Cours de philosophie sur LES PASSIONS ?

« de ce curieux phénomène psychique, qui ne peut exister sans la raison, alors même que celle-ci serait impuissante àle gouverner ? Comment expliquer cette secrète connivence entre raison et passion ? On se souvient que laconscience n'est pas un état stable, passif, puisqu'elle se développe et s'enrichit en fonction de nos expériencesnouvelles.

Ne faudrait-il pas, alors, chercher du côté des structures de la conscience pour comprendre les ressortssecrets de la passion ? S'il est vrai qu'il ne peut y avoir de passion sans conscience, on pourrait penser qu'avec ledéveloppement de la conscience, les passions pourraient changer de nature.Comme le suggère Spinoza, la passivité propre à la passion deviendrait alors une activité.

Dans une telleperspective, la passion ne pourrait triompher vraiment que si elle arrive sur un terrain conquis d'avance.

Uneconscience faible, qui connaît peu la nature humaine, et qui, donc, n'est pas une conscience de soi, sera ainsiprédisposée à subir une passion.

5) Ignorance et passion Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau se demande "comment réprimer la passion même la plus faible, quand elle est sans contrepoids ?" Comme le montrait déjà Spinoza, seule une passion peutvaincre une autre passion.

Et les individus les plus exposés aux ravages despassions sont aussi ceux qui y sont ordinairement le moins sujets : "Mais s'ilen survient une qui les atteigne, ils sont aussitôt vaincus qu'attaqués." Carseule une expérience de la passion peut aider à se prémunir contre sesravages.

L'ignorance des mécanismes de la passion nous fait courir le risqued'y succomber, alors que leur compréhension peut nous en prémunir.

Si laraison à elle seule n'a "pas assez de force" pour résister à la passion, il yaurait comme une autre passion, celle de ne pas succomber à la passion.C'est donc bien à une reconnaissance de la force des passions que peutinviter une conception de la sagesse qui vise une béatitude non pas divine,mais humaine.

Il ne s'agit pas en effet pour le sage de rejeter la conditionhumaine, mais d'en comprendre la nécessité profonde.

Si, comme le ditPascal, "qui veut faire l'ange fait la bête", c'est justement parce que lemeilleur moyen de succomber à une passion, c'est de ne pas en reconnaîtreles pouvoirs.

Or, une telle reconnaissance suppose le dépassement del'opposition entre raison et passion.

C'est pourquoi Spinoza souligne que lapassion change de nature sitôt que nous en formons une idée adéquate.Tandis qu'à l'état pur, elle n'est qu'une "idée confuse", elle devient une actiondès que la conscience est capable de la comprendre et de la prendre encompte. 6) De bonnes passions ? Car la "guerre intestine" (Pascal) entre raison et passion dure tant qu'on n'a pas compris que "l'entendement humaindoit beaucoup aux passions, qui, d'un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi." (Rousseau : Discours sur l'origineet les fondement de l'inégalité).Ce sont les passions qui mobilisent la raison, tandis que c'est la raison qui donne de nouveaux objets aux passions.C'est en ce sens que Hegel a pu écrire que rien de grand ne s'est jamais fait sans passions.

Si les sagesses antiquespouvaient répudier toutes les passions, n'est-ce pas au nom d'une passion pour la raison et la sagesse ?. »