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D'où vient le pouvoir des mots ?

Publié le 29/10/2009

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ANALYSE DU SUJET. CONSEILS. REMARQUES DE METHODE    L'intitulé du sujet fait appel immédiatement à vos connaissances sur le langage et le pouvoir. Vous ne devriez pas avoir de difficulté à correctement définir les concepts de « mots« et « pouvoir «. En particulier il faut bien se rappeler, à propos des mots, les notions de signifié et de signifiant, qui montrent l'existence d'un « intérieur« et d'un « extérieur « des mots.  Cette dernière distinction va vous conduire d'abord au problème : le pouvoir des mots vient-il des mots eux-mêmes ou d'autre chose?  Elle va également vous orienter dans le choix du plan qui est fondamentalement un plan de type dialectique, appuyé dans une de ses parties, la thèse, sur un plan progressif.    Thèse : le pouvoir des mots vient des mots eux-mêmes :  • un appareil symbolique d'emploi très pratique;  • un système de thaumaturgie et d'action.  Antithèse : le pouvoir des mots vient du porte-parole.  Synthèse, répondant au problème posé : la puissance des mots vient du dedans et du dehors du langage.    1° Introduction    Les mots sont définis, en linguistique, comme des sons ou des groupes de sons articulés constituant une unité sémantique, comme des unités linguistiques fonctionnant de manière relativement autonome. Le mot désigne donc le signe linguistique et associe deux éléments, l'idée de la chose, le signifié (exemple : l'idée de table) et, d'autre part, l'image acoustique, le signifiant. Le mot, signe linguistique, constitue, par conséquent, la synthèse et l'unité du signifié et du signifiant.  Les mots en tant que tels apparaissent donc comme les unités de base du langage, défini comme la faculté qu'ont les hommes de s'entendre au moyen de signes vocaux.  D'autre part, qu'est-ce que le pouvoir? C'est, avant tout, la possibilité d'agir sur quelqu'un ou sur quelque chose, c'est une capacité de maîtriser les objets, mais aussi d'obtenir, pour un dominant, certains actes et certains comportements chez un dominé. Donc, le pouvoir est puissance, puissance sur les choses ou les êtres.  Les signes linguistiques véhiculent bien, comme le montre toute observation courante, une puissance, une possibilité d'agir sur quelque chose ou quelqu'un. « Il n'a qu'un mot à dire «, affirme-t-on de celui dont on souligne ou proclame la puissance. L'intitulé du sujet et la question nous invitent à rechercher l'origine du pouvoir des mots, à nous interroger : où réside exactement le pouvoir des signes linguistiques? Mais, plus profondément, le problème que soulève le sujet est celui de savoir si le pouvoir des mots se situe dans les signes linguistiques eux-mêmes ou dans une autre sphère. L'autorité et la puissance viennent-elles au langage du dedans ou du dehors ?

« • Thaumaturgie et magie.Voici un système de signes économiques, légers, d'utilisation facile.

Ce système de signes tire son pouvoir nonseulement du fait qu'il exprime la réalité, mais de ce qu'il la fait surgir et la révèle magiquement, c'est-à-dire enproduisant, par des procédés « occultes », des phénomènes inexplicables ou qui semblent tels.

Le mot, si léger, siimpalpable, est magie, envoûtement et sorcellerie.

Il n'intervient pas comme une étiquette arbitraire, mais bien aucontraire, il est révélation de la chose.

Ceci est particulièrement net chez le primitif : le mot tire son pouvoir de lapuissance magique contenue en lui.

Ainsi, telle peuplade primitive utilise-t-elle un système de médecine reposanttout entier sur les noms des maladies et des remèdes.

On utilise les plantes et les substances dont le nom évoque lasanté ou la guérison. Mais ce n'est pas seulement dans les groupes primitifs que le mot doit son pouvoir à cette essence magique.

Dansnos sociétés aussi, on peut parler de la puissance magique du langage.

Les signes linguistiques sont d'embléemagiques.

Si, par exemple, la calomnie est possible, c'est bien parce qu'il y a de la thaumaturgie dans les mots : «D'un mot, toute vie peut être gangrenée, si vide et faux que soit le mot.

La parole a jeté un sort sur la vie.

De làvient aussi, mais pour des effets inverses, la force de la flatterie.

Comme irrésistiblement la calomnie défigurait, laflatterie transfigure celui qui en est l'objet » (Nicolas Grimaldi).Le mot est donc un acte thaumaturgique par lequel je puis maîtriser mes semblables et les dominer.

Dans l'Antiquitégrecque, les sophistes avaient profondément saisi cette essence magique des mots.

Si tout signe linguistique est denature magique, s'il ouvre d'emblée une porte, alors l'art et les techniques du langage acquièrent la plus hautevaleur.

