Devoir de Philosophie

Bachelard et le dogmatisme scientifique

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

bachelard
Il semble que le savoir scientifique acquis soit toujours essayé, toujours contrôlé, toujours critiqué. Un peu de cloute potentiel reste toujours en réserve dans les notions scientifiques [...], On ne l'élimine pas par une expérience réussie. Il pourra renaître, s'actualiser quand une autre expérience est rencontrée. Et, précisément, à la différence de la connaissance commune, la connaissance scientifique est faite de la rencontre d'expériences nouvelles ; elle prend son dynamisme de la provocation d'expériences qui débordent le champ d'expériences anciennes. On n'est donc jamais sûr que ce qui fut fondamental le restera. Le dogmatisme scientifique est un dogmatisme qui s'émousse. Il peut trancher un débat actuel et cependant être un embarras quand l'expérience enjoint de « remettre en question » une notion. Tout savoir scientifique est ainsi soumis à une autocritique. On ne s'instruit, dans le sciences modernes, qu'en critiquant sans cesse son propre savoir. Bachelard

■  Analyse du sujet

-   Cet extrait résume des idées classiques chez Bachelard ; mais il convient, pour le traiter correctement, d'être un peu au courant de ses travaux en épistémologie...

-     Quelle conception de la vérité scientifique est ici en jeu ?

-     Peut-on généraliser au-delà de la science la pratique de l'autocritique ?

 

■  Pièges à éviter

-     Être au courant des travaux de Bachelard ne signifie pas qu'il s'agirait de les réciter : sélectionnez ce qui est utile pour le commentaire

-     Ne pas confondre l'expérience commune et l'expérience scientifique (cf. la quatrième phrase)

-     Ne pas profiter de cet extrait pour affirmer que la vérité scientifique ne vaut rien, qu'on ne peut jamais lui faire confiance, et autres considérations favorisant les pseudo-sciences.

 

bachelard

« différente de la science : non plus le temps de chaque raisonnement expérimental — qui peut en effet se conclurepar l'acquisition d'une vérité —, mais le temps plus long de la succession des démarches expérimentales, au coursduquel des expériences nouvelles seront nécessairement mises au point.

Par rapport à un tel parcours, il devientlégitime d'affirmer qu'aucune « expérience réussie » ne peut venir à bout du « doute potentiel » : ce qu'elle élimine— et c'est déjà bien —, c'est, à court terme, le caractère hypothétique de l'« explication anticipée ».

Mais, à pluslong terme, aucune expérience ne peut en effet garantir l'impossibilité de découvrir ultérieurement un nouveauphénomène problématique,A]ui contraindra à reprendre le travail.D'où l'opposition, signalée au passage, entre « connaissance commune » et connaissance scientifique.

Si laseconde doit son dynamisme (c'est-à-dire sa capacité à se transformer, à devenir autre que ce qu'elle était) à larencontre d'expériences nouvelles, c'est d'abord parce que la possibilité de ces expériences nouvelles est en quelquesorte prévue, inscrite dans sa démarche même.Au contraire, la connaissance commune privilégie les expériences « anciennes », celles auxquelles elle est habituéeet qui la confirment dans ce qu'elle « sait » déjà.

L'« expérience commune », par opposition à l'expériencescientifique, s'élabore sur la répétition, sur la reproduction de l'acquis ; elle est recherchée ou accueillie pour vérifierou confirmer ce que l'on savait déjà, non pour l'inquiéter.

Et, en effet, l'existence quotidienne préfère la routine à lanouveauté permanente : c'est pourquoi elle accueille passivement (sans questionnement actif) les donnéesempiriques, tandis que l'expérimentation scientifique implique, par définition, la saisie d'une question inédite. [III.

L'absence de dogmatisme dans les sciences]Puisque la démarche de la science est inlassablement hantée par le « doute potentiel », aucune vérité ne peut yêtre admise comme fondamentale » ou définitive.

Toute vérité d'abord acceptée comme « absolue » risque en effetde faire ultérieurement figure de vérité simplement partielle ou « locale » — à la façon dont la mécanique deNewton, d'abord admise, après son élaboration, comme formulant des lois absolues ou universelles au sens le plusfort, est apparue, depuis qu'existe celle d'Einstein, comme n'ayant de portée et de validité qu'à l'échelle de notreperception quotidienne (cf.

Bachelard, La Philosophie du non). En conséquence, ce n'est que relativement à un état actuel, à un moment précis de son histoire, que ledogmatisme est momentanément possible dans une science.

Si l'on nomme « dogmatisme » la certitude de posséderdes vérités absolues, il apparaît immédiatement qu'une telle attitude est incompatible avec les transformationshistoriques du savoir scientifique.

Un dogmatisme scientifique doit dès lors n'être, si l'on peut dire, que « relatif », etBachelard confirme qu'il est précisément condamné à « s'émousser », c'est-à-dire à perdre sa certitude.Au-delà d'un contexte historique donné, il risque en effet d'être confronté à des données expérimentalesnouvelles, qui le contestent et entraînent nécessairement son abandon.

L'efficacité du « doute potentiel » est donctelle qu'elle interdit de considérer comme « éternelle » ou transhistorique une loi, même si celle-ci paraît — et parfoisdurablement — établie de telle façon que nul ne songerait à entreprendre de la perfectionner.Ainsi comprise, la démarche de la science a sans doute une valeur qui excède la science elle-même : si la forme laplus rigoureuse de la connaissance est capable de se montrer toujours prête à l'autocritique, on doit admettre queles formes moins rigoureuses de la pensée devraient en faire au moins; autant ! Un tel refus du dogmatisme désigne,dans la science elle-même, le « scientisme » comme n'étant qu'une idéologie qui ignore la démarche de ce qu'ilprétend exalter ; au-delà de la science, il permettrait sans doute d'échapper à certains fanatismes.

A ceci près,toutefois, que ces derniers naissent dans des domaines où la relation présumée à la vérité que l'on détient estexactement le contraire de celle que Bachelard repère dans la science... [Conclusion]En décrivant la science et son autocritique, Bachelard fournit le modèle de ce que pourrait être une hygiène del'esprit : que celui-ci se montre toujours apte à contester ses acquis.

Il n'est pourtant pas certain que cetteautocritique puisse être généralisée : un savoir-faire acquis, devenu habituel, se répète sans changement, et il peuten aller semblablement dans des secteurs plus abstraits — car l'esprit se complaît aussi dans des situations qui lerassurent.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles