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En quoi la rencontre d'autrui peut-elle enrichir la connaissance de soi ?

Publié le 15/04/2009

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Notre monde presque immédiat n'est donc pas pour Sartre le monde de la nature, il est le monde humain composé de l'ensemble des sujets si intensément reliés les uns aux autres qu'on peut parler d'intersubjectivité (« un monde que nous appellerons intersubjectivité «). C'est le règne humain, propre aux hommes, constitué de cette valeur qui définit la spécificité humaine : la liberté. Monde qui n'est pas donné, comme l'est le monde naturel, mais à construire, par l'ensemble des décisions que les uns et les autres, hommes concrets, nous avons sans cesse à prendre. Liberté sans cesse à confirmer, pour assumer ce qui fait notre condition humaine.   Dans ce texte, Sartre affirme donc qu'autrui est un médiateur indispensable entre moi et moi-même. Il me fait passer d'une conscience non positionnelle de soi à une conscience réflexive. Autrement dit, il me faut accéder à une véritable conscience de moi-même. Mais en même temps je découvre une liberté posée en face de moi. Face-à-face qui marque ne rivalité. Celle d'une existence à part entière qui m ?échappe en ses pensées et en son vouloir : « l'autre qui pense et qui veut «.

• Il n'est pas demandé si la rencontre d'autrui peut enrichir la connaissance de soi (ni même, en toute rigueur, quelle peut être l'importance relative de la rencontre d'autrui dans la connaissance de soi). • Réfléchir aux modalités possibles de la connaissance de soi non pour les « réciter « mais pour appréhender l'apport spécifique que peut avoir la rencontre d'autrui. • Remarquer que autrui vient de alter huic ce qui induit à penser que ce que nous avons à l'esprit lorsqu'on émet le mot autrui c'est l'idée d'un être humain quelconque (et non tel ou tel ou l' « Homme «) dont la particularité essentielle est — d'une certaine façon — d'être un autre moi-même, un alter-ego en face de moi. Remarquer le caractère paradoxal d' « autrui « : il est reconnu à la fois comme « Autre « et « le Même «. Cf. Levinas « Autrui en tant qu'autrui n'est pas seulement un alter ego. Il est ce que moi je ne suis pas «. • S'interroger sur le ou les sens de connaissance et de soi ici.

« humanité, et il ne peut la faire qu'en engageant une lutte à mort avec un autre homme.

C'est en acceptant le risquede sa mort qu'il prouve que sa reconnaissance comme conscience, comme autre chose qu'un simple animal, vautplus que par sa simple survie.

Etre homme, c'est donc pouvoir mettre en jeu sa propre vie pour prouver la valeurmême de son existence, c'est pourquoi cette lutte est à la fois nécessaire et absurde.

L'essentiel est que laconscience de soi véritable requière la médiation d'un autre homme : être conscient de soi-même comme êtrehumain, c'est être reconnu comme homme par un autre homme, par une autre conscience.

Seul, je ne peux faire lapreuve de mon humanité.La conscience immédiate que j'ai de moi-même est celle d'un être vivant et désirant.

Mais tant que mon désir neporte que sur un objet naturel (ce fruit par exemple), tout ce que je peux faire est de détruire et d'assimiler cetobjet.

Or, dans la mesure même où je dois sans cesse me procurer un nouvel objet, je fais l'expérience de madépendance à l'égard de l'objet, du monde vivant et naturel.

Tant que je reste enfermé en moi-même, avec un désirqui ne porte que sur des objets, je ne peux en aucune façon prouver mon indépendance à l'égard de la vie.Pour que je me comprenne comme conscience de soi, autre chose qu'un simple animal, il faudra que mon désir portesur autre chose qu'un simple vivant naturel : il faudra que mon désir porte sur un autre désir, sur un homme.Il faudra que je prouve que je dépasse le simple stade vital, que je ne suis pas un simple vivant, donc que je courele risque de ma mort, pour prouver mon indépendance à l'égard de la vie.

Il sera donc nécessaire que je montre àmoi-même et à l'autre que je ne me confonds pas avec l'animalité, le souci de la vie.La conscience d'être homme ne se prouve et ne s'éprouve que face à un autre homme, dans le rapport entre deuxconsciences.Reste à comprendre pourquoi cette reconnaissance prend la forme d'une lutte à mort.D'une part la différence entre l'animalité et l'humanité, je ne peux la faire qu'en prenant un autre à témoin, qu'enmontrant ma liberté face à la vie.Or, on ne connaît pas autrui par science immédiate.

Autrui surgit face à moi, si l'on peut dire, comme un objet : lesdeux êtres qui surgissent face à face sont sûrs de leur conscience, mais non de celle de l'autre.

