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Bakounine et l'Etat

Publié le 16/10/2009

Extrait du document

On répondra que l'État, représentant du salut public ou de l'intérêt commun de tous, ne retranche une partie de la liberté de chacun que pour lui en assurer tout le reste. Mais ce reste, c'est la sécurité, si vous voulez, ce n'est jamais la liberté. La liberté est indivisible : on ne peut en retrancher une partie sans la tuer tout entière. Cette petite partie que vous retranchez, c'est l'essence même de ma liberté, c'est le tout. Par un mouvement naturel, nécessaire et irrésistible, toute ma liberté se concentre précisément dans la partie, si petite qu'elle soit, que vous en retranchez. C'est l'histoire de la femme de Barbe-Bleue, qui eut tout un palais à sa disposition avec la liberté pleine et entière de pénétrer partout, de voir et de toucher tout, excepté une mauvaise petite chambre, que la volonté souveraine de son terrible mari lui avait défendu d'ouvrir sous peine de mort. Eh bien, se détournant de toutes les magnificences du palais, son âme se concentra tout entière sur cette mauvaise petite chambre ; elle l'ouvrit, et elle eut raison de l'ouvrir, car ce fut un acte nécessaire de sa liberté, tandis que la défense d'y entrer était une violation flagrante de cette même liberté. C'est encore l'histoire du péché d'Adam et d'Ève : la défense de goûter du Fruit de l'arbre de la science, sans autre raison que telle était la volonté du Seigneur, était de la part du Bon Dieu un acte d'affreux despotisme ; et si nos premiers parents avaient obéi, toute la race humaine resterait plongée dans le plus humiliant esclavage. Leur désobéissance au contraire nous a émancipés et sauvés. Ce fut, mythiquement parlant, le premier acte de l'humaine liberté. BAKOUNINE

Ce texte est extrait du troisième point (antithéologisme) qui relève d’une Proposition motivée au comité central de la ligue de la paix et de la liberté par Bakounine. Fidèle au mouvement anarchiste dont il est l’un des pères fondateurs, Bakounine entend produire ici une critique de l’Etat au non de la liberté de l’individu. La pierre centrale de l’édifice est l’individu face à l’Etat qui le phagocyte. Dans le premier point, Bakounine a évoqué le fédéralisme et dans le second le socialisme. Ainsi le premier point est une défense du « salutaire principe du Fédéralisme, — principe dont les derniers événements dans les États-Unis de l'Amérique du Nord nous ont donné d'ailleurs une démonstration triomphante «. Ce sera le modèle d’Etat qu’entend défendre la ligue. Le second point se fait l’apologie du socialisme : « La seconde question pour le peuple est celle de loisir après le travail, condition sine qua non de l'humanité ; mais pain et loisir ne peuvent jamais être pour lui obtenus que par une transformation radicale de l'organisation actuelle de la société, ce qui explique pourquoi la Révolution poussée par une conséquence logique de son propre principe, a donné naissance au socialisme «. Enfin le point qui nous intéresse cristallise sur une critique virulente de la religion : « Après avoir exposé nos idées sur le Fédéralisme et le Socialisme, nous croyons devoir, messieurs, vous entretenir d'une troisième question, que nous croyons indissolublement liée aux deux premières, c'est-à-dire sur la question religieuse «. Et c’est au cours de ce débat avec la religion et sa composition avec les institutions politiques que se pose la question du rapport de l’Etat et de la liberté. Ainsi l’Etat est-il un oppresseur et c’est bien ce que montre la première partie de ce texte (du début jusqu’à « Par un mouvement naturel, nécessaire et irrésistible, toute ma liberté se concentre précisément dans la partie, si petite qu'elle soit, que vous en retranchez «) et cette démonstration sera illustrée longuement par un exemple (de « C'est l'histoire de la femme de Barbe-Bleue « à « la défense d'y entrer était une violation flagrante de cette même liberté «) ce qui permet alors à Bakounine de redéfinir la liberté tout en retournant l’idée d’une chute originaire, donc d’une catastrophe pour l’humanité, en en faisant l’acte de naissance de la liberté humaine (de « C'est encore l'histoire du péché d'Adam et d'Ève « à la fin). C’est suivant ces trois moments logiques que nous entendons rendre compte du texte.

« l'autre et du poids de la société.

Dans ce cas ce que garantit l'Etat ce n'est pas la liberté de l'individu mais sasécurité.

