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Descartes à Chanut

Publié le 18/04/2009

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descartes
Lorsque j'étais enfant, j'aimais une fille de mon âge, qui était un peu louche* ; au moyen de quoi, l'impression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui s'y faisait aussi pour émouvoir en moi la passion de l'amour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer qu'à en aimer d'autres, pour cela seul qu'elles avaient ce défaut ; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela. Au contraire, depuis que j'y ai fait réflexion, et que j'ai reconnu que c'était un défaut, je n'en ai plus été ému. Ainsi, lorsque nous sommes portés à aimer quelqu'un, sans que nous en sachions la cause, nous pouvons croire que cela vient de ce qu'il y a quelque chose en lui de semblable à ce qui a été dans un autre objet que nous avons aimé auparavant, encore que nous ne sachions pas ce que c'est. Et bien que ce soit plus ordinairement une perfection qu'un défaut qui nous attire ainsi à l'amour, toutefois, à cause que ce peut être quelquefois un défaut, comme en l'exemple que j'ai apporté, un homme sage ne se doit pas laisser entièrement aller à cette passion, avant que d'avoir considéré le mérite de la personne pour laquelle nous nous sentons émus. » DESCARTES

* Les causes inconnues qui poussent à aimer une personne peuvent venir d'une ressemblance réelle, mais ignorée, entre elle et une personne aimée dans le passé.

* Conduite à tenir dans ces circonstances : soumettre le penchant à la réflexion, ne s'y abandonner que si elle l'approuve.

Cette lettre de Descartes met donc en évidence la différence entre raison et passion. En effet, elle souligne le fait que tout individu ne prend pas toujours conscience des raisons qui le pousse à agir d’une telle manière ou d’un autre. Aussi Descartes démontre ici que notre façon d’agir dépend de notre aptitude à considérer les intérêts et les causes de notre existence, et donc de tout ce qui constitue notre vie. Descartes prône donc à travers ce texte l’idée de libre arbitre qui est la capacité de se déterminer par soi-même. D’autre part, on se rend compte que l’arrivée de la psychanalyse, qui a été établit par Freud dès 1893, distingue distinctement la différence entre la raison et la passion. En effet, tout ce que nous vivons et ressentons dans notre passé jouent un rôle indispensable dans l’homme que nous sommes au présent soit dans la manière dont nous agissons, et expliquerait aussi la notion d’inconscience qui éclaircit le pourquoi et les raisons de nos actes.

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« n'y a point de meilleur chemin pour venir à la connaissance de nos passions, que d'examiner la différence entre l'âmeet le corps, afin de connaître auquel des deux on doit attribuer chacune des fonctions qui sont en nous » (Article II,Les Passions de lame).

Ce qui est dans l'âme une passion est une action dans le corps : « la voie d'accès à laconnaissance du mécanisme passionnel est la physique du corps humain » (Martine Collin).

La passion amoureuseest une représentation liée à un mouvement d'un corps extérieur.

Il y a excitation ou impression sur le cerveau etl'habitude produit une représentation.

Ici, la petite fille qui louchait imprimait de l'amour.

Plus tard, et avant d'encomprendre le mécanisme, Descartes est attiré par les personnes qui louchent car elles réveillent en lui lareprésentation enfantine.

La nature a inscrit en lui le mécanisme. • Et c'est par un autre mécanisme, celui de la volonté, que Descartes se libérera du premier.

L'homme triomphe de lapassion en exerçant sa raison, fermement. QUESTION 3 Sagesse et passion peuvent-elles à votre avis s'accorder ?• Il faut avant tout définir les mots sagesse et passion.

La sagesse c'est la sophia grecque, la connaissance, lesavoir.

C'est la sapientia latine, l'intelligence, la prudence.

On peut dire que de Socrate à Descartes sagesse estsynonyme de philosophie et de science : « ce mot de philosophie signifie l'étude de la sagesse, et [...] par sagesseon n'entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses quel'homme peut savoir, tant pour la conservation de la vie que pour la conservation de la santé et l'invention de tousles arts » (Descartes).

Aujourd'hui, on entend souvent par sagesse la modération, la vertu morale qui nous rendprudent, sensé, mesuré, raisonnable.

Au contraire, la passion est l'insensé, la démesure.

L'homme, dit-on, est lejouet de sa passion.

Aux yeux du passionné, un seul thème est valorisé : l'amour, l'argent, le pouvoir, le jeu, etc.Rien d'autre n'a de sens que cet insensé.• La question soulève un paradoxe et nous demande si on peut le résoudre : la raison et ce qui échappe à la raisonpeuvent-ils s'accorder, vivre en harmonie ? Spontanément, nous répondons non.

Il y a incompatibilité entre raison etpassion.

La raison maîtrise, la passion aliène.

La raison calcule, pèse, évalue.

La passion cristallise comme le dit et ledécrit si bien Stendhal (quelqu'un de médiocre apparaît superbe).

En un mot, le passionné cesse de raisonner.• Pourtant, dit Hegel, « rien de grand ne s'est fait sans passion ».

Elle est le moteur de la vie.

Rousseau déjàcontestait le rationalisme classique — qui, tels Aristote, Descartes, ne nient pas la passion mais demandent uncontrôle, une maîtrise.

La passion, antérieure à la raison, n'est ni mauvaise ni source de servitude.

Les « mauvaisespassions » sont nées avec l'état civil qui instaure la propriété et fait émerger envie, exploitation entre les hommes.D'un autre point de vue, la psychanalyse a montré l'importance des passions dans la vie psychique et « l'illusion dela conscience ».

« Le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».

Il existe en l'homme un inconscient qui échappetotalement au moi, à la conscience, donc à la raison.

Il y a en l'homme un irrationnel irréductible.• L'homme est donc très certainement à la fois raison et passion.

« Le désir est l'essence même de l'homme »souligne Spinoza.

L'homme cherche toujours des raisons de vivre, mais ce ne sont pas des raisons qui le font vivre.C'est toujours dans nos désirs que se trouve la source vive de notre existence.

Sagesse et passion, ou raison etdésir doivent s'accorder, quitte à comprendre, comme l'écrit J.-P.

Sartre que « l'homme est une passion inutile ».. »

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