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Baruch SPINOZA: Il convient de ne jamais oublier le but poursuivi par l'état de société.

Publié le 11/04/2005

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Il convient de ne jamais oublier le but poursuivi par l'état de société. Ce but n'est autre que la paix et la sécurité de la vie. Le meilleur État, par conséquent, est celui où les hommes vivent dans la concorde, et où la législation nationale est protégée contre toute atteinte. En effet, il est certain que les séditions, les guerres, l'indifférence systématique ou les infractions effectives aux lois sont bien plus imputables aux défauts d'un État donné qu'à la méchanceté des hommes. Car les hommes ne naissent point membres de la société, mais s'éduquent à ce rôle ; d'autre part les sentiments humains naturels sont toujours les mêmes. Au cas donc où la méchanceté régnerait davantage et où le nombre des fautes commises serait plus considérable dans une certaine nation que dans une autre, une conclusion évidente ressortirait d'une telle suite d'événements : cette nation n'aurait pas pris de dispositions suffisantes en vue de la concorde, et sa législation n'aurait pas été instituée dans un esprit suffisant de sagesse ; par suite, la jouissance de son droit en tant que nation n'aurait pas été absolue. En effet, une forme d'état de société qui n'a pas éliminé les causes de séditions, et au sein de laquelle la guerre est toujours à craindre, tandis que les lois sont fréquemment enfreintes à l'intérieur, ne diffère pas beaucoup de l'état de nature. C'est-à-dire que chacun, y vivant à son gré, est en grand danger de perdre la vie. Baruch SPINOZA
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« comme « les lois mêmes ou règles de la Nature suivant lesquelles tout arrive, c'est-à-dire la puissance même de lanature » (Traité politique, I, § 4).

Dans un tel état de nature, il n'y a ni bien ni mal, on ne peut donc pas y parler defaute ou de péché.

Ces expressions n'ont en effet de sens que par rapport à des règles instituées.

L'homme n'estpas un « empire dans un empire » mais une partie de la nature, qu'il le veuille ou non.

Nous pouvons dès à présenttirer de notre texte une première conclusion, c'est que l'état de société qui ne satisfait pas à sa propre fin (procurerla paix et la sécurité de la vie), est tout à fait condamnable alors qu'il serait absurde d'émettre un tel jugement ence qui concerne l'état de nature où aucun critère n'existe.

La caractéristique de l'état de nature, c'est que chaqueindividu s'efforce d'une façon ou d'une autre de conserver son être, de persévérer dans son être (cf.

Éthique, III,propositions VI et VII).

Or, comme dans l'état de nature le droit de chacun est proportionnel à sa puissance, ceteffort fondamental de l'individu se trouve sans cesse compromis.

En d'autres termes, l'existence des individus estgrandement menacée.

C'est ce qui explique que Spinoza nous dise ici qu'un mauvais état de société (l'on voit àprésent pourquoi nous pouvons employer le qualificatif « mauvais ») laisse réapparaître ce danger.

Mais, notons-le,c'est précisément ce désir fondamental qu'a l'homme de se conserver en vie, ou, plus exactement, de persévérerdans son être qui provoque le passage de l'état de nature à l'état de société.

Cependant il se pose alors unequestion, notamment dans le texte que nous avons à commenter :ce passage de l'état de nature à l'état de société implique-t-il.

une coupure totale entre les deux ? Non, il y a bel etbien continuation de l'un dans l'autre.

« Je maintiens toujours le droit naturel » écrivait même Spinoza dans unelettre (no 50).

C'est dans cette continuation de l'état de nature dans l'état de société qu'il voyait la principaledifférence entre sa théorie politique et celle de son contemporain, Thomas Hobbes.Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.

Tâchons pour l'instant de comprendre le sens de cette continuation.Nous avons vu que les hommes, sils voulaient vivre en paix, avaient tout intérêt à s'accorder entre eux, à joindreleur force.

A l'état de nature l'homme n'a pratiquement aucune chance de s'épanouir.

Spinoza pense ici que lesscolastiques n'avaient pas tort quand ils définissaient l'homme comme « un animal sociable » (T.P., chap.

II) (1).Pour en "somme vivre en société les hommes vont donc conclure une sorte de pacte.

Par ce pacte, ils transfèrent ledroit qu'ils ont selon la nature d'agir à leur gré à une puissance supérieure : l'État.

Pour qu'il y ait État, « une seulechose, dit Spinoza, est nécessaire ; que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit àquelques-uns, soit à un seul » (T.T.P., chap.

XX).

Cela définit les trois types d'État qu'étudie Spinoza.

C'est à l'Étatdémocratique, nous le verrons, qu'il accorde sa préférence.

