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Devons-nous toujours croire nos sens ?

Publié le 27/02/2008

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Le terme « sens » peut revêtir plusieurs significations. En remontant à son étymologie, on voit que le mot latin sensus peut désigner soit « l'action de sentir » et les « organes de sens » ou « la manière de penser ». Ici, il faut entendre les sens comme la faculté d'éprouver des sensations, de percevoir ce qui se passe en dehors de soi, grâce aux organes qui commandent les cinq sens : la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher et le goût. Nos sens sont ce qui nous permet d'avoir des informations sur le monde et d'être en lien avec lui. Un sujet qui n'aurait pas de sens, comme essaie de l'imaginer certains philosophes au XVIIIème siècle, n'aurait pas d'informations sur le monde. Ainsi, l'aveugle ne peut comprendre ce qu'est véritablement la vue d'un tableau ou ce qu'est un miroir. A ce titre, on peut dire que nos premières connaissances proviennent des sens. Les sens désignant les organes intermédiaires entre moi et l'univers, paraissent, initialement, entièrement dignes de confiance, car ils semblent fonder mon vécu. Or, le terme « croire »  signifie « attacher une valeur de vérité à quelque chose », «  avoir foi ». Ne pas croire aux sens, c'est s'interdire de prendre en compte les données du monde. Pourtant, le terme « toujours » introduit une nuance. Les sens ont-ils en toutes occasions, raison ? Ne peuvent-ils pas mentir et nous fournir des informations fausses ? Nous avons tous une expérience d'une perception trompeuse, où les sens nous font percevoir par exemple une tour ronde, alors que quand nous nous approchons elle est carrée. La méfiance accordée au sens tient à cette inadéquation avec la réalité. C'est pour cela que Platon préférait développer la raison intelligible qui puisse se passer des sens. Mais est-ce vraiment les sens qui nous trompent quand nous voyons quelque chose tel qu'il ne l'est pas ? De plus, peut-on se passer des sens et sortir de l'apparence ? Ne faut-il pas au contraire essayer de travailler sur nos perceptions pour les rendre plus fiables ?

« ont une fois trompés " (Descartes, Méditations métaphysiques , I).

Descartes passe de "quelquefois" à "jamais", au nom de la prudence.

Il fait alors l'expérience du doute méthodique et affirme qu'un mauvais génie peut noustromper.

L'expérience du rêve nous enseigne que nos sensations n'ont pas forcément d'objets extérieurs.

Dès lors,qu'est-ce qui me prouve que je ne rêve pas les sensations que j'ai ? De plus, il ne semble pas que l'entendementpuisse réellement redresser les sens ou rompre l'illusion.

Ainsi, nous avons beau savoir que la terre est ronde maisnous continuons à la voir plate.

Pareil pour le bâton rompu.- Edgar Morin dans son livre Comment sortir du XX ème siècle , montre ainsi comment toute vision, toute certitude est marquée d'une composante hallucinatoire.

Il nous rapporte une expérience qu'il a faite.

Lors d'un accident, ilétait persuadé qu'une voiture avait percuté une moto.

Il avait vu la scène de ses propres yeux.

Pourtant, laconcordance de plusieurs témoignages viennent à montrer que c'est l'inverse qui s'est produit, que c'est la moto quiavait grillé le feu et percuté la voiture.

Le sociologue comprend son erreur comme une habitude de penser, qui faitque nous voulons toujours que ce soit le plus grand qui fasse du mal au petit et non l'inverse.

Dans l'attitudenaturelle, nous « croyons ce que nous voyons » sans réfléchir.

Nous ne voyons que ce que nous voulons bien voir.Notre perception est télécommandée par nos désirs, nos volontés, nos préoccupations.

Ainsi, un événement serainterprété de deux manières différentes par des chercheurs aux objectifs différentes : chacun des deux pourra direqu'il confirme sa théorie même si leurs théories sont diamétralement opposées.- En outre, nos sens sont limités et subjectifs.

Kant montre en effet que les perceptions du monde que l'on a,dépend étroitement de la forme de notre sensibilité.

Si notre physiologie changeait, nos représentations etperceptions ne manqueraient pas de changer.

Descartes montre dans les Méditations métaphysiques que nos perceptions changent avec les circonstances.

L'analyse célèbre du morceau cire montre que ses qualités sontdifférentes pour les sens selon les conditions.

Les sens ne nous donnent pas accès à la réalité profonde.- De plus, remarquons que les sens nous donnent accès à l'apparence des choses.

Or, cette dernière est souventconçue négativement.

