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En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ?

Publié le 05/08/2009

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histoire

En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ?

Analyse:

 

- « Notre histoire « peut s’entendre en deux sens. D’abord, il s’agit de l’ensemble de notre existence et des évènements ou accidents qui lui arrivent. Ensuite, elle peut aussi s’entendre comme le récit que nous faisons de cette existence dans ce qu’elle a de passé (l’histoire d’une existence individuelle: la biographie, ou collective: l’histoire de France). Ces deux sens peuvent être rapportés aux différentes acceptions de l’adjectif possessif «notre «: il s’agit de « notre « histoire au sens individuelle (l’histoire d’un être humain) ou bien collectif (histoire d’un groupe, d’une société, de l’humanité).

- Le sujet suggère que cette histoire, qui par définition est la nôtre, c’est-à-dire dont nous sommes l’objet, pourrait ne pas nous appartenir. Quelle est alors la différence entre une histoire qui est nôtre et une histoire qui « nous appartient «?

- « Appartenir « a un sens plus fort: pour que notre histoire nous appartienne, il faut que nous en soyons non seulement l’objet mais aussi le sujet. En effet, une chose appartient à quelqu’un quand cette personne a une capacité de maîtrise par rapport à elle. La possession suppose une différence hiérarchique entre deux entités: celui qui possède détermine ce qui est possédé, ce qui est possédé est déterminé par celui qui possède. Notre histoire ne nous appartient donc que si nous pouvons prendre une distance par rapport à elle et avoir envers elle un rapport de maîtrise et de libre disposition.  Cela ne va pas de soi. En effet, nous pourrions également affirmer que « nous appartenons à notre histoire « au sens où nos manières de penser et d’agir seraient irrémédiablement déterminées par ce que nous avons vécu dans le passé.

- L’expression « notre histoire nous appartient « peut donc s’entendre en un premier sens qui est un sens métaphysique: nous avons la capacité de choisir librement notre existence, nous déterminons librement notre histoire. Cependant, prise en ce sens, il s’agit d’une affirmation fragile: notre existence cesse de nous appartenir dès que certaines de ses déterminations nous échappent. Or, nous ne pouvons pas nier que nous n’avons pas la maîtrise de tous ces aspects: nous naissons dans une situation que nous n’avons pas choisie et nous agissons dans un monde contingent, si bien que notre volonté ne peut s’y imprimer toujours adéquatement. Peut-être alors notre affirmation serait mieux fondée si nous la restreignions à un deuxième sens, qui est un sens épistémologique: l’histoire comme discipline a une maîtrise sur le passé, elle sélectionne et interprète librement les faits passés en fonction du présent. L’histoire au sens de récit du passé ne doit donc rien à ce qui a eu lieu et n’appartient qu’aux vivants. Cependant, pour fonder notre affirmation, nous avons du renoncer au sens existentielle que nous lui attribuions pourtant au départ.

- Pour répondre au sujet, nous montrerons que les deux sens dégagés n’acquiert de valeur que si nous comprenons qu’ils coïncident. Nous tenterons donc d’expliquer que nous ne maîtrisons notre existence que si nous effectuons un effort de reprise active de notre passé, et que la discipline historique comme interprétation du passé permet d’assigner à une existence présente le sens et la profondeur qui en font un fait qui nous appartient.

 

Problématique:

 

Peut-on affirmer que « notre histoire nous appartient « en un sens métaphysique, ou doit-on se contenter de l’entendre en un sens épistémologique? 

histoire

« ouvrière et pauvre (pour ne parler que du déterminisme social), mon histoire en est alors dépendante dans unecertaine mesure.

La limite de cette mesure est d'ailleurs difficile à établir: certains sociologues montrent queplusieurs de nos choix ou de nos manières de penser que nous croyons libres sont en réalité déterminés par notreposition social (cf Bourdieu, les Héritiers ).

En ce sens, notre histoire appartient au moins en partie à la situation dans laquelle nous naissons et évoluons.

Ensuite, notre histoire prend place dans un monde essentiellementcontingent: il est impossible de prévoir avec certitudes toutes les conséquences de nos choix comme le résultat denos actions.

De ce fait, l'idée que nous aurions choisi un projet d'existence et que celui-ci pourrait s'incarner tel queldans la réalité devient absurde.

Notre histoire est déterminée en partie, et peut-être en majeure partie, par lesévènements et rencontres fortuites qui la traversent.

Transition: Il est possible d'entendre l'expression « notre histoire nous appartient » en un sens métaphysique: nous sommesmaîtres de nos existences.

Cependant, elle doit dans ce cas être nuancée si ce n'est remise en question.

Peut-êtrealors pourrions-nous la fonder de manière plus certaine en la comprenant en un sens épistémologique.

II) L'expression « notre histoire nous appartient » possède un sens épistémologique: c'est aux vivantsd'assigner un sens au passé.

