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"Bon Goût et Mauvais Goût"

Publié le 22/02/2012

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« Tous les goûts sont dans la nature », dit le proverbe populaire. Depuis l'Antiquité et, plus récemment, les débuts de la philosophie de l'art au début du XVIIIème siècle, des centaines de débats ont lieu, et des centaines d'auteurs ont écrit sur la question tant de fois rebattue du « beau » et, la deuxième notion étant parallèle, de la diversité des « goûts ». Cette question est en effet parallèle car elle se pose naturellement juste après la question du « beau ». Il est tout à fait fréquent de voir, quand deux personnes parlent d'une même chose dans les termes qui sont ceux utilisés (notamment par l'esthétique, mais aussi dans le langage de tous les jours) pour désigner l'aspect extérieur (qui peut être soit agréable, soit désagréable) de choses diverses (qui peuvent aller d'un vulgaire rocher à une peinture, en passant par une personne), qu'elles peuvent ne pas avoir la même conception de ce qu'est le « beau ». Il est en effet très régulier de sortir d'une salle de cinéma avec plusieurs ami(e)s et, lors de la discussion qui s'en suit sur le film vu, de s'apercevoir que le film a plu à certains et pas à d'autres. S'en suivent alors des apostrophes enflammées où les différents protagonistes tentent de montrer que leur point de vue est plus « vrai » que celui de ceux qui disent l'inverse. Ce genre de conversation, si elle ne débouche pas sur un débat enrichissant pour tous, finit souvent par cette phrase définitive et lourde de conséquences philosophiques : « de toute façon, tu n'as pas de goût. » Cette phrase, pourtant anodine, est le départ d'un très long débat (qui a commencé avec l'esthétique au XVIIIème siècle et qui continue encore jusqu'à nos jours) qui tourne autour de la problématique suivante : « Peut-on parler de bon goût ? Est-ce que cela a un sens ? », ou, sous une autre formulation : « Peut-on dire d'un goût qu'il est vrai ou universel ? » C'est aussi ces questionnements qui serviront de support à cette dissertation, dont le but ne sera pas de présenter une nouvelle vision et une nouvelle réponse à cette question complexe, mais simplement de rappeler brièvement mais efficacement les différents points de vue historiques qui se sont opposés. Nous commencerons donc cette dissertation par l'exposition des arguments en faveur d'une théorie que l'on peut qualifier d'"universaliste", expliquant que les goûts sont tous du même ordre et qu'ils est possible de dire objectivement qu'il en existe des meilleurs et des moins bons. Nous verrons ensuite, dans la seconde partie de cette dissertation, les arguments plaidant pour une théorie que l'on pourrait dire "relativiste", expliquant que tous les goûts sont d'ordre subjectif et que, par conséquent, tous se valent et qu'il est impossible de prendre position, outre qu'en son nom propre, pour un goût plutôt que pour un autre.

« sentiment nous provenant de l'œuvre car il n'existe aucune relation universelle de l'œuvre à la personne l'observant,cette relation est uniquement personnelle.

L'unique critère transcendant, le régulateur, c'est l'expérience : « Lefondement de ces règles est le même que celui de toutes les sciences pratiques : l'expérience ; et elles ne sont pasautre chose que des observations générales concernant ce qui a plu universellement dans tous les pays et à toutesles époques »4.

Pour Hume, l'expert incarne et fonde, par la même occasion, la Norme (the Standard), grâce à sonraffinement et à son expérience.

Il ne se réfère à aucun moment à une norme extérieure, il est la Norme.

Ainsi setermine, après l'examen des deux théories où le jugement de goût est vu comme théoriquement et possiblementuniversel, la première partie de cette dissertation. Nous arrivons, comme prévu, dans la seconde et dernière partie de cette dissertation.

Nous exposerons ici l'idéeselon laquelle le goût est totalement subjectif et qu'il est donc impossible de prendre position en faveur d'unjugement de goût plutôt qu'en faveur d'un autre.

Cette théorie tient sur deux parties comme cela vient de l'êtreannoncé.

La première partie de cette théorie explique que le goût (autrement dit, les propriétés esthétiques) esttotalement subjectif.

Cette partie est un point de vue partagé par beaucoup de philosophes, et de théoriciensayant écrit sur l'esthétique et le goût.

Quand Hume, Kant ou Hutcheson partent d'un goût subjectif pour atteindreun goût universel ou, du moins, universalisable (nous avons vu cela dans la première partie), peu sont ceux quiacceptent d'aller jusqu'au bout pour atteindre le relativisme absolu en termes de goût, ceux qui affirment sans cillerl'absolue relativité des goûts esthétiques.