Nous reconnaissons généralement en rencontrant des personnes qu'il ne faut pas se fier auxpremières impressions.

L'apparence des choses est rejetée parce qu'elle ne nous donne accès à un mondechangeant sans cesse, un monde où rien n'est stable.

Pour Platon, on doit se détourner des sensations et du corpsparce qu'ils ne nous permettent pas d'atteindre les Idées intelligibles, vérité de notre monde qui lui donne forme.

Cequi faut alors développer, c'est la raison et l'intellect et se détacher du tombeau de notre corps.

Il écrit ainsi :« C'est au moyen du corps, dites vous, que par l'entremise de la perception nous communiquons avec le devenir,tandis que c'est par l'entremise du raisonnement que, au moyen de l'âme, nous nous mettons en relation avec laréalité de l'existence.

»C'est pourquoi l'objectif de la science est de s'élever au-dessus des sensations subjectives.

La raison doit permettrede penser le réel, de l'expliquer sans passer par les sens.

Les mathématiques sur ce point sont l'image suprême de lascience.

Pour étudier un objet, il ne suffit pas de le sentir, de le voir mais de le concevoir.

Aristote oppose sensationet science.

La sensation est éphémère et changeante alors que la science se doit de trouver des points assurés etstables.

Il écrit dans Métaphysique : « Donc, puisque les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être perçues, il est clair qu'il n'y a pas de science par la sensation.

» L'âme scientifique doitdonc faire un effort contre l'obstacle qu'est le corps et ses sensations pour retrouver en elle-même les véritéspurement intellectuelles.

Il nous faut travailler à partir des sens- On ne peut pourtant pas sortir de la sensation.

Ce qui apparaît est ce qui existe pour nous et notre connaissanceprend appui sur nos sens.

Il serait illusoire de croire que sans notre expérience sensitive nous pourrions avancerdans la connaissance.

Certains philosophes ont même combattu l'idée que la vérité serait autre chose quel'apparence.

Nietzsche par exemple affirme que la vérité ne réside pas dans un monde différent du monde danslequel nous vivons.

« Nous ne possédons pas de catégories d'après lesquelles nous pourrions séparer un monde-vérité d'un monde-apparence.

» Il n'y a pas selon lui de deuxième monde à aller chercher comme l'a fait platon.

Ilécrit encore dans la Volonté de puissance : « Mais il n'y a pas d'être " différent ", " vrai ", essentiel, - ainsi on exprimerait un monde sans action et sans réaction...

L'opposition entre le monde-apparence et le monde-vérité seréduit à l'opposition entre le " monde " et le " néant ".

»Ce qu'il nous faut retenir, c'est que nous ne pouvons sortir des apparences.

Bertrand Russell explique pourquoi nousne croyons pas aux sens.

Il écrit dans problèmes de philosophie : « Mais la forme « réelle » n'est pas ce que nous voyons ; elle est inférée à partir de ce que nous voyons.

Et comme ce que nous voyons est d'une forme différenteselon nos déplacements dans la pièce, il semble à nouveau que nos sens ne nous enseignent pas la vérité sur latable elle-même, mais seulement sur l'apparence de la table.

» Pourtant, ce qui nous apparaît est la réalité et il estimpossible de la faire disparaître.

La vue est l'expérience première de notre vie et c'est par elle que peut commencertoute connaissance du monde extérieur.

On est donc obligé de croire ce que l'on voit sinon on ne pourrait pluss'orienter et agir dans le monde.

Edgar Morin qui même s'il reconnaît que la vue est trompeuse, affirme qu'on ne peutfaire autrement que de lui faire confiance pour vivre.

Il ne faut cependant pas prendre pour certitude tout ce qu'ellenous donne.- Dans ce cas-là, comment chercher la vérité ? Nous ne pouvons pas nier que la première impression, la premièreapparence n'est peut-être pas toute la vérité sur un objet.

Malebranche et Kant nous apprennent que ce n'est pasl'apparence et les sens qui sont trompeurs mais le jugement que nous avons sur eux.

Malebranche affirme dans unouvrage intitulé la recherche de vérité que « Ce ne sont pas nos sens qui nous trompent, mais c'est notre volonté qui nous trompe par ses jugement précipités.

» Kant affirme de même dans Prolégomènes à tout métaphysique future : « l'apparence ne doit pas être mise au compte des sens, mais bien au compte de l'entendement.

».

Dans toute perception intervient donc une action de l'esprit qui vient donner forme aux sensations.

Ne pouvons-nous pasalors travailler à notre jugement et à la bonne conduite de notre entendement ?. »

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