- Notre affirmation suggère une conception particulière de l'histoire au sens de discipline qui consiste àrelater le passé.

Il existe en effet plusieurs manières de faire de l'histoire.

Au début de la seconde des Considérations intempestives , Nietzsche en dégage trois: l'histoire monumentale, l'histoire apothicaire et l'histoire critique .

La première forme d'histoire consiste à relater les faits extraordinaires des grands hommes.

Elle risque donc d'inhiber et de paralyser les individus vivants par l'image écrasante de héros qu'on ne peut qu'admirer sans espérerles égaler.

La seconde forme d'histoire consiste à relever avec fidélité tous les éléments passés, à produire unecollection de faits exacts.

Elle a pour défaut de fétichiser le passé et de produire une fidélité mortifère envers ce quin'existe plus.

L'histoire critique, quant à elle, consiste à relire le passé en fonction du présent.

Elle décharge lesvivants du poids du passé en ayant un regard non plus révérencieux mais distancié et critique par rapport à celui-ci:« Tout passé mérite d'être condamné ».

Par l'histoire, c'est aux vivants de juger le passé.

Lorsque nous affirmonsque « notre histoire nous appartient » nous prenons ainsi partie pour la troisième des conceptions nietzschéenne del'histoire: nous n'appartenons pas à l'histoire à partir du moment où nous comprenons que nous ne devons aucunefidélité au passé, c'est au contraire l'histoire qui nous appartient puisque nous la jugeons en fonction de nos valeursactuelles.

- Nous n'avons aucun devoir de fidélité envers le passé, celui-ci n'existe que par et pour nous.

L'historien travaille donc en sélectionnant et en interprétant les faits qui ont lieu, en fonction des intérêts actuels.

Duby donneun bon exemple de cette démarche dans le Dimanche de Bouvines : la victoire du roi français Philippe Auguste contre une coalition germanique le 27 Juillet 1214 a été réinterprétée en fonction des besoins du présent.

Pratiquementoubliée au XIVème, elle a été réhabilitée au XXème en raison de l'hostilité envers les allemands, on projette mêmed'élever un mémorial à Philippe Auguste.

L'histoire nous appartient donc au sens où l'historien ne cherche pas àrelater le passé de manière fidèle et exhaustive, mais il s'en sert, sélectionne, interprète, afin de mieux donner sensau présent.

Transition: Nous pouvons entendre l'expression « notre histoire nous appartient » en un sens épistémologique: elle prône alorsune certaine conception de notre rapport au passé, il ne doit pas être un rapport de soumission révérencieuse, maisde reprise et d'interprétation en fonction du présent.

Cependant, pour fonder cette affirmation, nous avons duabandonner son enjeu métaphysique pour la retreindre au champs de l'épistémologie historique.

Nous devons doncmaintenant chercher à lui rendre sa portée la plus ample.

C'est justement par le détour épistémologique que nousavons effectué que nous pouvons mieux comprendre l'enjeu métaphysique de notre affirmation.

III) Les deux acceptions que nous avons dégagées de l'expression « notre histoire nous appartient » netrouvent leur sens plein que si nous comprenons qu'elles coïncident: - Nous pouvons nous libérer de certains déterminismes en ayant une démarche de reprise active etcritique du passé. Notre existence est dépendante de certaines valeurs, certaines manières de penser et d'agir qui nous ont été imposées par le milieu dans lequel nous avons grandit, ou bien qui ont été forgées par les expériencescontingentes que nous avons vécues.

Cependant, elles ne nous déterminent que tant qu'elles restent inconscientes.Le fait de retracer l'histoire de ces déterminismes nous fait prendre conscience que nous ne les avons pas choisis etqu'ils auraient très bien pu être autres.

Nous pouvons alors consciemment décider de les assumer ou bien de lesrenier.

Nous pouvons ainsi rapprocher l'histoire de la psychanalyse: dans les deux cas il s'agit de cesser d'êtredéterminés par le passé en en prenant conscience.

Ainsi, Freud explique dans la première des Cinq leçons de psychanalyse ce qu'est un symptôme: il s'agit d'une résurgence d'un évènement traumatisant que l'individu a vécu dans le passé, dont il a refoulé le souvenir et qui le pousse, inconsciemment, à commettre tel ou tel acte tout aulong de ça vie.

Or, lorsque le patient fait l'effort de retracer son histoire et qu'il se ressouvient consciemment de cetévènement, le symptôme disparaît et le patient retrouve la maîtrise de son existence.

Dans la Mémoire, l'histoire, l'oubli , Ricoeur élargit cette vertu libératrice à l'histoire non plus d'un individu mais d'une communauté: spontanément, nous ne sommes pas seulement déterminés par notre passé propre, mais aussi par celui de notre. »

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