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Ce qui vaut pour l'animal, vaut-il pour l'homme ?

Publié le 27/02/2008

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Mettre homme et animal sur un même plan de réflexion, prête immédiatement à un brûlant questionnement. Tout d'abord, on parle aisément de l'animal qui sommeille en l'homme, de l'animal comme une étape qu'aurait dépasser l'homme, mais vers laquelle il risquerait parfois, par le biais d'un comportement que l'on juge sommaire, ou même horrible, de régresser. « Tu es bête »; « Cesse de faire l'âne »... Les comportements jugés indignes de la part d'un homme sont stigmatisés par toute une zoologie, faisant toujours de l'animal l'ébauche de l'homme, l'obscurité qui sommeille en lui. A la source de ce qui, après tout, ne peut pas être un prétention démesurée, figure une faculté que l'homme seul possède en propre (si l'on fait exception de son créateur, si l'hypothèse est posée que créateur il y a), et qui fait justement de lui, plus qu'un animal: le logos. Il faut voir dans ce trait caractéristique de l'homme signé par ce mot grec, quelque chose qui est en vérité biface. Le logos en premier lieu c'est la raison, cette faculté d'abstraction qui permet à l'homme de s'émanciper, de transcender le simple cours empirique du besoin, toile dans laquelle l'animal tourne sans cesse en rond. Oui, l'homme a quitté les grands cycles de la nature: il n'est plus tributaire des saisons pour se nourrir, pour se sentir protégé, ou plus simplement encore, pour s'accoupler. Or, ce dépassement de la nature qui aboutit précisément dans cet espace où baigne l'homme et qui est la culture, il le doit en première instance et précisément à cette raison. Cette dernière ouvre une dimension temporelle supplémentaire à l'homme, à savoir l'avenir vers lequel il se projette dans cesse, là où l'animal vit immergé dans l'instant présent (« attaché au piquet de l'instant » nous dit Nietzsche dans ses Considérations Intempestives sur l'utilité des études historiques pour la vie). L'homme travaille lorsque ses besoins sont pourtant épuisés grâce à cette raison qui le pousse à prévoir pour lui, mais aussi pour les autres. Il pense, se livre à des activités théorétiques et contemplatives où il stoppe ses tâches besogneuses pour s'interroger sur sa place au sein d'un univers qu'il constitue en cosmos, en tout organisé, un univers qu'il comprend et dont il prévoit le déroulement. Dans cette continuité, sa stature bipède libère sa main qui se saisit d'outils visant progressivement à remodeler son environnement, à le mettre à disposition, pour faciliter son existence. Le logos, cette raison dont nous portons très tôt le signe distinctif: le langage, car c'est encore et aussi cela le logos. L'homme parle parce qu'il pense et pense parce qu'il parle également. Le langage révèle sa pensée et lui ouvre simultanément d'autres horizons de pensée. Comment alors, ce qui vaut pour l'homme de par ce trait distinctif qui lui apporte tous les lauriers à l'intérieur du règne animal, pourrait être mis en rapport avec ce que l'on accorde tout juste à l'animal? Comment mettre sur un même plan privilège logique et tare animale? Dignité rationnelle et bestialité archaïque et sans histoire?

« II. Dans La légende du grand inquisiteur , Dostoïevski propose un dialogue entre un haut dignitaire de l'inquisition et Jésus en personne.

Cependant, le dialogue tourne vite à un monologue où le grand inquisiteur s'en prendouvertement à Jésus.

Il énonce alors la chose suivante à propos des hommes: « Aucune science ne leur donnera du pain aussi longtemps qu'ils resteront libres et ils finiront par déposer leur liberté à nos pieds pour nous dire: 'Soumettez-nous à votre joug, mais nourrissez-nous'.

Ils comprendront enfin que la liberté et le pain terrestre (les biens matériels, NDD) pour tout le monde sont incompatibles, car jamais, jamais ils ne sauront se répartir le pain entre eux ».

Ceci poursuit la cohérence d'un homme qui serait loup pour ses congénères: laisser l'homme libre, c'est le laisser sauvage, c'est le laisser incapable de vivre avec l'autre.

Refuser cela, c'est se faire responsable de saperte, c'est s'étonner de cet instant dont nous parle le grand inquisiteur, où les hommes finissent par préférer laservitude du moment qu'ils peuvent jouir de leur bien en toute quiétude.

Refuser l'animal en l'homme, c'est incitercet instant à apparaître, cet instant où l'homme refuse le poids de sa liberté. L'homme ne vaut guère mieux que l'animal.

Cette raison dont il s'enorgueillit, ce langage, en somme cette partiedivine en lui qu'est le logos est d'ailleurs un trait distinctif très discutable.

Si l'homme fait de ce bagage la marque de son statut de créature privilégière, il risque d'être désavoué par une compilation de découvertes récentes enéthologie.

L'animal pense, l'animal peut parler, l'animal manipule l'outil.

