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Emmanuel Levinas

Publié le 22/02/2012

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levinas
Un motif récurrent dans l'oeuvre d'Emmanuel Levinas est celui de la responsabilité pour autrui. Quelle est la véritable portée philosophique de ce concept ? En quoi diffère-t-il de l'idée généralement admise de responsabilité ?    Quand on nous tient responsable d'un acte que nous n'avons pas commis, nous nous estimons victime d'une injustice. Nous en appelons alors à une acception de la justice comme ordre fondé sur la responsabilité individuelle. Selon Aristote, nous pouvons discuter le sens moral d'un acte dans la mesure où nous pouvons imputer son principe à l'initiative d'un agent. Des Stoïciens jusqu'à Sartre, la philosophie s'est interrogée sur la possibilité d'une vie dont la dignité consisterait à témoigner de la liberté humaine. Elle appelle l'homme à assumer sa vie comme si elle ne dépendait que de lui. De fait, il paraît impossible de juger les actes humains autrement que par leur renvoi ultime à une liberté de principe : par le jugement institutionnel, est reconnu le sens objectif de l'acte, valable pour tous, et assigné à l'intention de son auteur. Dans cette perspective, une société juste est celle dont les institutions jugent et distribuent les punitions et les récompenses, de telle façon que le jugement puisse être reconnu à son tour par l'acteur comme porteur de la vérité (visible pour tous) de son acte. Le regard du juge est censé mesurer l'intention subjective de l'agent par les conséquences objectives de son acte. Une société juste ­ si la justice est la règle qui rend à chacun ce qui lui est dû ­ doit supposer idéalement la possibilité que cette mesure puisse être acceptée par l'acteur lui-même, c'est-à-dire la conciliation entre le point de vue de la " première personne " et celui de la " troisième personne ".  
levinas

« radicalement inassumable.

Ce concept de l'extraordinaire est héritier de la spiritualité juive qui avertit de lapossibilité jamais conjurée que l'histoire humaine sombre dans le chaos primitif, et de la capacité de la violence àengloutir les remparts de toute civilisation qui s'appuierait exclusivement sur la rationalité et l'universalité de sesinstitutions.

Il est aussi l'écho des écrivains russes du XIXe siècle, pour qui la frustration systématique desaspirations humaines, contrariées par le malaise social et l'injustice, installe une pesanteur mortelle au sein même dela volonté, un ennui, une paresse métaphysique dans l'âme.

Dans les deux livres d'après-guerre, De l'Existence à l'Existant et Le Temps et l'Autre, l'être pur s'appelle désormais " il y a ", exister anonyme, existence sans existants.

Cette exposition de l'homme à un dehors dépossédant et muetne se limite plus à l'épreuve de la violence et de la persécution injuste et incompréhensible.

Elle est repérée dans lavariété des expériences dépersonnalisantes, telles l'art moderne dans sa révolte contre la représentation ou laparticipation mystique dans un univers ensorcelé.

L'insomnie décrit la disparition de la dualité entre le moi et ce quilui apparaît, entre le sujet et l'objet.

" Il n'y a pas ma vigilance à la nuit...

c'est la nuit elle-même qui veille.

Çaveille ".

Si cette vigilance est le superlatif de l'" attention qui se dirige vers les objets " c'est que la conscience, à unpoint de paroxysme, s'absorbe complètement dans les objets et se supprime : " l'attention suppose la liberté du moiqui la dirige ; la vigilance de l'insomnie qui tient ouverts nos yeux n'a pas de sujet ".

La subjectivité humaine ne peut s'assurer par la négation active d'une réalité organisée et tangible, mais par unmouvement de " recul " : on cherche à " s'évader " de la présence oppressive dans l'oubli du sommeil.

On serassemble contre la dispersion dans " l'élémentaire " grâce à notre enracinement dans le corps, dans notre " ici ",notre " présent ".

Par ces autolimitations, la conscience s'aménage un espace de " lumière " où son commerce avecles êtres est à l'abri de la fuite de leur être vers une altérité inquiétante.

L'existant arrive à faire sienne, à maîtriserl'existence par son repli dans une intériorité sans aucun rapport au monde.

L'intimité à soi est certainement uneconquête sur l'anonymat, elle " surgit sur le fond de l' il y a " mais puisque celui-ci n'est pas un objet déterminé et nié, le rapport à soi est absolu, immédiat, sans référence à autre chose que lui-même.

La responsabilité " prise dans l'engrenage " Cependant, l'expulsion de l'homme au Dehors s'insinue déjà dans cette relation de maîtrise que l'homme entretientavec sa propre existence.

Maîtrise de soi signifie alors encombrement par l'être.