Les sophistes, en apprenant à leurs élèves à démontrer toute thèse, quelle qu'elle soit, tirent la leçon de lavérité thaumaturgique du discours. • L'acte de la parole.Ainsi le mot est magie et doit son pouvoir à cette thaumaturgie qui lui est inhérente.

Magiques, les signeslinguistiques sont également action, comme l'ont montré certains linguistes.

En particulier, J.-L.

Austin considère quedire, c'est faire.

Dénonciation de la phrase représenterait l'exécution d'une action.

Si je dis « donne et lègue mamontre à mon frère » ou « je prends cette femme comme épouse », j'affirme la chose comme allant de soi et ne ladiscute pas.

Si, à la mairie, je dis « je le veux », cela signifie que je me marie.A quoi tient le pouvoir des mots? Us sont magie et acte.

Si je puis dominer les choses et les êtres humains par lelangage, c'est parce que produire certaines énonciations, c'est être un magicien et l'exécuteur d'une action.Le pouvoir des mots procéderait, en somme, de la légèreté et de la commodité d'un système symbolique se donnantd'emblée comme action ou magie, comme pratique ou thaumaturgie.

La force qui agirait à travers les mots serait, enquelque sorte, immanente aux signes linguistiques eux-mêmes.

Us seraient d'abord pouvoirs, mots d'ordre, exercicesde la domination, faits de magie ou de puissance.

Dire, ce serait faire : ainsi le titre de l'ouvrage du linguiste J.-L.Austin nous engage-t-il dans cette voie de recherche concernant le pouvoir des mots (« How to do things withwords »).

Austin - mais aussi d'autres linguistes - découvrent dans le discours et les mots mêmes, dans les signeslinguistiques, l'origine du pouvoir des mots et le principe de l'efficacité de la parole.

Ils cherchent dans lesmanifestations linguistiques elles-mêmes le principe de la puissance et de l'efficacité des mots.

Où réside le pouvoirdes mots et d'où vient-il? Mais des mots eux-mêmes! B) Le pouvoir des mots vient de l'autorité du porte-parole.Si tout n'est pas faux dans cette thèse et si, dans tout langage il y a bel et bien thaumaturgie et action, principed'efficacité, pouvoir, néanmoins tout ensemble de signes linguistiques ne fonctionne pas comme instrument depouvoir.

Certes, on peut agir avec des mots, mais de manière plus ou moins heureuse, plus ou moins réussie.

D'oùvient donc le pouvoir des mots et quand atteint-il son efficacité maximale? Quand le langage et les motssymbolisent parfaitement l'autorité du porte-parole, comme le note judicieusement Pierre Bourdieu.

Tous les signeslinguistiques ne fonctionnent pas de la même façon.

Dès lors, le pouvoir des mots ne s'enracinerait pas seulementdans les propriétés intrinsèques du discours lui-même et des signes linguistiques, mais bel et bien dans les conditionssociales de production et de reproduction de la langue.

Cette analyse sociologique nous fournit incontestablementune dimension supplémentaire pour comprendre les racines du pouvoir des mots.

C'est l'accès aux instrumentslégitimes d'expression, c'est la participation à l'autorité de l'institution qui commandent le pouvoir des mots.

« Enfait, l'usage du langage, c'est-à-dire aussi bien la manière que la matière du discours, dépend de la position socialedu locuteur qui commande l'accès qu'il peut avoir à la langue de l'institution, à la parole officielle, orthodoxe, légitime» (Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, p.

107, Fayard, 1982). Ainsi, une nouvelle dimension d'analyse doit s'ajouter aux strates précédentes.

Le mot est faire, thaumaturgie, maisà certaines conditions! Reconnaissons avec Bourdieu que le pouvoir des mots réside dans le fait qu'ils sontprononcés à titre personnel.

Les mots ont d'autant plus de puissance que celui qui les émet a valeur de porte-paroleautorisé.

Pour donner un exemple, songeons à ce qui fait et crée le pouvoir d'un cours professoral : il doit êtreprononcé par la personne légitimée à le prononcer, selon certaines formes syntaxiques légitimes, avec une certaineétiquette de cérémonie et un certain code de gestes.

Donc les conditions sociales de production et de reproductionde la langue légitime jouent un rôle prépondérant.

D'où vient le pouvoir des mots? De la force sociale qui s'incarnedans les agents mêmes du discours. C) Synthèse. D'où vient alors finalement le pouvoir des mots? Du dedans, lorsque la parole exécute magiquement une action etdonne l'être à ce qui ne le possède point encore? Du dehors, lorsque les mots sont exprimés par des hommeschargés de titres, de gloire et d'honneurs?. »

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