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D'Alembert recommandait comme une bonne méthode de formation intellectuelle de « s'exercer aux démonstrations rigoureuses » et de « ne pas s'y borner ». Expliquez et appréciez cette opinion. ?

Publié le 16/06/2009

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Le xviiie siècle est le siècle d'une grande révolution politique qui en implique plusieurs autres, en particulier une révolution pédagogique. Le xviie siècle visait à former « l'honnête homme «, c'est-à-dire un être de conversation agréable et de bon goût, ayant des idées élevées et le sens du beau. Le principal moyen auquel on avait recours était la familiarité avec les grands auteurs et la pratique des langues latine et française sous forme de compositions littéraires, lettres ou discours, poèmes ou tragédies. Au xviiie siècle apparaît le souci de donner à l'enfant et au jeune homme une formation plus réaliste et plus scientifique. ROUSSEAU veut que son Émile commence par observer et par étudier la nature au lieu d'apprendre à connaître l'homme dans les chefs-d'œuvre de l'antiquité. DIDEROT fait une large part aux sciences, principalement aux sciences mathématiques, et son plan d'études leur attribue cinq ans contre trois à la culture littéraire. D'ALEMBERT, le mathématicien de l'Encyclopédie, mais qui, durant ses études, avait montré autant de goût et autant d'aptitude pour les lettres que pour les sciences, nous est un témoin de cet état d'esprit : il recommandait comme une bonne méthode de formation intellectuelle de « s'exercer aux démonstrations mathématiques « et de « ne pas s'y borner «. Tâchons de bien comprendre sa pensée; ensuite, il nous sera facile de voir si elle est juste.

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« celles du musicien et du poète.Toutes les disciplines comportent donc une part d'intuition irrationnelle; mais il n'en est pas non plus dans lesquellesn'intervienne quelque raisonnement.

Toutefois les démonstrations rigoureuses ne se rencontrent qu'enmathématiques.

Aussi, pense D'ALEMBERT, c'est avant tout à l'étude des mathématiques que doit se consacrer celuiqui aspire à former son esprit.

Sans doute, il ne doit pas s'y borner, mais le rôle essentiel revient aux sciencesexactes, les autres disciplines n'ayant qu'une importance secondaire.Que faut-il penser de cette opinion P Ces deux sortes d'études sont-elles nécessaires pour la formation del'intelligence et faut-il reconnaître aux mathématiques une efficacité supérieure pour le développement intellectuel ? * * * Un de nos grands physiciens, BOUASSE, célèbre par des préfaces qui souvent tournent au pamphlet, intitule l'uned'elles : De l'inutilité des mathématiques pour la formation de l'esprit.

(Résistance des matériaux, DELAGRAVE)« Personne, dit-il, ne conteste l'utilité des mathématiques comme outil, comme procédé mécanique de déduction.Apprenons-les, mais sans garder d'illusion sur leur valeur pédagogique.

Apprenons-les seulement dans les limites oùelles sont applicables..., laissant le soin de les « pousser » à quelques intellects soigneusement tenus à l'écart desaffaires, si reconnaissables que la sonnette ou la rouelle jaune sont inutiles pour les désigner à la curiosité publique.» (P.

xii.)Forçant un peu la pensée de BOUASSE, nous pourrions dire : les mathématiques déforment l'esprit; cependant,comme elles sont utiles à la physique, tolérons-les; mais veillons à ce qu'elles ne sortent pas de leur rôle etempêchons qu'on les cultive au-delà de la mesure indispensable pour l'étude des sciences auxquelles on les applique.Son esprit combatif et le goût du paradoxe ont entraîné BOUASSE à exagérer : les mathématiques exercent sur laformation de l'esprit une heureuse influence.PLATON, dans le programme d'études du futur magistrat (République, vii), faisait très grande la part desmathématiques parce que, disait-il, elles forment l'esprit à l'abstraction.

Il n'y a de science que du général.

Maisl'expérience que nous montre que des êtres singuliers et complexes.

Il faut une certaine habitude pour dissocier lesdiverses qualités données ensemble dans la sensation et ne conserver que les qualités essentielles.