Certes, son activité consciente etresponsable de soi témoigne d'une affirmation de soi, d'une liberté, d'une position souveraine dans l'être.

Certes, sescomportements dans le monde domestiqué des moyens et des outils l'arrachent au rythme d'une nature sauvage etinnommable.

Mais la dynamique de cet arrachement est minée de l'intérieur.

Chaque étape de l'auto-position estguettée par le non-sens.

" Dans l'hypostase de l'instant [termes qui désignent l'émergence du sujet présent à soipendant le temps de ses initiatives] où sa maîtrise, sa puissance, sa virilité de sujet se manifestent comme un êtredans un monde ; où l'intention est oubli de soi dans la lumière et le désir des choses, dans l'abnégation de la charitéou du sacrifice il est possible de distinguer le retour de l' il y a .

L'hypostase...

se retrouve comme solitude, comme le définitif de l'enchaînement d'un moi à son soi ".

La fatalité de cette solitude " marque le tragique foncier du moi ".

Lesens attribué aux choses dans le rapport instrumental au monde les éclaire " comme s'ils venaient de moi ".

Donc laliberté, le déploiement des pouvoirs dans un monde appropriable, n'arrive pas à m'arracher " au fait que je suis àjamais avec moi-même ".

L'assomption de l'existence est génératrice d'un sens régional, mais du même coup, la viedevient un " fardeau " pour l'existant qui l'assume, responsabilité écrasante et absurde.

Au monde indifférent à l'humain, à ce dehors inhospitalier, l'homme se trouve " rivé ", sans répit et sans distance,comme le moi est acculé à soi ; ceci n'est pas une métaphore.

La façon dont le dehors désertique et incontenable effleure la sensibilité humaine et l'exaspère ou la fascine doit être saisie dans sa complicité avec la façon dont lemoi est maître et captif de son identité.

La réalité sans prise n'est pas simplement une réalité hostile à laquelle se heurterait notre liberté.

L'injustifiable nous envahit du dedans.

Il est " l'inamovibilité même de notre présence ".Notre identité même devient une prison.

Le soi pèse sur moi.

Le moi n'est pas condamné à une identité défaillantemais à la plénitude d'être, à une suffisance qui est précisément ce qu'il y a d'insupportable dans toute identité : onne souffre pas des limites de notre être mais de l'impossibilité de les fuir.

Le rapport à l'être pur est rapport à soi.

Par là se dessine le geste théorique qui consiste à dissocier la question de l'existence et de sa justification de la question ontologique sur le sensde l'être.

L'être étant réduit à l' il y a, ne donnant plus aucun signe, ne dicte aucun sens à l'homme.

L'existence humaine ne justifie plus sa contingence par la référence aux nécessités et aux déterminations ontologiques.

Ici on se heurte à une difficulté : à partir du moment où le rapportà soi est apparenté au rapport à l'être indéterminé, l'homme existe comme identité insouciante de justification, reposant en elle-même, au lieu d'êtresouci de soi médiatisé par le monde familier comme le voudrait Heidegger H021 .

Mais si l'identité humaine est aussi rebelle à la justification que l'être dans sa pureté, n'est-il pas trivial de distinguer entre les questions existentielle et ontologique ? L'article de 1956 " L'ontologie est-elle fondamentale ? " approfondit la façon dont " l'ontologie fondamentale " de Heidegger H021 hiérarchise sens de l'existence et catégories de l'être.

L'existence y est décrite dans toute son opacité.

Elle ne reflète pas simplement la volonté humaine.

Les libresprojets humains sont immergés dans des cadres qui diffractent l'intention de l'acte qu'ils accueillent.

Tradition, histoire, culture, monde autant decadres, de situations, où l'intention originelle est débordée par son sens objectif.

" Nous sommes ainsi responsables au-delà de nos intentions.Impossible au regard qui dirige l'acte, d'éviter l'action par mégarde.

Nous avons un doigt pris dans l'engrenage, les choses se retournent contrenous...

Notre conscience et notre maîtrise de la réalité par la conscience n'épuisent pas notre relation avec elle....

La conscience de la réalitén'épuise pas notre habitation dans le monde ".

Chez Heidegger H021 , cette finitude, cette " facticité " de l'existence humaine, " le fait d'être embarqué...

lié que je suis avec ce qui devait être mon objet par des liens qui ne se réduisent pas à des pensées...

s'interprète commecompréhension " de l'être.

C'est-à-dire que la déficience ou la défaillance de la conscience est en quelque sorte le lest qui ancre l'existence dansl'être.

" Dès lors le caractère transitif du verbe connaître s'attache au verbe exister.

(...) Nous existons dans un circuit d'intelligence avec le réel-. »

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