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Eude de texte: Baruch Spinoza, Ethique, II, Proposition 47, Scolie ?

Publié le 02/09/2009

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spinoza

« La plupart des erreurs consistent en cela seul que nous n'appliquons pas les noms aux choses correctement. Quand quelqu'un dit que les lignes menées du centre du cercle à la circonférence sont inégales, certes il entend alors par cercle autre chose que ne font les mathématiciens. De même, quand les hommes commettent une erreur dans un calcul, ils ont dans la pensée d'autres nombres que ceux qu'ils ont sur le papier. C'est pourquoi, certes, si l'on a égard à leur pensée, ils ne commettent point d'erreur, ils semblent en commettre une cependant, parce que nous croyons qu'ils ont dans la pensée les nombres qu'ils ont sur le papier. S'il n'en était pas ainsi, nous ne croirions pas qu'ils communiquent une erreur, de même qu'ayant entendu quelqu'un crier naguère que sa maison s'était envolée sur la poule du voisin, je n'ai pas cru qu'il fût dans l'erreur, parce que sa pensée me semblait assez claire. Et de là naissent la plupart des controverses, à savoir que les hommes n'expriment pas correctement leur pensée ou de ce qu'ils interprètent mal la pensée d'autrui. En réalité, tandis qu'ils se contredisent le plus, ils pensent la même chose ou pensent à des choses différentes, de sorte que ce qu'on croit être une erreur ou une obscurité en autrui, n'en est pas une. « Baruch Spinoza, Ethique, II, Proposition 47, Scolie

 

Epictète dans ses Entretiens fondait le point de départ de la philosophie sur les discordes et les disputes des hommes entre eux. Il écrit ainsi : « Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises les hommes entre eux, la recherche de l'origine de ce conflit. « On reconnaît en effet généralement que les hommes ont toutes des idées différentes dont certaines sont fausses et d’autres vraies. La recherche de la vérité, comme norme qui permet de juger des esprits, est donc à ce titre une des préoccupations principales de la philosophie. A ce titre, nous pouvons dire que ce texte de Spinoza est pleinement philosophique puisqu’il s’interroger sur l’origine des erreurs des hommes et tente de répondre à cette question : pourquoi les hommes se disputent-ils ? D’où viennent leurs nombreux désaccords ? Or, si le thèse et le thème ne sont pas novateurs, la conclusion quant à elle a de quoi étonner. Si les erreurs viennent de l’opacité que fait naître le langage dans la pensée, est-il possible d’accorder les hommes ? Les erreurs ne viennent-elles que du langage ? 

spinoza

« d'un pays et paraissent claires à tous.

Il semble donc difficile de soutenir qu'à un nombre donné, deux hommes ontdes réalités différentes dans la tête.

Il semble plutôt ici que l'erreur provienne d'une mauvaise notation sur le papier.Ainsi, si l'homme écrit « 3 + 2 = 6 », ce qu'il a écrit « sur le papier » est en effet une erreur mais c'est parce qu'ilavait d'autres chiffres dans la tête comme « 3 + 3 = 6 » et qu'il n'a pas écrit ce qu'il avait dans sa pensée.

Il n'yaurait donc pas d'erreur de calcul dans la pensée du calculateur parce qu'il est illogique et donc impensabled'affirmer que « 3 + 2 = 5 » Dans les deux cas donc, l'homme se trompe dans le mot à employer.

Le point commun de ces deux exemples nous permet de comprendre ce que signifier Spinoza.

Dans les deuxexemples, c'est le jugement énonce par l'observation extérieur qui est en jeu.

Le verbe « sembler » marque bien quel'erreur de ces deux individus n'est qu'une apparence extérieure et non une réalité.

C'est parce que nous, c'est-à-dire l'ensemble des hommes, jugeons uniquement les autres sur les signes extérieurs de leur pensée, les mots ou lesnombres que nous imputons des absurdités dans la pensée des autres et qu'il y a discordance entre les hommes.C'est ce qu'indique cette proposition « nous pensons qu'ils ont dans la pensée ».

Nous confondons ainsi langage etpensée, c'est-à-dire que nous considérons que la pensée de l'autre est parfaitement identique à ce qu'il exprimeextérieurement à l'aide des signes.

Nous jugeons de la pensée par les mots.

Pourtant, si on n'arrivait à accéder àleur pensée, si on y faisait véritablement attention, nous ne décèlerions pas d'erreur.

Nous comprendrions que le« cercle » dont parle le premier individu est un cercle particulier et sensible ou que l'homme n'a pas fait d'erreur decalcul avec les chiffres qu'il avait dans la tête.Pour bien montrer que l'erreur est à imputer à celui qui interprète, Spinoza nous livre un troisième exemple tiré luiplutôt dans une expérience quotidienne et triviale.

L'exemple ici est singulier, le philosophe le présente commepersonnel, ce que nous indique le passage au pronom personnel « je ».

