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Blaise PASCAL: La vie est un songe

Publié le 02/04/2005

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pascal
Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu'il serait artisan. Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes poursuivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu'on passât tous les jours en diverses occupations, comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait le dormir, comme on appréhende le réveil quand on craint d'entrer dans de tels malheurs en effet. Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité. Mais parce que les songes sont tous différents, et qu'un même se diversifie, ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n'est pourtant pas si continue et égale qu'elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n'est rarement, comme quand on voyage ; et alors on dit : "Il me semble que je rêve" ; car la vie est un songe un peu moins inconstant. Blaise PASCAL

Dans fragment 803 de ses Pensées en édition Lafuma, Pascal opère un rapprochement entre les rêves et la veille afin de montrer qu’ils ne se différencient que par degrés et non par nature. Le sommeil et la veille sont en effet souvent indiscernables si bien que la vie peut être définie comme un songe.  Le problème du texte est :  en quel sens peut-on dire que la vie est un songe ? Sommes-nous jamais certains que nous ne rêvons pas en croyant vivre ?  Sa thèse consiste à montrer que si nos rêves étaient plus constants, ils seraient complètement indistincts de la vie telle que nous la percevons. Pour comprendre son enjeu global dans la pensée de Pascal, il faut se référer au fragment 131 qui démontre la nécessité de la foi : « personne n’a d’assurance, hors de la foi, s’il veille ou s’il dort «. Cette indiscernabilité relative de la veille et du sommeil se laisse diviser en trois moments : tout d’abord la thèse générale sous forme d’hypothèse  puis deux exemples l’un sur la réversibilité des conditions, l’autre montrant la quasi identité des maux entre le rêve et la réalité, et enfin la limite de la thèse qui explique la raison pour laquelle nous parvenons malgré à tout à discerner la vie et les songes.

 

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« identité des maux entre le rêve et la réalité, et enfin la limite de la thèse qui explique la raison pour laquelle nousparvenons malgré à tout à discerner la vie et les songes. I Une thèse hypothétique _ Pascal cherche à montrer que la veille ne se distingue pas aisément du sommeil.

La veille nous semble néanmoinsnous importer davantage que nos rêves dans la mesure où ces derniers d'une part ne tirent pas à conséquence, etparaissent comporter moins d'intensité.

La thèse implicité s'énoncerait de cette manière : les objets que nousvoyons à l'état de veille nous affectent davantage, (au double sens que nous venons d'énoncer) que ceux que nousappréhendons dans nos rêves.

Aussi pour répondre à l'objection de la différence évidente entre la veille et les rêves,Pascal avance son argument sous la forme d'une proposition conditionnelle ou hypothétique : « si nous rêvionstoutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours ». _ Ainsi Pascal concède l' objection de la différence d‘ « affection »entre les rêves et la veille , mais la minimise enmontrant qu'elle se réduit à une différence de degrés et non de nature.

En effet il suffirait d'ajouter une conditionpour que la chose qui s affecte dans nos rêves nous affecte avec une intensité identique que celle que nousressentons à l'état de veille.

Cette condition est l'uniformité de la chose dont on rêve : « si nous rêvions toutes lesnuits la même chose ».

L'uniformité de notre rêve deviendrait alors indiscernable de l'uniformité qui caractérise notreveille si bien qu'il ne serait plus possible de savoir avec certitude si nous vivons ou nous rêvons II Les exemples _ Cette thèse est démontrée par deux exemples insistant sur l'extrême ressemblance voire la quasi identité de laveille et des rêves qui serait produit par la condition de cette uniformité.

Le premier exemple montre à travers cetteindistinction du rêve et de la veille la réversibilité des conditions par rapport au bonheur.

A l'état de veille, l'artisann'est qu'artisan, et s'il rêve parfois qu'il est roi, il se réveille artisan .

Mais « si un artisan était sûr de rêver toutesles nuits douze heures durant qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi ».

