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Bergson: la pensée demeure incommensurable avec le langage.

Publié le 18/04/2005

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bergson
Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l'âme. Nous jugeons du talent d'un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu'on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d'un mobile sans jamais combler l'espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage. Bergson
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« rapport à ce qui est « primitif ».

L'art (malgré tout toujours social) est bien un artifice qui mime la vie, maisqui laisse toujours échapper, quelle que soit la puissance du créateur, l'individualité première de la vie. 3) Et de lier le raisonnement fameux qui explique le paradoxe de Zénon au phénomène du langage (« demême que ») et de dénoncer dans l'un et l'autre cas une impuissance radicale (« sans jamais »).Il est toujours possible, géométriquement, d'intercaler davantage de points entre deux positions d'un mobile,d'accumuler, de manière romanesque, encore plus de détails.

Mais, dans l'un et l'autre cas, ce sera un échec(« nous échouons ») : on ne pourra jamais combler l'espace parcouru (et pourtant l'espace a bien étéparcouru !), on ne pourra traduire entièrement le vécu de l'âme.Tentative sans fin, indéfinie, qui échoue à exprimer, « à traduire » le vrai de la totalité, évoquée par deuxfois dans le texte.

D'une part dans la manière individuelle d'aimer (ou de haïr) qui reflétait la personnalité «tout entière », d'autre part dans l'entièreté de ce que ressent l'âme et qui s'oppose à « l'indéfiniment ».Critique classique de l'associationnisme (« nous associons des idées ») appliquée au langage qui atomise leréel en le découpant en mots, spatialement séparés les uns des autres, comme autant de points.L'accumulation quantitative n'y fait rien.

Ce n'est pas d'une maladresse dont parle Bergson mais d'uneimpuissance radicale, d'un défaut originel du langage (« par cela seul que nous parlons… »).D'où la thèse exposée ultimement mais qui commande tout le texte : « la pensée demeure incommensurableavec le langage.

» Quoiqu'on fasse (« demeure »), l'infini de la pensée et du vécu échappe au fini dérisoirede l'impuissante mesure.

BERGSON (Henri-Louis) .

Né et mort à Paris (1859-1941). Il fit ses études au lycée Condorcet et à l'École normale supérieure.

Il fut reçu à l'agrégation de philosophie en 1881.Il fut professeur de philosophie aux lycées d'Angers et de Clermont-Ferrand.

Docteur ès lettres en 1881, il enseignasuccessivement, à Paris, au collège Rollin, puis au lycée Henri IV, et, à partir de 1898, à l'École normale.

Titulaire,en 1900, de la chaire de philosophie grecque au Collège de France, puis de celle de philosophie moderne, il entra àl'Académie des Sciences morales et politiques en 1901, à l'Académie française en 1914, et reçut le Prix Nobel delittérature en 1927.

— La méthode philosophique de Bergson est l'intuition :« Nous appelons intuition la sympathiepar laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et par conséquentd'inexprimable.

» Les données immédiates de la conscience doivent être saisies dans leur vraie nature et non àtravers des notions que nous emprunterions à la connaissance de l'espace.

L'intuition pose les problèmes en termesde durée.

« Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent se poser enfonction du temps plutôt que de l'espace.» — Bergson distingue le temps véritable et psychologique du tempsmathématique, qui est sa traduction en espace.

L'être est altération et l'altération est substance.

La durée, c'est «la forme que prend la succession de nos états de conscience quand le moi se laisse vivre.» Entre les choses, il n'estque des différences de degré.

C'est seulement entre deux tendances qui traversent une chose, qu'il y a différencede nature.

La matière est ce qui ne change plus de nature ; mais elle est aussi durée.

Elle est le plus bas degré dela durée, elle est un « passé infiniment dilaté ».

Car la durée est une mémoire, elle prolonge le passé dans leprésent.

Le passé survit en soi ; il coexiste avec soi comme présent.

Le présent est le degré le plus contracté dupassé.

Le passé et le présent sont contemporains l'un de l'autre.

L'élan vital est la durée en tant que différence desoi avec soi, en tant qu'elle s'actualise, en tant qu'elle passe à l'acte.

La durée vraie est une création continue.

Lavie, de même que la conscience, est durée, mobilité, création continue, liberté.

— Bergson distingue deux sortes demémoire : « Le passé se survit sous deux formes distinctes : 1) Dans des mécanismes moteurs ; 2) Dans dessouvenirs indépendants...

En poussant jusqu'au bout cette distinction fondamentale, on pourrait se représenterdeux mémoires théoriquement indépendantes.» Il parle de mémoire-souvenir et de mémoire-contraction.

« Touteconscience est mémoire — conservation et accumulation du passé dans le présent.

» C'est en ce sens que leprésent est le degré le plus contracté du passé.

On peut rattacher à cette théorie la phrase célèbre du philosophe:« Comprendre, c'est savoir refaire.» — Bergson applique le principe de l'élan vital à la morale et à la religion.

« Lesgrands entraîneurs de l'humanité semblent bien s'être replacés dans la direction de l'élan vital.

» Il distingue lamorale close que la société impose aux individus, et la morale ouverte, qui est celle du héros.

Il distingue la formestatique de la religion, représentée par les dogmes et les rites, et sa forme dynamique représentée par ceux qui ontretrouvé l'élan créateur distinctif de la vie, c'est-à-dire par les saints et les mystiques, Saint François d'Assise ouPascal. Oeuvres principales : Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), Quid Aristoteles de loco senserit (1889), Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l'esprit (1897), Le Rire, essai sur la signification ducomique (1900), L'Evolution créatrice (1907), L'Energie spirituelle (1919), Durée et simultanéité (1922), Les deux. »

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