Or de ce point de vue, dans la même que Bakounine , on pourrait dire que nous sommes en sécurité même et surtout en prison ; mais que la liberté n'existe plus.

Ainsi Bakounine refuse catégoriquement cette réduction de laliberté.

C'est pourquoi il définit la liberté comme une et indivisible.

Toute atteinte à la liberté la détruit.

On ne peutpas troquer une partie de sa liberté et en conserver une partie.

Il s'agit d'un contresens fondamental sur le conceptde liberté. c) En effet, il suffit de retrancher la moindre partie de la liberté pour que celle-ci s'efface.

C'est pour cela que laliberté est conduit par un mouvement « naturel, nécessaire et irrésistible ».

Le mouvement est donc intrinsèque etindépendant.

Il appartient à l'essence de l'homme en tant qu'il est naturel.

On ne peut aller contre lui sans ledétruire puisqu'il est irrésistible.

Enfin, il est nécessaire dans la mesure où la liberté ne peut connaître de liberté.

Elleest donc toujours-déjà ailleurs dans le monde.

Elle ne s'arrête pas.

Tout arrêt signe sa disparition.

C'est bien pourcela que l'essence de la liberté, c'est-à-dire ce qui est la raison d'être et le propre de la liberté, est d'être un tout.La solution alors apparaît de manière binaire : nous sommes libres ou nous ne le sommes pas. Transition : Ainsi la liberté est totale et totalisante.

Elle est ou elle n'est pas mais elle ne peut se satisfaire en aucun cas d'unaménagement, et c'est bien ce que montre l'exemple littéraire que Bakounine prend du conte de Barbe-bleue de Perrault . II – Barbe-bleue a) Barbe-bleue était un homme particulièrement riche mais laid à cause de sa barbe, cherchant femme, une cupidese marie avec lui ; sa barbe n'étant pas si bleue au final comme l'ironise Perrault .

La seule condition de ce mariage et du profit des richesses que pouvait faire la demoiselle était de ne pas ouvrir une seule pièce dans l'ensemble duchâteau.

Si l'ensemble de l'intrigue repose sur ce point et qu'il intéresse Bakounine c'est bien pour montrer quemême cette petite privation de la liberté malgré la liberté totale de circuler a fait disparaître pour cette femme saliberté en tant qu'elle était restreinte.

C'est donc par une acte de la volonté supérieure de son mari que sa libertéétait restreinte.

L'ouverture de cette porte sonne alors comme un défi à l'autorité et le recouvrement de sa liberté.Bakounine donne donc raison à cette demoiselle, un brin curieuse tout de même, au nom justement de cette liberté inaliénable. b) Mais plus exactement, il faut bien voir derrière l'utilisation de ce récit, non un simple exemple mais bien unemétaphore de l'homme en société vivant sous l'autorité souveraine de l'Etat.

En effet, les comparaisons peuvent sefaire trait pour trait.

L'Etat est ce mari qui par sa volonté en tant que législateur peut restreindre ma liberténaturelle au nom du bien-être de tous ou pour ma sécurité.

Il n'en demeure pas moins que je suis plus le maître demoi-même.

L'Etat est alors tutélaire et infantilisant.

L'individu est alors comparable à cette femme qui si elle peutnaviguer à souhait dans l'espace qu'on lui offre n'en demeure pas moins prisonnière puisque sa liberté est bornée.

Ortout frein à la liberté est une servitude.

L'espace public peut donc ressembler à cette prison dorée avec moultavantages.

Il n'en demeure pas moins que la liberté n'est pas là.

La conclusion s'impose alors : il faut se révolter afinde recouvrer sa liberté.

En ce sens, le rapport avec les Etats-Unis d'Amérique est plus que flagrante.

En effet, laguerre qu'ils ont menée était justement une guerre d'indépendance contre la tutelle de la couronne anglaise.

Ensomme, il faut abolir l'Etat tel qu'il existe afin de se voir à nouveau libre.

L'Etat est un instrument de servitude. Transition : Ainsi il faut en finir avec l'Etat ou du point en dépasser sa forme afin de recouvrer l'entière liberté qui était la nôtre.Mais bien plus qu'un nouvel exemple, cette dernière partie du texte est une attaque directe contre la religion etrenverse complètement la perspective du péché originel. III – La genèse de la liberté. »

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