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Commenter et apprécier cette pensée de Bergson : « La vraie connaissance a moins de rapports avec une information superficiellement encyclopédique qu'avec une ignorance consciente d'elle-même et accompagnée de la résolution de savoir. » ?

Publié le 16/06/2009

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bergson

Commenter et apprécier cette pen

INTRODUCTION. - Grâce aux progrès de l'imprimerie et à la diffusion de la presse, il ne se passe rien d'important dans le monde qui, d'une façon ou d'une autre, ne parvienne aux oreilles d'un homme moyennement cultivé. Des ouvrages, des revues et des conférences de vulgarisation mettent à sa portée les résultats des patientes recherches qui se poursuivent dans les laboratoires. Le grand public lui-même est tenu au courant par son journal et par les films documentaires des grandes découvertes et des perspectives d'avenir dont rêvent les inventeurs. Aussi, nombreux sont de nos jours les gens bien informés; la masse de connaissances emmagasinée par un homme qui, après ses études, continue à s'intéresser aux progrès de la science est incomparablement plus grande que jadis; aussi pourrait-on croire à une extension considérable du savoir BERGSON n'est pas de cet avis : « La vraie connaissance, a-t-il écrit, a moins de rapports avec une information superficiellement encyclopédique qu'avec une ignorance consciente d'elle-même et accompagnée de la résolution de savoir. « Un lecteur peu attentif risquerait de juger paradoxale l'affirmation du grand philosophe. Tâchons de préciser la signification exacte de cette pensée : alors, peut-être, elle nous paraîtra moins éloignée du sens commun.

 

bergson

« chimie, mais il sait qu'un chercheur japonais vient de découvrir dans l'atome un élément qu'on n'avait pas discernéjusque-là, il est au courant de la théorie qu'un astronome suédois vient de mettre à la mode...Au courant, mais superficiellement...

En effet, pour connaître à fond n'importe quel objet d'étude, il faut sespécialiser : recevoir ou se donner la formation particulière qu'exige chaque discipline; ensuite défricher le domaineentier dans lequel on s'est établi et prendre quelques vues sur les régions limitrophes.

Faute de cette formation, onne pourra pas comprendre les faits observés, en avoir une « vraie connaissance ».

Pour en apercevoir la raison, ilfaudrait connaître un grand nombre d'autres faits et les lois générales qui les expliquent : au lieu d'être à l'affût dece que les chercheurs découvrent, il aurait fallu tout d'abord apprendre ce que les savants de jadis ont découvert :or, une vie humaine est bien trop courte pour permettre à un individu de s'assimiler une fraction importante dusavoir de notre époque.Aussi cette information qui paraît encyclopédique n'est que superficiellement encyclopédique.

A première vue, onpeut être étonné par l'étendue et la variété de ce savoir.

Le spécialiste lui-même se sent d'abord pris d'admirationpour ces esprits faciles qui parlent avec compétence d'une douzaine de sciences, alors que lui-même se prononceavec prudence sur des questions auxquelles il a consacré une partie de sa vie.

Mais une conversation un peuprolongée fait bientôt apparaître l'inconsistance de ce savoir.

Il ne saurait y avoir de connaissance vraimentencyclopédique sans la perception des rapports qui existent entre les faits connus, sans un système unifiant lesdonnées des différentes sciences.

Ainsi les phénomènes sociaux doivent être rattachés aux conditionsgéographiques du pays dans lesquels on les observe; la géographie, de son côté, ne se comprend que grâce à lagéologie, qui ne peut être comprise à son tour que si l'on connaît la physique et la chimie; enfin, pour déterminer lepoint de départ de l'évolution géologique, il faut avoir résolu des problèmes astronomiques et cosmologiques de laplus grande difficulté.

Dans un savoir vraiment encyclopédique, tout se tient.

Or, chez l'homme bien informé dontnous faisons l'examen, nous n'observons que des connaissances fragmentaires : on dit de lui que c'est uneencyclopédie vivante; mais c'est qu'on ne l'a étudié que superficiellement. A cette « information superficiellement encyclopédique », BERGSON préfère, comme se rapprochant davantage de lavraie connaissance, « une ignorance consciente d'elle-même et accompagnée de la résolution de savoir ».Cette ignorance qui a la préférence de BERGSON est bien éloignée de l'ignorance du vulgaire, qui, ne soupçonnantmême pas les questions que posent et les études dont sont l'objet les choses qu'il observe tous les jours, ignore sonignorance.

