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Est-il vrai que les systèmes philosophiques n'exercent d'influence que sur les esprits spéculatifs ?

Publié le 23/06/2009

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Ce serait une erreur de croire que les systèmes philosophiques n'exercent d'influence que sur les esprits spéculatifs. Ils descendent aux foules, ils pénètrent la mentalité populaire par les livres qui les vulgarisent ou les traduisent en images sensibles, par les brochures et les journaux, par l'éducation et l'enseignement, par la conversation et le frottement des esprits, par l'influence des milieux sociaux, par l'atmosphère intellectuelle que l'on respire. Cette influence des doctrines est plus évidente encore aujourd'hui qu'elle ne l'était autrefois. En notre temps, « la pensée n'est plus une sorte de luxe réservé à une élite « (Ollé-Laprune) ; on parle, on écrit, on lit davantage; on s'intéresse aux idées, on agite les problèmes, on cherche à diriger l'opinion. L'histoire est là pour nous prouver que les conceptions les plus abstraites élaborées par les penseurs les plus profonds, parfois même les plus solitaires, pénètrent peu à peu le milieu social, pour le modifier et le transformer. Tarde a montré que l'idée neuve qui germe dans une conscience supérieure se propage dans les autres consciences par l'imitation, qui est le facteur le plus important de la vie sociale. « L'être social est imitateur par essence, comme sont imitateurs les groupes sociaux «. Et l'imitation va en général du supérieur à l'inférieur, de la personnalité la plus forte à la personnalité la plus faible ; elle descend d'en haut, elle rayonne, elle s'élargit, semblable au mouvement ondulatoire qui se répand de proche en proche jusqu'à des distances prodigieuses. Est-ce que les idées de la Révolution et les changements politiques et sociaux qui  en ont été la conséquence, ne sont pas partis des « philosophes « du XVIIIe siècle ? Est-ce qu'un Rousseau, un Tolstoï, un Auguste Comte n'ont pas eu une postérité spirituelle? Est-ce que les théories de Karl Marx, qui impliquent toute une philosophie matérialiste de l'histoire, ne sont pas aujourd'hui familières à un très grand nombre d'esprits souvent peu cultivés ? Les doctrines philosophiques ne laissent personne indifférent ; elles Interviennent plus ou moins dans toutes les questions. Quand on assiste à une réunion publique, on est étonné de la facilité avec laquelle on y tranche maintes questions difficiles de philosophie sociale. Dans les conversations privées, sitôt qu'on touche aux plus hauts problèmes métaphysiques, la responsabilité, la liberté, Dieu, la vie future, la discussion s'échauffe et devient passionnée. C'est que les doctrines philosophiques n'ont pas un pur intérêt spéculatif ; elles intéressent la conduite, elles sont liées à Faction, elles influent sur la vie. Une philosophie est une conception générale de l'existence ; chacun s'en fait une ou en adopte une. Elle inspire plus ou moins nos actes, elle nous sert à les légitimer ou à les excuser, même quand elle n'a pas le caractère de cohérence qu'elle revêt chez les grands penseurs. Ce sont les idées philosophiques qui mènent le monde.

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