Lorsque l'animal n'est plus ce que l'on pensede lui, l'homme se dissout dans sa spécificité: il devient son égal, ou du moins, son proche cousin. Le rat jeté dans un labyrinthe de tuyaux n'est pas « immergé dans l'instant »: si cela était le cas, il avancerait àtaton, cherchant au hasard de son avancée, un échappatoire, ou un point de nourriture.

Or, ce n'est jamais ce quise passe réellement: une fois à l'intérieur, le rat garde une posture immobile un instant durant lequel il évaluel'endroit et s'en fait une représentation.

Puis, il va directement au point qu'il a projeté.

De même, on sait quecertains mammifères marins (chant des baleines, signature vocale du dauphin) et oiseaux, ont des productionscomposées d'une grande variété d'expressions acoustiquement variables adaptés à un environnement social enlaissant apparaître l'existence d'un feed-back auditif.

On a ainsi repérer, autant dans le chant de la baleine que danscelui de la mésange, une syntaxe élaborée et complexe, des unités agencées de manières diverses et combinéesselon certaines structures qui peuvent être rapprochées du langage humain.

Enfin, il existe une liste incroyablementlongue de l'ensemble des outils qu'utilisent les chimpanzés, du casse noix, ou du parapluie et éponge en matièrevégétale, jusqu'aux méta-outils (outils servant à fabriquer des outils comme une enclume) en passant par la brindillede pêche pour les dômes de termites.

Ce qui vaut pour l'animal vaut pour l'homme précisément du fait que ce quivaut pour l'homme vaut pour l'animal.

La frontière toute tracée s'efface progressivement, ou du moins devient assezfloue pour qu'un passage de l'un à l'autre soit possible. Morale du crépuscule III. L'éthologie confirme au fond une intuition darwinienne, celle du crépuscule de l'homme.

On parle de crépuscule dufait même que les lignes de démarcation deviennent difficile à distinguer, les traits distinctifs perdent leur clarté,baignent dans l'étrange instant du crépuscule.

Il devient difficile de penser l'homme contre les animaux, la culturecontre la nature.

Mais il faut bien saisir ce que ce changement présente de véritablement neuf.

En réhabilitantl'animal, on réhabilité l'homme tout à la fois.

Si une part de lui est animal, cet part animal comme nous l'avons vun'est jamais loin de celle de l'homme.

Et c'est cela qui nous tient à distance des propos du grand inquisiteurconcernant l'homme et sa liberté.

Ce qui a toujours inquiété les ennemis farouches du principe de continuité entrehomme et animal, c'est le risque de perdre la dignité humaine.

Mais il faut poser le problème en d'autres termes. L'homme n'est pas un chimpanzé, bien sûr, et il ne peut être assimilé à lui, mais de même que le zèbre ne peut êtreassimilé à un lion.

Les différences inter-spécifiques peuvent être conservées tout en acceptant une forme decontinuité.

Le jour se fond dans la nuit, bien que la nuit ne soit précisément pas le jour.

La morale est un enjeuproprement humain, si bien qu'on accordera pas à un animal les droits qu'on accorde à un homme.

En ce sens, cequi vaut pour l'animal ne vaut pas pour l'homme.

Et il n'y a aucune contradiction si on part du fait qu'une moraleparticulière existe pour l'homme à partir du moment où seul lui pose la question morale dans une telle complexité.

Iln'y a pas de droit des animaux, à partir du moment il n'y a pas non plus de devoir au sens fort du mot.

Certes, lesanimaux (domestiques) se voient imposés des contraintes, mais ils ne s'y appliquent pas de manière autonome: ilsles suivent que parce qu'il faut les suivre, et que la menace persiste à l'autre bout d'une potentielle transgression. Malgré le principe de continuité, ce qui vaut pour l'homme est incommensurable avec ce qui vaut pour l'animal etinversement.

Ce que l'on n'accorde pas à l'animal, ce plus, c'est la base irréductible à partir de laquelle s'élance ledroit et la morale de l'homme.

Que l'animal soit capable de bien des choses dont on ne le soupçonné pas fait de lui,non pas quelque chose d'inférieur à la condition humaine, mais quelque chose « d'autre » avec ses débats et sesimpératifs propres.

Les découvertes de l'éthologie ne nous poussent pas à mettre l'homme sur le même plan quel'animal mais radicalise bien au contraire leur différence tout en éradiquant une longue série de préjugés lesconcernant. Conclusion Ce qui vaut pour l'animal a été fortement révolutionné par les trente dernières années de découvertes éthologiques.L'animal n'est plus l'obscurité de l'homme, l'ébauche mal finie, l'éternel homme incomplet.

Il est radicalement autre,et de ce fait, il pose question concernant et ce qu'il est et le comportement que l'on doit adopter le concernant.

Ils'agit d'inventer aujourd'hui d'autres critères de distinctions que les critères classiques et usés, ou tout du moins deles renforcer d'une manière différente et informée.

L'animal n'est pas une machine, bien que pour autant, ce qui vaut. »

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