Que les herbes et les cailloux qu'il foule aux pieds aient été rigoureusement classés par le botaniste et leminéralogiste, le bouvier qui pousse sa charrue l'ignore; si on lui montre les nomenclatures patiemment élaborées etles collections constituées à grand peine, il sourit du travail que l'on s'est imposé pour de telles futilités et nesouffre pas de son ignorance.

Bien différente l'ignorance consciente d'elle-même : elle suppose une véritable cultureet des connaissances approfondies.

Tout d'abord on ne peut avoir une véritable conscience d'ignorer que si on aexpérimenté ce que c'est que savoir et goûté la joie de comprendre : c'est le contraste entre la lumière etl'obscurité qui fait la conscience d'ignorer.

Ensuite, l'ignorance consciente implique une certaine connaissance de cequi reste à apprendre ou à découvrir : pour mesurer l'étendue de ce qui reste caché ou obscur, il faut bien leconnaître un peu, et nous pouvons appliquer à la science la phrase célèbre de PASCAL : « Tu ne me chercherais passi tu ne m'avais pas trouvé.

» Enfin et surtout, une ignorance consciente de la solution du problème posé supposeune somme importante de vraies connaissances : sans culture approfondie, on ne saurait comprendre les donnéesdes problèmes que se posent les savants; pour avoir conscience d'ignorer la réponse à une question, il fautcomprendre cette question, et on ne peut la comprendre si on n'a pas reçu une sérieuse formation scientifique etassimilé de vraies connaissances.L'ignorance consciente d'elle-même n'est donc pas une véritable ignorance, consistant dans un vide total de l'espritet un néant de pensée.

Elle constitue un terrain limitrophe entre la « vraie connaissance » d'une part et, d'autrepart, ce que nous avons appelé la pseudo-connaissance, c'est-à-dire cette information superficielle qui se borne àdes faits et ne s'élève pas jusqu'aux raisons.

L'ignorance consciente est l'ignorance de ces raisons dont on saitl'existence et qu'on cherche à déterminer — par là elle est connaissance — mais sans pouvoir les découvrir — et parlà elle reste ignorance.

Ainsi, comme la pseudo-connaissance, l'ignorance consciente comporte un vide; mais lapseudo-connaissance est une ignorance inconsciente qui ne voit pas le vide qu'elle implique, et, par suite, étantcondamnée à se perpétuer, reste très éloignée de la science; au contraire, dans l'ignorance consciente, le vide del'esprit est connu et aspire à se combler : on peut voir en lui le germe de la vraie connaissance On ne saurait doncrefuser de le reconnaître : « La vraie connaissance a moins de rapports avec une information superficiellementencyclopédique qu'avec une ignorance consciente d'elle-même.Mais BERGSON ajoute : « consciente d'elle-même et accompagnée de la résolution de savoir ».

Sur ce seul point,nous croyons devoir présenter quelques réserves.

Que la conscience d'ignorer soit accompagnée du désir de savoiret que le sentiment de ne pas comprendre provoque un malaise auquel on aspire à mettre fin, l'expérience vulgairesuffit à le montrer.

Mais une « ignorance consciente d'elle-même » sans la « résolution de savoir » n'est-elle pas,elle aussi, dans un rapport étroit avec la « vraie connaissance » ? La volonté n'est pas constamment tendue, et ilest des moments durant lesquels l'esprit le plus curieux se résigne à son ignorance et suspend son effort pour lavaincre.

Ils sont même nombreux les hommes instruits peu préoccupés des problèmes qui restent à résoudre.

Dirons-nous qu'ils n'ont pas de « vraie connaissance » ? La « résolution de savoir » ne transforme donc pas essentiellementl'ignorance consciente d'elle-même : seule, cette conscience fait sa valeur et la rapproche de la « vraieconnaissance ». CONCLUSION. - « Ce que je sais, déclarait SOCRATE, c'est que je ne sais rien.

» Précieux savoir que celui des limites de son savoir : il a valu au grand penseur grec de l'emporter sur les sophistes qui prétendaient fournirréponse à tout.

C'est que toute connaissance qui n'est pas accompagnée de la conscience d'ignorer ses au-delàest, pour employer la formule de BERGSON, une connaissance « fermée » : un esprit persuadé qu'il n'a plus rien à. »

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