Il faut donc prouverà l'autre mon caractère de conscience : je dois mettre ma vie en jeu.« Chacune [des deux consciences] est bien certaine de soi-même, mais non de l'autre, et ainsi sa propre certitudede soi n'a aucune vérité [...] Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sortequ'elles se prouvent elles-mêmes et l'une à l'autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort.

Elles doiventnécessairement engager cette lutte, car elles doivent élever leur certitude d'être pour soi à la vérité, en l'autre eten elles-mêmes.

»Il est essentiel de noter que la lutte engagée est le contraire de la violence naturelle.

Cette dernière a toujours pourenjeu la survie.

Je me bats avec un autre pour assurer les moyens de ma conservation.

Mais ici, la violence, leconflit ont précisément pour enjeu le refus d'être assimilé à un simple vivant qui ne serait guidé que par le souci desurvivre.

Cette lutte n'a pas pour enjeu la survie « biologique », mais la valeur.Une fois comprise la nécessité de cette lutte à mort par laquelle j'essaie de faire la preuve de mon humanité commeliberté face à la vie, reste à en comprendre l'absurdité.

L'enjeu est la reconnaissance par l'autre, qui seule peut fairela preuve que je suis bien ce que je prétends être.

Or il est certain tout d'abord que cette lutte ne sert à rien si lesdeux meurent, ou refusent la lutte, ou qu'un seul survit.

La seule configuration où la reconnaissance est possible estque l'un abdique par peur de la mort, souci de la survie, et l'autre non.

La mort sert donc de discriminant entre deuxconsciences, l'issue du conflit dépend du rapport que chacun des deux entretient avec la mort.Celui qui a véritablement accepté de courir le risque de la mort pour prouver la valeur de sa liberté et sonindépendance face à la vie biologique est dit « le maître ».

« C'est seulement par le risque de sa vie que l'onconserve la liberté » L'autre, qui a préféré la servitude à la mort, est dit « l'esclave ».Le maître a prouvé qu'il méprisait la vie au point de la risquer pour montrer qu'il n'était pas ce qu'il paraissait êtreimmédiatement, un simple vivant.

C'est face à la vie que s'éprouvent les valeurs.Mais, et là réside l'absurdité de cette lutte, pour être reconnu, pour prouver sa valeur, il faut rester en vie : « Danscette expérience, la conscience de soi apprend que la Vie lui est aussi essentielle que la pure conscience de soi.

»Le maître réalise ici une expérience qui est exemplaire de la dialectique : à la fois il nie la vie (il la met en jeu), il ladépasse (en prouvant qu'il ne se réduit pas à la simple animalité guidée par le souci de se conserver) et il laconserve (sinon la lutte serait ratée).

C'est une opération que Hegel nomme une « Aufhebung » et qu'on traduitparfois par sursomption (nier, dépasse, conserver).On comprend dès lors la différence entre la mort naturelle (le simple fait de périr) et la mort telle qu'elle apparaît iciet qui vise autre chose, non pas le simple anéantissement de la vie, mais son dépassement.

Enfin si c'est face à lavie que se pose toute valeur, la valeur se détache sur un horizon de vie et en reste dépendante.

C'est pourquoi lalutte à mort est à la fois nécessaire et contradictoire.Il faut enfin comprendre cette dialectique comme la matrice logique de toutes les luttes réelles ou symboliques quiont lieu dans l'histoire.

La violence historique n'est pas une violence naturelle.

On la verra réapparaître chaque foisque l'on tendra à assimiler l'homme à un simple vivant, à un simple animal.

On verra resurgir la violence chaque foisqu'on déniera à l'individu toute valeur.Se joue, dans la lutte à mort, la condition d'émergence de la sphère véritablement humaine, celle des valeurs.L'homme s'élève au-dessus de la vie parce que seul il est capable de mettre ainsi sa vie en jeu pour se libérer duseul esclavage possible, celui de la vie.

La phrase est aussi une réponse à tous ceux qui font de l'angoissesécuritaire et de la préservation de la vie le motif principal des actions humaines.

Par exemple à Hobbes qui faisaitde la peur de la mort le socle de la politique et de la construction de l'Etat, Hegel répond : « L'individu qui n'a pasmis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'a pas atteint la vérité de cette reconnaissancecomme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante.

»Par un retournement dialectique, l'esclave contraint au travail deviendra le moteur de la libération humaine, de ladiscipline de l'instinct : le maître sombrant dans la barbarie du caprice.Mais il faut retenir de la lutte à mort pour la reconnaissance que l'on est véritablement humain, autre qu'animal, que. »

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