Pour eux (les subjectivistes), le jugement esthétique est simplementl'expression d'un état mental spécifique.

Il ne peut donc être lié à aucune sorte d'argumentation théorique.

Lephilosophe français Gérard Genette partagerait ce point de vue.

Dans une interview accordée au quotidienL'Humanité, Genette affirmait : « Il n'y a pas de sens esthétique commun à l'humanité tout entière » puis, à laquestion « Tout est donc relatif ? », répondait : « En matière de goût uniquement […] Je ne suis subjectiviste quepour les jugements esthétiques.

[…] Personnellement, je ne mets pas le Petit Vin au même niveau que la Fugue deBeethoven, mais à celui qui me dirait le contraire, je n'ai aucun argument rationnel à opposer ».

Cette interviewnous donne la confirmation du subjectivisme de Genette, mais ne nous l'explique pas.

Dans le second tome del'Oeuvre de l'art, intitulé La relation esthétique, il développe cette analyse de l'appréciation esthétique purementsubjectiviste.

Il ouvre son exposé par l'examen de la célèbre anecdote que Hume tire de Don Quichotte dans l'essaiDe la norme du goût.

Sancho, fidèle écuyer du Quichotte, raconte l'exploit de deux parents à lui qui furent invitéspour juger d'un vin.

L'un affirma un goût de cuir, et l'autre un goût de fer.

On vida le tonneau et on trouva une clefattachée à une nacelle de cuir.

Alors que Hume explique qu'il s'agit ici d'une erreur d'appréciation relative auxpropriétés du vin et supposée en détériorer la qualité, Genette écrit : « cet argument suppose déjà établie la liaisontoujours difficile du fait à la valeur que Hume, précisément, voudrait en déduire : car il reste, en tout état de cause,à démontrer que le léger goût de fer ou de cuir soit de nature à détériorer (ou à améliorer) celui du vin »5.

Or, cegoût ne déplaira pas forcément à tous ceux qui vont goûter ce vin.

Le diagnostiquer, ce n'est pas donner uneappréciation (selon laquelle le vin est presque bon), mais simplement un diagnostic, objectif, des propriétés du vintel qu'il existe.

Et l'un ne mène pas à l'autre.

Le fait qu'on ait trouvé la clef au fond du tonneau montre uniquementla délicatesse du goût (le sens) des parents de Sancho, aucunement la justesse de leur appréciation.

En effet, pourGenette, il n'y a aucune norme de goût, et il est absurde, comme le dirait Hume, d'en référer à des experts.

Lesparents de Sancho ne justifient pas réellement la qualité du vin.

Le goût n'est qu'une question de préférencepersonnelle, et rien, aucune norme, règle ou juge, ne peut le déterminer.

Par ailleurs, Genette admet que lesnormes, règles ou juges peuvent influencer, mais cela reste contingent.

En définitive, l'appréciation et le goût sontaffaires de chacun.

Ainsi se termine la seconde partie de cette dissertation, où nous avons vu la théorie relativisteaffirmant que, étant donné que les propriétés esthétiques des objets sont uniquement des jugements personnels, lejugement de goût ne peut être lui aussi que strictement individuel, l'expression d'un état mental spécifique, daté etcorrespondant à un contexte précis. Durant cette dissertation, nous avons tenté de rappeler brièvement mais efficacement les différents points de vuehistoriques qui se sont opposés sur le thème problématique que l'on rappellera sous la forme d'une question : « Est-ilsensé de parler de bon ou de mauvais goût ? » Nous avons exposé dans un premier temps la théorie « universaliste» qui affirme la possibilité de juger les jugements de goût.

Cette théorie « universaliste » est, comme on l'a vu,divisé en deux parties : l'une expliquant le jugement esthétique possible via le fait que les propriétés esthétiquesappartiennent réellement aux objets ; l'autre affirmant cela possible grâce à l'expérience des experts qui incarnentet fondent une norme du goût.

Nous avons ensuite (et enfin) vu dans un second temps la théorie « relativiste »,incarnée ici par l'exemple de Gérard Genette.

Cette théorie explique l'impossibilité chronique de l'esthétique à fournirun jugement esthétique sur les objets de l'art.

Le cheminement théorique part du fait que les propriétés esthétiquessont dans les personnes qui les annoncent et que, dans la même logique, les jugements esthétiques sont aussi dansles personnes qui les annoncent.. »

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