Il rapporte une phrase étonnante entendue« sa maison s'était envolée sur la poule du voisin ».

Que signifie-t-elle ? Pour le lecteur actuel, il est difficile devéritablement comprendre sa signification, coupée du contexte et des expressions courantes de l'époque.

Est-cedonc une expression ou une erreur de langage ? Examinons les deux hypothèses qui peuvent soutenir toutes deux lathèse de l'auteur.

Si nous admettons que cela est une expression imagée de l'époque, le sens littéral ne désigne riendans le réel et ne fait pas sens mais Spinoza en comprend la signification en s'élevant au-dessus des mots.

Nousretrouvons ce procédé dans toute expression imagée, tel la métaphore ou l'allégorie.

Ainsi, l'expression « il ritjaune » : la compréhension des mots ne nous livre rien, associer le rire à une couleur est absurde.

Cependant noussavons ce que le locuteur a dans sa pensée et ce qu'il veut signifier.

Nous ne nous disons pas qu'il se trompe.De même, quand un homme se trompe de mot, nous pouvons dans certains cas, savoir ce qu'il voulait dire.

Siquelqu'un nous dit par exemple, « je vais embraser ma femme », nous sommes aptes à comprendre selon lescirconstances qu'il ne veut pas du tout brûler sa femme mais l'embrasser tout simplement.

C'est queautomatiquement nous n'accordons plus une foi entière aux mots pour exprimer la pensée de l'individu mais que nousessayons de le comprendre malgré les mots.

Si Spinoza comprendre la phrase prononcée, c'est- nous dit-il- parceque la pensée de son interlocuteur, son intention était « claire », évidente.

Le philosophe, lui, ne fait pas l'erreurd'interprétation parce qu'il « a égard à [la] pensée de l'autre », c'est-à-dire qu'il ne lui attribue pas des absurditésmais essaie véritablement de le comprendre.

Il ne juge donc pas en fonction du langage direct et immédiat, produitdu corps et non de l'esprit pur.

Que résulte-t-il de tout cela ? Spinoza introduit nettement ce qui découle de ces trois exemples avec leconnecteur « ainsi ».

Ces exemples ont donc une valeur argumentative même s'ils ne sont pas proprement desarguments.

La conclusion prend à rebours l'idée communément admise : il n'y a pas véritablement de divergencesdans les opinons et les pensées des hommes.

Ces derniers attribuent sans cesse des erreurs dans la pensée desautres parce qu'ils ne s'arrêtent qu'au langage employé sans essayer de véritablement comprendre autrui.La plupart des discordes n'en sont pas.

Même quand les vues soutenues sont les plus opposées, quand les hommes« se contredisent le plus ».

Deux options sont possibles : soit les hommes ont la même chose en tête, la même idéemais leurs expressions ne permettent pas de s'en rendre compte, soit il ne parle pas de la même chose, comme dansle cas du cercle et il n'y a donc pas d'opposition.

L'homme qui parle d'une figure aux rayons inégaux sait qu'un cerclese définit par l'égalité de ses rayons.

Aristote dans De l'interprétation , fondait en effet l'obscurité, l'opacité dans la communication humaine dans l'écart entre les états d'âme et les mots.

Comment améliorer alors la compréhensionentre les hommes.

Les différents exemples nous indiquent trois voies possibles.

Premièrement, il s'agit deperfectionner la langue pour que les mots employés ne puissent porter à confusion.

Une bonne langue, notamment lalangue philosophique, doit s'appuyer comme la géométrie sur de bonnes définitions, précises.

Ce n'est donc pas parhasard que Spinoza veut procéder dans L'éthique à la manière des géométries et qu'il début par la définition des termes.

Pensons à la définition I.- « j'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence ; autrementdit… » Deuxièmement, il faut adopter une sorte de reconnaissance à la pensée de l'autre et refuser qu'il puissepenser des absurdités.

Penser que 3 + 2 = 6 n'est pas possible et n'impute donc pas à autrui des pensées absurdes.Enfin, l'interprétant doit faire un effort pour accéder à la pensée d'autrui.

Si j'essaie de communiquer avec autrui, jene dois pas faire preuve de mauvaise foi en n'essayant pas de comprendre ce qu'il veut me dire.

Je dois toujoursessayer de remettre ses paroles dans leur contexte autant psychologique qu'historique.

Je dois toujours essayer deme poser la question « que veut me signifier celui qui parle », « parle-t-il réellement de la maison ? du cercle ? »Trop de malentendus parfois tragiques n'arrivent que parce que les hommes ne font pas d'effort pour comprendrel'autre et interprètent trop vite sans se poser de questions.

Spinoza réduit donc ici les causes des erreurs à deux cas : une erreur d'expression( utilisation de mauvais mots pourdésigner les choses) et surtout une erreur d'interprétation.

Les hommes pourraient donc s'entendre et ne pas perdre. »

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