Pour bien saisir la portée du texte que nous commentonset afin de mieux comprendre sur quoi repose la continuation, de l'état de nature dans l'état de société, il faut voirque Spinoza s'appuie, se fonde, « sur la nécessité de la nature humaine de quelque façon qu'on la considère .

Jepars en effet, dit-il, de l'effort universel que font tous les hommes pour se conserver » (T.P., chap.

III).

Dans cetteperspective, l'État, qui est établi pour le bien de tous, doit aussi utiliser, à cette fin, les passions communes.

C'estque tous les hommes, tant s'en faut, ne sont pas guidés par la seule raison.

Les structures de l'État par exempledevront être telles que ceux qui sont chargés de les faire fonctionner ne puissent pas nuire à l'intérêt commun, quele motif qui les guide soit la raison ou 1 passion.

Il y a là chez Spinoza comme un réalisme politique qui 'toutefois, nel'oublions pas, est fondé philosophiquement par l'étude de cet « effort universel que font tous les hommes pour seconserver ».

Retenons donc que Spinoza ne nie pas l'état de nature.

Dans la mesure où il était essentiel pour lacompréhension de notre texte d'expliciter la distinction entre l'état de nature et l'état de société, écoutons encore,pour en finir avec cette question, ce que nous en dit Spinoza : « on ne peut en aucune façon concevoir que la règlede la Cité permette à chaque citoyen de vivre selon sa propre complexion : ce droit naturel par lequel chacun estjuge de lui-même, disparaît donc nécessairement dans l'état de société.

Je dis expressément la règle de la Cité, carle droit naturel de chacun, si nous pesons bien les choses, ne cesse pas d'exister dans l'état de société (1).L'homme en effet, aussi bien dans l'état de nature que dans l'état de société, agit selon les lois de sa nature etveille à ses intérêts, car dans chacun de ces deux états, c'est l'espérance ou la crainte qui le conduit à faire ou àne pas faire ceci ou cela ; et la principale différence entre les deux états est que, dans l'état de société, tous ontles mêmes craintes, et que la sécurité a pour tous les mêmes causes, de même que la règle de vie est commune, cequi ne supprime pas, tant s'en faut, la faculté de juger propre à chacun » (T.P., chap.

3).On comprend mieux à présent en quoi la fin dernière de l'état de société est la paix et la sécurité de la vie etpourquoi Spinoza peut dire que « le meilleur État, par conséquent, est celui où les hommes vivent dans la concorde».

Mais que recouvrent au juste pour lui ces termes de « paix », de « sécurité » (ce dernier terme étant rapporté àla notion de vie) et de « concorde » ? La paix est pour Spinoza non la « simple absence de guerre », mais quelquechose de positif.

Il est par exemple absurde à ses yeux de prétendre faire régner la paix par la terreur, car c'estalors en vérité simplement la guerre qui ne règne pas.

La paix véritable est en quelque sorte une vertu civique « quia son origine dans la force d'âme » (T.P., chap.

V).C'est un État établi par un peuple libre qui seul peut remplir au mieux sa fonction qui est de faire vivre les citoyens(les « membres de la société ») dans la concorde.

Au sein d'un tel État, les hommes « vivent d'une vie proprementhumaine » (T.P., chap.

V) c'est-à-dire qu'ils se différencient d'une vie simplement animale.

Quant à la « sécurité dela vie », il ne faut pas non plus la concevoir comme une absence de danger.

La sécurité de la vie ne s'obtient pasen se contentant d'éviter les risques et en « cherchant seulement à échapper à la mort ».

Elle ne s'acquiert que sil'on possède « le culte de la vie » (T.P., chap.

V).

Si le but de l'État est d'établir la concorde et d'assurer lasécurité, cette dernière ne prend tout son sens que par rapport à la liberté.

Seul un peuple libre peut avoir le «culte de la vie ».

L'État est institué, dit Spinoza, pour que l'homme « vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui son droit naturel d'exister et d'agir ...La fin del'État est donc en réalité la liberté » (T.

T.P., chap.

XX).Le meilleur État possible est donc celui qui élimine tout ce qui peut contrarier l'épanouissement de l'homme, tout cequi menace la liberté (les guerres à l'extérieur ou les troubles à l'intérieur par exemple).

Une telle éliminationn'implique pas, bien au contraire, la négation de l'état de nature.

C'est l'État démocratique qui, selon Spinoza, est lemieux armé pour permettre aux hommes de vivre dans la concorde.

L'État démocratique est « celui qui est le moinséloigné de la liberté que la Nature reconnaît à chacun.

Dans cet état en effet, nul ne transfère son droit naturel à. »

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