications profondes qui, si nous en prenions une conscience nette, nousdonneraient le sentiment d'être autres.Nous conclurons donc en écartant le texte de la première édition — celui qui est soumis à notre jugement — pourretenir Fun des deux autres que donne en note l'Édition des Grands Écrivains de la France : soit « chaque hommen'est pas plus différent des autres qu'il ne l'est souvent de lui-même » (manuscrit); soit « chaque homme se trouvequelquefois aussi différent de lui-même qu'il l'est des autres » (Ed.

de 1665). 3.

La considération de l'idée que nous nous faisons de nous-même venant boucher en quelque sorte l'observation dece qui se passe actuellement en nous nous amène à nous demander si LA ROCHEFOUCAULD a suffisamment explicitéle terme de comparaison par rapport auquel nous nous jugeons différents : « On est quelquefois aussi différent desoi-même que des autres » dit-il.

Mais quel est ce soi-même ? Comment d'ailleurs peut-on être soi-même et autreque soi-même ? Le principe d'identité ne vaudrait-il plus quand il s'agit du psychisme humain ?Une première réponse consisterait à dire que, d'après ce principe, « la même chose ne peut pas à la fois être etn'être pas ».

Or c'est à îles époques plus ou moins éloignées et non « à la fois » que nous sommes ou nous noustrouvons autres.

Mais alors LA ROCHEFOUCAULD n'aurait-il pas dû indiquer cette circonstance comme l'a fait PASCALdans une réflexion analogue : « Il n'y a point d'homme plus différent d'un autre que de soi-même dans les diverstemps » ?Effectivement, nous comparons bien parfois nos dispositions présentes à celles d'une certaine époque révolue.

Maisces dispositions passées, ce n'est pas « nous-même ».

En fait d'ailleurs c'est bien au sein du moi actuel et sansavoir à nous référer à un terme de comparaison antérieur que nous avons le sentiment d'une différence et d'unesorte de contradiction.

Nous nous constatons d'abord différents de celui que nous croyions être.

Ensuite, lechangement des circonstances révèle dans notre moi profond les virtualités les plus diverses et dont certainessemblent incompatibles entre elles.

Bien plus, l'ambivalence de bien de nos sentiments nous donne l'impression d'unediversité intérieure aussi grande que celle que nous constatons en comparant les hommes entre eux; cesambivalences.

LA ROCHEFOUCAULD les a mises en relief et on peut en glaner à presque toutes les pages de sesMaximes. CONCLUSION. — En définitive, la maxime de LA ROCHEFOUCAULD fait bien comprendre ce qu'elle veut dire.

L'esprit logique trouverait sans doute à y corriger, mais il n'a pas voix au chapitre : s'ils s'étaient soumis à ses exigences,nos moralistes n'auraient pas créé le genre littéraire dans lequel ils sont excellé.

La maxime comporte une part deparadoxe.

Elle procède par suggestions plus que par expressions rigoureusement exactes.

C'est pourquoi, comme ledit un auteur contemporain qui s'est essayé dans ce genre, « la maxime est plus facile à faire qu'à expliquer ».

Et ilajoute cette remarque : « Du reste la bonne maxime ne demande aucun commentaire, elle brille de son propre éclatcomme le soleil.

». »

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