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DESCARTES: La différence entre les âmes

Publié le 17/04/2009

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(...) Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les affections mêmes leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. (...) Ainsi, ressentant de la douleur en leur corps, elles s'exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu'elles font de leur force, leur est agréable, ainsi voyant leurs amis en quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s'exposer à la mort pour ce sujet, s'il en est besoin. Mais, cependant, le témoignage que leur donne leur conscience, de ce qu'elles s'acquittent en cela de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses, que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige. Et enfin, comme les plus grandes prospérités de la fortune ne les enivrent jamais, et ne les rendent point plus insolentes, aussi les plus grandes adversités ne les peuvent abattre ni rendre si tristes, que le corps, auquel elles sont jointes, en devienne malade. DESCARTES

QUESTIONNEMENT INDICATIF

 • Que signifie « passion « ici ?  • Le problème est-il, pour Descartes, d'avoir de faibles « passions « ou de fortes et violentes « passions « ?  • Que signifie « fortune « dans ce texte ?  • Les « grandes âmes « dédaignent-elles de « se rendre la fortune favorable en cette vie « ?  • Sens et valeur de la métaphore « des comédies « ?  • Sur quoi repose la force et la grandeur « des grandes âmes « ?  • Comment penser que « les plus grandes âmes « jouissent d'une parfaite félicité dès cette vie « ? Que signifie félicité ?

• Quelle anthropologie implique la distinction hiérarchique de Descartes entre les âmes « basses et vulgaires « soumises aux passions et les « grandes « âmes maîtresses en toutes circonstances de leurs passions grâce à l'exercice de la raison ? • Pourquoi les « grandes âmes « sont-elles susceptibles de ressentir des passions « plus violentes « que les âmes basses et vulgaires ? • Quel est le rôle joué par la croyance en l'immortalité de l'âme dans la maîtrise des passions? Descartes ne rejoint-il pas ici Pascal ? • La dernière partie du texte n'est-elle pas d'inspiration stoïcienne?

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« Pour comprendre cette maxime, qui semble d'un conformisme révoltant, il faut savoir qu'elle fait partie d'unemorale « par provision », c'est-à-dire qu'elle ne correspond pas à la morale définitive de Descartes, maiss'intègre à un ensemble de règles provisoires et révisables, dictées par l'urgence de la vie et de l'action, alorsmême que la raison et la recherche recommandent la prudence.Le « Discours de la méthode » présente la biographie intellectuelle de l'auteur, et les principaux résultatsauxquels il est parvenu par une démarche aussi singulière que révolutionnaire.

Afin de parvenir à une certitudeabsolue et indubitable, Descartes décide de remettre au moins temporairement en cause la totalité de sesopinions.

Pour parvenir « à la connaissance vraie de tout ce qui est utile à la vie », il se voit obligé de rejeterla totalité de ce qu'il avait cru.

Dans les « Méditations », il décrit ainsi son attitude :« Je suppose que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que rien n'a jamais été de toutce que ma mémoire remplie de songes me représente ; je pense n'avoir aucun sens… ».Il faut comprendre que ce doute est une démarche intellectuelle qui a pour but de détruire le « palais » del'ancienne métaphysique, qui n'était bâti que « sur du sable et de la boue », pour reconnaître le véritable palaisdes sciences sur le roc de la certitude.Mais une question nouvelle apparaît : pendant que je détruis mon ancienne demeure, pour en reconstruire unenouvelle, où vais-je loger ?« Car ce n'est pas assez, avant de recommencer à rebâtir le logis où l'on demeure, que de l'abattre […] il fautaussi s'être pourvu de quelque autre où o puisse être logé commodément pendant le temps qu'on y travaillera.»Pendant que le doute m'oblige à n'admettre aucun principe, comment vais-je vivre, et vivre au milieu desautres, sur quels principes vais-je régler mes actes, moi qui rejette tous les principes ? Sur quels critères vais-je choisir d'agir, pendant que je doute de tout ? La démarche intellectuelle de Descartes l'oblige à être irrésoluen ses jugements, de tout passer au crible du doute, mais « les actions de la vie ne souffrent aucun délai.

»« Ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être enmes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors aussi heureusement que je pourrais, je formais unemorale par provision.

»La morale par provision consiste à se donner des règles d'action, temporaires et révisables, pour vivre et agirde façon décidée et résolue, alors même que le doute me contraint à ne rien admettre pour vrai.

On est là à unmoment très particulier de la démarche cartésienne ; un moment où le divorce est possible entre raison &action.

Ce qui prime dans l'ordre de la connaissance c'est la vérité.

Et elle impose le doute, la patience, lacirconspection.

Ce qui prime dans l'action, c'est la résolution, c'est de savoir prendre partie s'y tenir face àl'urgence de la vie.

La morale par provision ne correspond qu'à un moment précis de la vie : celui oùj'entreprends une réforme intellectuelle totale alors même qu'il me faut continuer à agir.Elle est nécessaire au moment où mes actes ne peuvent pas encore parfaitement correspondre à la vérité, etceci parce que je cherche une vérité que je n'ai pas encore atteinte.

Les règles de la morale par provision ou «morale provisoire » sont donc par essence révisables, et Descartes récrira une morale une fois samétaphysique et sa physique fondées.

Pour l'instant, il s'agit de se donner les maximes les plus prudentes etles plus aptes à m'assurer le contentement, alors même que je ne dispose d'aucun principe ferme pour guidermon action.

Si l'on reprend la métaphore de Descartes, elles correspondent à cette maison dans laquellej'habite temporairement, pendant que je reconstruis mon palais.La première maxime de Descartes recommande un conformisme extérieur : puisque rien ne me dit quelles mœursou quelle religion adopter en toute connaissance de cause, autant m'en tenir à celles de mon pays.

Ceconformisme n'est que la façade et n'implique aucune adhésion intérieure.

La seconde maxime consiste en unusage ferme et constant de la volonté ; une fois une décision prise, il ne faut pas en démordre.

Si je me perdsen forêt, il me faudra bien choisir, fut-ce au hasard, une direction, et si je veux ne pas m'égarercomplètement, m'y tenir.La troisième maxime est : « de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirsplutôt que l'ordre du monde ».

Descartes affirme que cette règle est aussi facile à comprendre que difficile àappliquer.

En fait, il s'agit là d'une maxime d'inspiration stoïcienne, quasi directement recopiée d'Épictète, et quinous invite à faire le départage entre :• d'une part ce qui dépend de nous, ce sur quoi nous avons un pouvoir ;• d'autre part ce qui ne dépend pas de nous, et dont nous devons nous exercer à ce qu'il ne nous touche enaucune façon. Le but que poursuivent les stoïciens, et Descartes ici, est de nous rendre les plus indépendants possibles descoups du sort, d'assurer au sujet la plus grande autonomie possible.

Or pour cela il faut NOUS vaincre, plutôtque de nous en prendre à la fortune (au mode, au hasard) et changer nos désirs plutôt que de sombrer dansl'illusion de remodeler le mode suivant nos projets.

Comme le déclare Épictète : « Ce n'est pas en satisfaisantnos désirs que l'on se fait libre, mais en détruisant les désirs.

»On voit ici naître l'opposition entre le sujet et la fortune, ses désirs et le monde.

En fait, il faut d'abord savoirfaire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, compter nos propres forces, et lesmesurer à celles du monde qui nous fait face.Ce qui m'appartient en propre et sur quoi j'ai un pouvoir, c'est moi-même, mes désirs, mes pensées, l'initiativede mes actes.Par contre, les choses extérieures, ce qui prend pour moi la forme du hasard, l'action des autres, lesconséquences de mes actes, tout cela échappe à mon contrôle, dépasse mon pouvoir.Or, aussi évident que cela paraisse, les hommes n'ont pas conscience de cette opposition.

Comme le faitremarquer Descartes, nous ne désirons que ce qui nous semble possible.

Seuls les fous, c'est-à-dire ceux dontla raison est égarée, voudraient avoir des corps de diamant ou des ailes pour voler.

De même, je ne désire pas. »

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