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En quel sens peut-on dire que la réalité scientifique est approximation ?

Publié le 27/02/2008

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On a longtemps attribué à la vérité scientifique une valeur et une exactitude absolue, définitive. Il arrive même, encore actuellement, que l'on oppose (peut-être par « abus de langage ») les sciences « exactes » (celles de la « nature », les « mathématiques ») aux autres. C'est pourquoi il peut paraître quelque peu surprenant de qualifier « la vérité scientifique » d' « approximation » (ce qui apparaît nettement dans le libellé du sujet); mais c'est ce qui peut fonder, du même mouvement, la légitimité d'une interrogation sur le sens ou les sens d' « approximation ». Il pourrait être tentant de refuser le droit de parler de « la vérité scientifique » en général et de s'installer dans une opposition « sciences exactes » — « sciences non exactes ». Mais d'une part, ce serait refuser de réfléchir à partir du libellé du sujet tel qu'il est posé (en substituant à la recherche du (ou des) sens de l'affirmation une interrogation sur la légitimité de l'affirmation); d'autre part il pourrait apparaître que toutes les sciences relèvent de l' « approximation », même les mathématiques (dernier point qui peut sembler —avant examen approfondi du ou des sens d' « approximation » — totalement hors de cause). C'est précisément d'ailleurs une réflexion poussée sur les mathématiques qui pourrait nous amener — conjointement avec une analyse des processus des sciences du XXe siècle —à distinguer deux « manières » de penser l' « approximation ». C'est pourquoi nous nous attacherons en premier lieu à dégager un premier sens d' « approximation » par lequel les mathématiques devraient être exclues de « la science » (s'il est vrai que « la vérité scientifique est approximation ») pour tenter de faire apparaître ensuite un deuxième sens d' « approximation » qui inclurait les mathématiques dans « la science » et permettrait — sans doute — de mieux penser « la vérité scientifique » des sciences telles qu'elles s'effectuent au XXe siècle.
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« Deuxième partie On peut sans doute, en effet, appréhender l' « approximation » selon une conception dynamique.Une connaissance approchée serait alors une connaissance « qui n'est pas définitive et qui est appelée à devenirplus parfaite, plus adéquate à son objet » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande). C'est celle que développe Bachelard, notamment dans son livre : Essai sur la connaissance approchée.Qu'en est-il exactementOn pourrait croire, à une première lecture (trop rapide...) que les sciences dans leurs caractéristiques les plus «modernes » ne se caractériseraient que par une plus grande minutie, une moins grande inexactitude dans l' «approche » de la réalité.

Et certes Bachelard insiste sur le fait que, par exemple, la physique contemporaine secaractérise par une progression étonnante, par un palier nouveau dans le perfectionnement technique del'expérimentation, de l'observation, de la mesure, de la vérification (il ne cesse d'attirer l'attention, par exemple, surle passage de la décimale 10 -5 à la décimale 10 -8 en microphysique). Mais cette « approximation » ne rompt pas pour l'essentiel avec le premier sens que nous avons dégagé.Or pour lui ce qui caractérise l'esprit scientifique des nouvelles théories contemporaines, c'est l'existence d'une« seconde approximation » (l'expression est de lui), une « seconde approximation » qui ne peut être véritablementappréhendée que si on la situe dans le prolongement de l'autre (sous peine de manquer l'essentiel de la nouveautédans la science contemporaine).Cette seconde approximation n'est pas une « approximation » que l'on pourrait atteindre par degrés en restant dansle cadre des pensées et des techniques de la première.• La deuxième approximation est un progrès non seulement quantitatif mais qualitatif, non seulement technique maisthéorique.La deuxième approximation se fonde sur des théories et des concepts entièrement nouveaux et qui constituent une.pensée spécifique « informant » les processus épistémologiques, les techniques et les instruments.Bachelard exprime cela en disant que l'approximation se scinde en espèces radicalement hétérogènes, qu'un ordred'approximation est relatif à des démarches, à des concepts, à des moyens techniques spécifiques.Ce qui caractérise un « ordre » d'approximation, c'est un« corps » de déterminations, techniques et conceptuelles, matérielles et idéelles.Nos efforts pour approximer ne restent pas disparates, ils soutiennent des relations les uns par rapport aux autres,ils forment un groupe » (Essai sur la connaissance approchée, p.

126).« Comme l'application est soumise à des approximations successives, on peut dire que le concept scientifiquecorrespondant à un phénomène particulier est le groupement des approximations successives bien ordonnées » (LaFormation de l'esprit scientifique, p.

61).Par exemple, la Théorie de la Relativité apparaît comme une illustration significative de cette « ère de la deuxièmeapproximation » : elle substitue à la connaissance approchéede la mécanique classique et de la physique newtonienne, un autre « corps » de notions et de techniquesd'application des concepts dans la vérification, l'expérimentation et lamesure.Ainsi la connaissance « approchée » ne procède pas simplement par adjonctions ou même modifications en uncertain sens (celui relevant en définitive de la première approximation) mais par « refontes » et « enveloppements »caractérisés par des groupes d'approximation spécifiques.• On comprend alors qu'il en soit de même, d'une certainefaçon, en mathématiques.Si l'on s'arrête en effet au premier sens d' « approximation »,le problème de l'approximation ne peut apparaître que dans l'application des mathématiques au « réel » (nonmathématique — si tant est qu'il y ait un réel mathématique) mais ne concerne pas les mathématiques elles-mêmes.Par contre, dans la deuxième acception du terme « approximation », les mathématiques elles-mêmes sontconcernées dans la mesure où la recherche mathématique peut bouleverser (et bouleverse) le « champmathématique » antérieur, le « corps » de concepts antérieurs.C'est ainsi que Michel Serre écrit dans son livre Hermèsou la communication :« Les mathématiques filtrent plutôt leur héritage qu'elles ne l'assument dans l'intégralité; ou mieux, elles l'assumenten le filtrant.

Par cela même, les mathématiques s'abrègent en augmentant, elles se résorbent en s'accumulant.Telle théorie sur le triangle arithmétique rend inutile trois volumes de calcul sur l'Harmonie de R.P.

Mersenne ...telleou telle structure assume d'un coup toute une galerie de modèles...

C'est-à-dire qu'une grande inventionscientifique est tout autant annulation, suppression d'un champ du savoir que promotion du savoir.

»• Certes, comme le marque d'ailleurs Bachelard, il existe bien une certaine différence entre les mathématiques et lessciences expérimentales à cet égard.Tandis qu'en mathématiques « l'approximation paraît toujours réglée, réellement et sûrement progressive,susceptible d'un développement infini » (Essai sur la connaissance approchée, p.

395) dans les sciencesexpérimentales au contraire « le processus d'approximation est nécessairement fini » (Idem, p.

7).• Mais il n'en reste pas moins que toutes ces sciences peuvent être caractérisées par l' « approximation » (audeuxième sens dégagé) dans la mesure où « approximation » désigne la nécessité et la possibilité de substituer à un« corps » de concepts antérieurs, un nouveau « corps » de concepts qui « englobe » le premier : par exemple, leslois de la physique classique comme « cas particulier » des lois de la Relativité lorsque les vitesses ne sont pas trèsgrandes, ou les géométries d'Euclide, de Riemann, de Lobatchevski, comme « cas particuliers » des métagéométries.. »

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