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Comment savons-nous que nous avons affaire à la réalité ?

Publié le 02/03/2009

Extrait du document

 

  • Enjeu : la question fait intervenir un lieu commun de toute argumentation pratique (éthique ou politique) où l'un des intervenants ne met pas en cause la validité du raisonnement qui lui est opposé, mais, selon les expressions retenues, son décalage avec la réalité, son oubli des réalités, sa méconnaissance de la réalité, etc. Elle fait donc intervenir un lieu commun de tout débat démocratique, et c'est à ce titre qu'il faut évaluer la valeur, la portée de cette référence à la réalité comme autorité argumentative.

 

                Cela suppose bien sûr que l'on s'entende au préalable sur une définition de ce qui peut être appelé réalité. Car il ne suffit pas ici d'invoquer le fait que chacun conçoit « sa « réalité sur la base de sa propre expérience personnelle, il faut d'emblée faire porter la question sur la manière dont chacun, à partir d'une expérience qui lui est toujours propre, effectue un « tri «, une « sélection « de traits qui constituent ce que n'importe qui ayant la même expérience reconnaitrait également comme caractéristique essentielle de la réalité. La question porte donc moins sur le contenu que sur les critères, c'est donc la question de savoir ce qui nous autorise à mettre en avant une partie des faits, choses ou phénomènes au détriment d'une autre, au motif que cette part est plus représentative, plus significative de la réalité. On voit par là que la réalité se définit paradoxalement de manière complètement dépendante de ce à quoi on l'oppose (apparence, phénomène, simulacre, rêve, illusion, idée ou idéal...). Cette dépendance nous montre toute l'ambiguïté du terme même de réalité, qui se présente à première vue comme n'ayant d'autre finalité que purement descriptive, tout son sens étant même limité à cette visée, alors qu'au terme d'une première approche, il n'a de sens que par rapport à une visée normative de discrimination.

 

  • Problématique : quels critères sont pertinents pour donner la certitude d'être en rapport avec la réalité, et quelles activités produisent ces critères ?

 

 

  1. La perception nous fournit des critères intuitifs

1.       La perception est notre rapport premier à la réalité

2.       Mais la perception ne fait peut-être que recouvrir le problème

3.       Il faut alors un concept de la réalité en accord avec la possibilité de notre expérience perceptive

  1. Les sciences nous fournissent des critères objectifs

1.       La connaissance est une condition indispensable pour avoir une conscience de notre rapport à la réalité

2.       Mais la connaissance scientifique recouvre le problème fondamental de notre rapport à la réalité plus qu'il ne le résout

3.       Par là apparaît le nœud du problème : la crise sceptique

 

  1. La pratique nous fournit des critères concrets

1.       Cette crise est éludée plus résolue par la vie et la sphère de l'affectivité : toutes deux posent une réalité mais dont on n'a plus de critère

2.       On peut néanmoins donner un sens au rôle de la vie, qui permette de retrouver un domaine apte à nous fournir des critères

3.       La pratique peut servir de critère pour dissocier représentation de la réalité et représentation produite par la réalité

 

« 1) il n'y a pas a priori de raison de penser que les qualités primaires ne relèvent pas d'une idiosyncrasie non plus individuelle, certes, mais propre à l'espèce humaine, et que rien ne corresponde réellement à nos idéesd'étendue ou de mobilité, 2) plus fondamentalement, il n'est pas même garanti que les qualités primaires soient totalement indépendantes des qualités secondaires, surtout si on ne les connait que par abstraction à partir despremières. L'intérêt de ces objections est de montrer qu'il ne suffit pas de renoncer aux termes « qualités primaires » et« qualités secondaires » pour parvenir à un critère de réalité dans la perception.

Ainsi, l'attitude de Kant consiste àrefuser de poser le problème d'une ressemblance entre certaines qualités par rapport aux choses dont ellesémaneraient, au profit de la conformité de l'intuition aux formes a priori de la sensibilité, et de la conformité duconcept aux catégories de l'entendement, double conformité qui permet alors de dire qu'un objet est à la fois penséet donné dans la représentation qu'on en a.

Cette double conformité comme critère de réalité est un critèreutilisable, qui nous permet efficacement de savoir si nous avons bien affaire à la réalité, car ces deux conformitéssont en nous, et non dépendantes d'un rapport avec quelconque extériorité qui demeure par définition inaccessible.C'est ce qui lui permet de qualifier sa démarche à la fois d'idéalisme transcendantal et de réalisme empirique pourmettre en avant le fait que seule la démarche critique permet de conserver l'idée d'une réalité dont le sujet soit àmême de donner des signes indiscutables : « L'idéaliste transcendantal est un réaliste empirique, et il accorde à lamatière, en tant que phénomène, une réalité qui n'a pas besoin d'être déduite, mais qui est au contraireimmédiatement perçue.