L'uniformité du rêveoù l'artisan se prendrait pour un roi lui donnerait autant de réalité que son état d'artisan, et même le malheur quepeut lui faire rencontrer cette condition peu élevée serait effacé par le sentiment assuré de son état royal si bienque, si leur bonheur ne différait légèrement « presque », l'artisan et le roi pourraient à la limite être le mêmehomme ! On voit donc que les conditions s'équivalent et qu'aucune n'est finalement plus enviable qu'une autre : l'artisanrêve d'être roi, mais la condition qui lui semble la plus heureuse est elle-même fuie dans ses rêves par le roi.

En effetle bonheur de l'artisan n'égale pas celui du « roi qui rêverait toutes les nuits douze heures durant qu'il estartisan » ».

Ainsi on peut dire que le roi et l'artisan rêvant chacun d'échanger leur conditions, prouvent par lacontradictoire qu'aucun d'eux n'est vraiment heureux.

On peut se référer aux fragments sur le divertissement (136et 137 misère d'un roi sans divertissement » et au fragment 148 qui affirme l'impossibilité pour les hommes d'accéderau bonheur. _ De même que l'indistinction entre le rêve et la veille ( réversibilité des conditions) était obtenue par l‘uniformitéd'un rêve produisant un sentiment de bonheur illusoire, de même l'uniformité d'un cauchemar produirait l'indistinctionentre le rêve et la veille.

Mais ici cet exemple ajoute une nouveauté dans la stratégie argumentative de pascal.

Eneffet en plus de la condition d‘uniformité déjà énoncée« Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommespoursuivis par des ennemis et agités par ces fantômes pénibles », s'ajoute cette autre condition essentielle : le rêveest lui-même inspiré par une situation de veille.

En effet « et qu'on passât tous les jours en diverses occupationscomme quand on fait voyage on souffrirait presque autant que si cela était véritable ».

Ainsi en rapprochant lecauchemar de la situation pénible qu'est le voyage, pascal peut englober dans le cauchemar lui-même ce qui luisemblait irréductible, c'est-à-dire l'état de veille.

Si l'on peut rêver qu'on est à l'état de veille alors qu'en fait onrêve, rien ne semble plus distinguer la veille du rêve.

Par exemple dans notre rêve même, nous pourrions« appréhender le dormir comme on appréhender le réveil, quand on crainte entrer dans de tels malheurs en effet ».Ainsi reprend Pascal « il ferait à peu près les mêmes maux que dans la réalité ». III Limites de la thèse _ Mais alors si l'état de veille et les rêves sont si proches, pourquoi ne sont-ils pas absolument indiscernables ? Eneffet durant notre texte, pascal à plusieurs reprises écrit le terme « presque ».

Pourquoi la veille et le rêve seconfondent presque ? Il suffit d'enlever l'hypothèse conditionnelle sur laquelle repose toute l'argumentation depascal pour constater ce qui empêche une confusion absolue : la condition de la thèse était l'uniformité du rêve « lamême chose », aussi la raison pour laquelle ils ne se confondent pas est le manque d'uniformité du rêve par rapportà l'état de veille.

En effet « parce que les songes sont tous différents et que l'un même se diversifie ».

Ainsi lesrêves souffrent d'un double défaut d'uniformité : les rêves ne sont pas les mêmes tous les jours, et le même rêvedevient différent au cours d'une seule nuit.

Aussi ce défaut d'uniformité explique l'affection moindre par rapport àl'état de veille : « ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on voit en veillant ». _Cependant si l'état de veille diffèrent des rêve, il convient d'y insister : cette différence n'est que de degré et nonde nature si bien qu'elle reste problématique et laisse place à l'incertitude En effet, si l'état de veille change, ilchange dans la continuité, mais « moins brusquement » que le rêve : « la continuité qui n'est pourtant pas sicontinue et égale qu'elle ne change aussi ».

En ce sens l'état de veille est un état ou les changements sont à la foismoins brusques, et plus rares que dans l'état de rêve.

Ainsi il arrive souvent que l'état de veille rejoigne le rêve. »

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