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Est-il possible d'avoir conscience de soi ?

Publié le 27/02/2008

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Réfléchir sur la conscience de soi, c'est réfléchir sur cette trajectoire particulière de l'esprit qui fait retour sur lui-même et devient spectateur du théâtre de ses opérations. En ayant conscience de moi, je m'élève d'un niveau pour ainsi dire, je fais retour sur moi et devient simultanément sujet conscient et objet saisi par cette conscience. C'est en cela peut-être que la chose devient difficile: comment est-ce possible d'être à la fois sujet et objet? Pourtant, dans l'expérience quotidienne même, je n'ai pas l'impression qu'il y ait ici une difficulté insurmontable: lorsque j'ai mal après m'être planté une épine dans le doigt, je sais bien qu'il s'agit de moi, que c'est moi qui éprouve cette douleur et personne d'autre! Il y a ici l'idée que l'acte même de l'esprit, et cet acte pris comme objet, se confondent d'une manière naturelle: la conscience accompagne mes sentiments, mes états mentaux... Comment donc douter de cette possibilité lorsqu'elle est inscrite dans le cours même de chaque moment de ma vie? Ainsi, je me saisis, je saisis le moi en d'autres termes, ce dernier devenant l'objet sur lequel se recourbe l'esprit. La question restant alors de savoir si ce moi saisi ainsi, est proprement et véritablement le sujet, ou une image déformée de ce sujet. Que vois-je dans le miroir qui me paraît pourtant si clair? Est-ce une réalité objective, ou une construction qui me redessine de pieds en cap? Il s'agit donc de s'interroger sur le bien fondé de cet objet qu'est le soi: suis-je ce que je vois, ou vois-je ce que je désire être? Le miroir a toujours était thématisé selon cette dichotomie: reflet tragique qui dévoile la laideur ou reflet qui réconforte la cruelle reine. D'un côté, il est découverte de soi, de l'autre illusion précisément, la voix que l'on désire entendre. Ainsi, que je parvienne à être simultanément sujet et objet n'est pas impossible; reste à savoir si l'image est trouvée ou conçue.

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« qu'il existe deux autres niveaux supérieurs de connaissance: connaître les choses par leurs idées et enfin, lesconnaître par elles-mêmes.

Dans le premier cas, je connais les choses par leurs idées, des idées qui ne sont pasdans mon intellect mais figurent comme archétypes dans l'entendement divin.

Pour ainsi dire, je vois leurs idées enDieu.

Enfin, dans la connaissance des choses par elles-mêmes, je connais cette fois-ci Dieu d'une manière immédiateet directe, un Dieu d'où découle toutes choses.

Ce rappel épistémique est important puisqu'il nous permet de situer,sur cette sorte d'échelle graduée, où se situe la conscience de soi, où, comme l'appelle Malebranche, « Comment on connaît son âme ». Cette dernière, nous ne la voyons donc pas en Dieu, mais la connaissons par la conscience , d'où le manque de perfection de cette connaissance.

La question demeure tout de même entière: pourquoi la connaissance parconscience est une connaissance faible? Nous pourrions répondre pour le simple fait que la conscience est unsentiment intérieur .

Ces deux mots sont importants puisqu'il renvoie à deux significations capitales.

Tout d'abord, Malebranche parle d'intériorité afin d'expliquer que ce rapport à soi que permet justement la conscience est quelquechose de proprement incommunicable.

Il illustre ainsi son idée: « il est clair que si quelqu'un n'avait jamais vu de couleur, ni senti de chaleur, on ne pourrait lui faire connaître ces sensations par toutes les définitions qu'on luidonnerait ».

On retrouvera trois siècles plus tard cette idée chez le philosophe américain Nagel dans son célèbre article « What is it like to be a bat ? ».

Il nous explique ainsi que l'on peut connaître tous les mystères de l'écho- location, du système bio-chimique et neurologique de la chauve-souris, et même la particularité de son anatomie quien fait le seul mammifère volant, il n'empêche qu'on ne sera jamais pour autant ce que c'est, ce que cela fait, d'être une chauve-souris.

L'expérience consciente reste subjective, incommunicable, close sur elle-même et formant unesphère irrémédiablement privée, voire même intime.

On ne peut avoir aucune connaissance de ce fait de conscience,soit une vision objectivable de ce phénomène particulier. Parler de conscience de soi, c'est donc parler de quelque chose d'inconnaissable, quelque chose qu'on ne peutobjectiver pour en démonter une à une les pièces afin de mieux en saisir la teneur.