Par opposition, le réaliste transcendantal tombe nécessairement dans l'embarras et se voitcontraint de ménager une place à l'idéalisme empirique, parce qu'il regarde les objets des sens extérieurs pourquelque chose de distinct des sens eux-mêmes et considère de simples phénomènes comme des êtres indépendantsqui se trouve en dehors de nous » ( Critique de la raison pure , Critique du quatrième paralogisme de la psychologie transcendantale).

On voit par là que ce qui change par rapport à Locke n'est pas tant le contenu du critère, maisson statut.

Mobilité et étendue se rapportent bien au fait pour un objet d'être saisi dans le temps (forme du sensinterne) et dans l'espace (forme du sens externe), simplement Kant refuse d'y voir des conditions de possibilité del'objet lui-même à partir desquelles on en infèrerait une ressemblance de l'objet avec une partie de sa perception,mais il y voit des conditions de possibilité de la représentation du même objet, ce qui à nouveau met de côté leproblème de la ressemblance.

Car ce qui se joue dans ce changement de statut du critère c'est la significationmême de ce qu'est une réalité : extériorité pour Locke, expérience possible pour Kant.

Transition : ces critères peuvent-ils résister au risque de n'être que subjectifs ? L'exemple de Kant suggère qu'ils nele peuvent pas, du moins à eux seuls, dans la mesure où du simple point de vue de la perception, il disent moins dela réalité des objets que du pouvoir de représentation du sujet.

Les sciences nous fournissent des critères objectifs II.

1.

La connaissance est une condition indispensable pour avoir une conscience de notre rapport à la réalité Cette déficience peut se comprendre par le contraste avec un critère souvent avancé pour discriminerla réalité, celui de permanence, critère qui implique d'emblée de dépasser la perception et son caractère progressif,pour viser la saisie d'une nécessité, ce qui constitue par là même une connaissance.

C'est bien cette problématiquede la connaissance de l'objet qui, en creux, poussait Locke et Kant à chercher des conditions de possibilités, soitdans l'objet, soit dans le sujet, mais qui quelles que soient leur statut, contiennent une nécessité.

C'est la saisied'une essence stable et immuable qui peut seule nous faire savoir que nous sommes en rapport avec une réalitévéritable, et non une simple apparence toujours fluctuante, ainsi Platon fait-il la différence entre la connaissance etl'opinion par analogie avec la veille et le rêve : « Celui par conséquent qui reconnaît l'existence de belles choses,mais qui ne reconnaît pas l'existence de la beauté elle-même et qui ne se montre pas capable de suivre, si quelqu'unle guide vers la connaissance de la beauté, celui-là, à ton avis, vit-il en songe ou éveillé ? Examine ce point.

Rêvern'est-ce pas la chose suivante : que ce soit dans l'état de sommeil ou éveillé, croire que ce qui est semblable àquelque chose ne lui est pas semblable, mais constitue la chose même à quoi cela ressemble ? - Pour ma part, dit-il,je dirais en effet que rêver c'est bien cela.

- Mais alors, pour prendre le cas contraire, celui qui pense que le beauen soi est quelque chose de réel et qui est capable d'apercevoir aussi bien le beau lui-même que les êtres qui enparticipent, sans croire que les êtres qui en participent soient le beau lui-même, ni que le beau lui-même soit leschoses qui participent de lui, à ton avis, celui-là vit-il aussi à l'état de veille ou vit-il en songe ? - A l'état de veille,dit-il, bien sûr.

» ( République , V, 476c-d) Le critère de permanence qui fait la différence entre la réalité et l'apparence, et du coup entre la connaissance et l'opinion, est ici intimement lié aux deux autres critères d'identité(le beau en soi est ce qui est toujours beau car les Idées sont immuables) et d'univocité (le beau en soi est beau,et rien d'autre).

Ainsi, nous savons quand nous avons affaire à la réalité quand nous mesurons dans les choses del'identité et de l'univocité.

2.

Mais la connaissance scientifique recouvre le problème fondamental de notre rapport à la réalité plus qu'il ne le résout Ces deux critères semblent avoir partie liée non seulement avec la connaissance en général mais plusencore avec la connaissance scientifique en tant que celle-ci énonce des lois qui expriment des régularités dansl'ordre des phénomènes, régularités doublement caractérisées par leur universalité (elles doivent valoir en tout lieuet en tout temps) et par leur nécessité (les phénomènes qu'elles relient ne peuvent avoir lieu les uns sans lesautres).

On pourrait alors penser que la certitude d'avoir affaire à la réalité culmine dans la connaissance. »

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