Lesmathématiques, sciences éminemment abstraites, entraînent l'enfant et l'adolescent à cet exercice.Ensuite, cette étude dresse l'esprit à la rigueur scientifique.

Aux origines de la vie mentale, chez l'enfant et chez leprimitif, c'est le règne de la fantaisie : ce qui est vu se distingue mal de ce qui est imaginé, les explicationsvraisemblables des créations d'un esprit friand de contes de fées.

Les mathématiques mettent un peu de sagessedans cette folie elles suscitent le goût des données exactes et des raisonnements rigoureux bâtis sur ces données.Par elles, l'intelligence est préparée à l'un de ses rôles : comprendre et expliquer le monde.Enfin, l'esprit est stimulé et dirigé dans ses recherches.

Plus que toute autre science, les mathématiques donnent lacertitude et la joie d'avoir compris.

Dès lors, comprendre les phénomènes physiques comme il a compris un théorèmede géométrie sera l'ambition de l'écolier, comme ce fut celle de DESCARTES.

Il ne sera satisfait que le jour où lesdiverses lois de la physique se déduiront mathématiquement de quelques définitions premières exprimant la naturedes éléments dont est fait le monde.

Rêve d'intelligibilité totale que l'homme n'aurait jamais formé sans lesmathématiques. *** Mais, nécessaires à la formation de l'esprit, les mathématiques ne suffisent pas à cette tâche.

Quand elles sontcultivées exclusivement, elles donnent à l'intelligence une tournure qui la rend inapte non seulement à la viepratique, mais encore à l'activité scientifique.

El c'est bien ce que veut dire BOUASSE, tout comme D'ALEMBERT.Le réel est complexe, et, pour agir sur lui, il ne suffit pas de le regarder une fois pour toutes, puis d'appliquer uneformule; sinon, on tombe dans l'absurde, ainsi que le montre l'exemple du problème de LAISANT, cité par HADAMARD, (Encyclopédie française, I, 52, 4) : quatre ouvriers travaillant ensemble ont mis huit heures à creuserun fossé de 7 mètres.

Combien de temps faudra-t-il à 100.000 ouvriers pour faire le même travail Une seconde troisdixièmes, calculera le mathématicien avec assurance.

Mais cette réponse du savant, comme le problème qu'ellerésout, fera rire un paysan illettré, qui, lui, verra immédiatement que cent mille ouvriers entassés sur quelquesmètres carrés ne pourront même pas déplacer une pelletée de terre.C'est surtout dans l'application de ces procédés particuliers aux choses humaines que le mathématicien montre queses études l'ont mal préparé à la vie.

ll lui manque l'esprit de finesse nécessaire pour débrouiller l'écheveau complexedes pensées et des sentiments.

« Ce qui fait que les géomètres ne sont pas fins, dit PASCAL, c'est qu'ils ne voientpas ce qui est devant eux, et qu'étant accoutumés aux principes nets et grossiers de géométrie et à ne raisonnerqu'après avoir bien vu et manié leurs principes, ils se perdent dans les choses de finesse où les principes ne selaissent pas ainsi manier.

»Mais la même observation vaut aussi pour la recherche scientifique.

Tandis que les autres sciences ont pour objet leréel, le concret, le mathématicien se confine dans de pures idées, dans l'abstrait.

Par suite, une formationexclusivement mathématique est une mauvaise préparation à l'étude des autres sciences.

« Le mathématicien, ditBOUASSE, dans la préface déjà citée (p.

vi), a le réel en horreur.

Pour généraliser, il réduit la nature à des schèmes;des faits il ne garde qu'un fantôme.

» Le monde qu'expliquerait un savant dont l'esprit aurait été exclusivementfaçonné par la pratique des mathématiques serait une création de son esprit, non le monde réel. Les mathématiques ne fournissent au physicien que procédés de raisonnement ou de déduction.

Or, remarque BOUASSE (p.

xvi), « l'erreur dans nos conclusions résulte bien moins d'un vice logique de déduction que del'admission de prémisses fausses.

On ne se trompe généralement pas en raisonnant; on erre sur le point de départdu raisonnement » Sans doute, l'observation vulgaire est plus facile que la déduction mathématique; mais si l'on se. »

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