Plus radicalement, parler de laconscience de soi, c'est louper un phénomène qui demeure inconnaissable.

Il y a donc un obstacle épistémique quifait d'un discours sur la conscience de soi, un discours creux, vide de sens.

De plus, Malebranche parle desentiment: si la conscience est un sentiment, elle ne se situe donc doublement pas dans les hautes sphèreséthérées de l'esprit uniquement.

En effet, la conscience engage étroitement les deux dimensions humaines que sontl'âme et le corps (d'où le terme de sentiment ).

Ce sur quoi veut ici insister Malebranche, c'est cette proximité de soi à soi qui rend toute objectivation encore une fois impossible.

Et parce que je ne peux prendre aucune distance avecmoi, je suis précisément méconnaissance à moi-même.

Ainsi, si Locke désolidarisait le je et le Soi, jetant ainsi la suspicion sur un recouvrement intégrale de l'homme par la conscience, Malebranche invalide à son tour uneconnaissance de soi qui est toujours psychosomatique, obscure dans son déroulement même. Dennett: la conscience n'est pas à soi! III. Avec Malebranche, nous comprenons que s'il y a effectivement conscience de soi, nous ne pourrons rien en dire(intériorité), ou tout au plus entretenir une suspicion quant à ce que cette expérience est susceptible de m'apportercomme connaissance sur moi-même (sentiment).

Mais au risque de faire un saut historique un peu brusque, on peuttout de même tenter d'intégrer à notre discours, les données scientifiques contemporaines.

En effet, il semble que laneurologie nous encourage à tenir un tout autre discours, et à se défaire de ce mythe de l'intériorité de laconscience.

Il s'agit en somme d'envisager la conscience d'un autre point de vue, de désacraliser ce qui n'estjusqu'ici envisagé que comme un sanctuaire intime.

En somme, il est toujours question de discréditer la consciencede soi, mais par une toute autre voie: mieux, par une voie inverse.

Jusqu'à présent, il a toujours été question dedémontrer que la conscience nous offre un reflet tout au mieux infidèle (le Soi n'est pas l'Homme, je ne suis que ténèbres à moi-même).

Mais imaginons à présent que la conscience de soi ne soit précisément pas à soi, mais bienaccessible à n'importe quelle personne qui m'entoure.

En somme, il ne s'agit plus à présent de dire que la consciencede soi est discréditée en raison du reflet trompeur ou incomplet qu'elle me propose, mais qu'elle est, d'un point devue neurologique, une contradiction même dans les termes.

Et ceci, non plus en raison de son mystère, de sonaspect dissimulé, insondable ou sélectif, mais précisément parce qu'elle est un phénomène transparent, ouvert etmême publique. Il faut tout d'abord saisir que pour Dennett (dans « Are we explaining consciouness yet? »), la conscience n'est pas une expérience intime, une expérience d'un état mental que nous aurions de quelque chose.

Pour le neurophilosopheaméricain, un stimulus devient conscient à partir du moment où il accède à ce qu'il nomme une célébrité cérébrale. Qu'est-ce à dire? Pour que j'ai conscience d'une stimulation, cette dernière doit être diffusée globalement àl'intérieur du cerveau, plus globalement en tout cas que d'autres stimuli qui sont par ce biais mis à l'écart.

Cette stimulation correspond à ce qu'on peut penser en neurologie comme étant une synchronie neuronale .

En effet, l'imagerie médicale cérébrale dévoile que le phénomène de la conscience n'est pas lié à une aire particulière ducerveau, mais correspond à une large interaction entre les populations neuronales séparées.

Pour Dennett, unestimulation devient consciente lorsqu'elle produit précisément cette synchronie neuronale, se diffusant ainsi dansl'ensemble du cerveau.

Mais l'essentiel est de saisir la fonction qu'elle y occupe alors.

En effet, elle joue alors un rôleprépondérant en orientant sensiblement et durablement le cours de la vie mentale.

Pour reprendre une figure deDennett, elle gouverne temporairement la compétition et dicte ses règles aux autres stimulations en gouvernant lesrègles même de la compétition.

Si Dennett parle de célébrité, il préfèrera par la suite celui d' influence : « Lorsque des processus entrent en compétition pour un contrôle prolongé du corps, celui qui a le plus d'influence domine lascène jusqu'à ce qu'un processus doté d'encore plus d'influence l'évince ».. »

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