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Arthur SCHOPENHAUER: L'histoire est pour l'espèce humaine ce que la raison est pour l'individu

Publié le 30/03/2005

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schopenhauer
L'histoire est pour l'espèce humaine ce que la raison est pour l'individu. Grâce à sa raison, l'homme n'est pas renfermé comme l'animal dans les limites étroites du présent visible; il connaît encore le passé infiniment plus étendu, source du présent qui s'y rattache : c'est cette connaissance seule qui lui procure une intelligence plus nette du présent et lui permet même de formuler des inductions pour l'avenir'. L'animal, au contraire, dont la connaissance sans réflexion est bornée à l'intuition, et par suite au présent, erre parmi les hommes, même une fois apprivoisé, ignorant, engourdi, stupide, désarmé et esclave. De même, un peuple qui ne connaît pas sa propre histoire est borné au présent de la génération actuelle: il ne comprend ni sa nature, ni sa propre existence, dans l'impossibilité où il est de les rapporter à un passé qui les explique; il peut moins encore anticiper sur l'avenir. Seule l'histoire donne à un peuple une entière conscience de lui-même. L'histoire peut donc être regardée comme la conscience raisonnée de l'espèce humaine; elle est à l'humanité ce qu'est à l'individu la conscience soutenue par la raison, réfléchie et cohérente, dont le manque condamne l'animal à rester enfermé dans le champ étroit du présent intuitif. Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

Dans ce texte, Schopenhauer montre ce que la connaissance de son histoire apporte à un peuple. Selon lui, elle est à l'espèce humaine ce que la conscience et la raison sont à un individu. Ce passage peut être divisé en quatre mouvements. Il s'ouvre tout d'abord sur une comparaison entre l'histoire et la raison humaine. Cette thèse est ensuite appuyée par deux illustrations: le cas de l'animal sans raison et celui d'un peuple privé de la connaissance de son histoire. L'auteur conclut enfin sur le rôle décisif de l'histoire pour l'humanité.  

schopenhauer

« entrave à l'action des peuples? N'est-il pas, dans certaines situations, indispensable de s'affranchir de l'histoire?Quel pourrait être pour un peuple le bon usage à faire de l'histoire? [I.

Qu'adviendrait-il d'un peuple privé de son histoire ?] Comment définir précisément ce qu'est un peuple? Ernest Renan dans son discours de 1882, Qu'est-ce qu'une nation?, s'est efforcé de répondre à cette question.

Après avoir écarté certaines hypothèses jugées insuffisantes pourdéfinir un peuple (la langue, le territoire, la religion...), Renan finit par répondre: un peuple se définit par un passérevendiqué en commun.

Être du même peuple, c'est avoir le sentiment d'avoir souffert ensemble.

Cela ne signifie pasque les hommes aient effectivement vécu tous la même chose, mais qu'ils reconnaissent dans ce passé la marquede leurs racines.

Un peuple, c'est d'abord une histoire revendiquée en commun.

Ainsi, un peuple sans histoireperdrait-il bien autre chose qu'une somme de connaissances acquises, il perdrait tout ce qui fait son identité.

De lamême manière qu'on ne peut concevoir un individu sans passé, on ne peut concevoir un peuple sans histoire.La connaissance du passé apporte aux hommes, ainsi que l'a montré Schopenhauer dans son texte, une meilleureintelligibilité du présent.

Ce que nous avons sous les yeux, c'est-à-dire l'actualité d'une génération, ne prend trèssouvent toute sa signification que parce qu'elle est mise en relation avec des éléments du passé.

La connaissancede l'histoire [II.

Mais la connaissance du passé n'est-elle pas pour un peuple la source de quelques désavantages ?] L'écrivain Paul Valéry s'est montré très sévère à l'égard de l'histoire dans ses Regards sur le monde actuel: «L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.

Ses propriétés sont bien connues.

Ilfait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieillesplaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend lesnations amères, superbes, insupportables et vaines.

» L'histoire contient, en effet, tant d'exemples qu'elle peutpermettre de justifier absolument tout ce que l'on veut.

Les exemples ne manquent pas de cet usage négatif del'histoire: sitôt qu'un tyran veut fanatiser un peuple, il commence toujours par lui rappeler sa gloire passée et lesprétendus responsables de sa chute présente.

Les tyrans usent de l'histoire de la façon qui les arrange.D'ailleurs peut-on vraiment tirer du passé des leçons utiles pour le présent ? Hegel, dans La Raison dans l'histoire, endoutait fortement: « Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme unesituation si particulière, que c'est seulement en fonction de cette situation unique qu'il doit se décider.

» Le présent,en effet, n'est-il pas toujours inédit? En face de lui, les leçons du passé ne risquent-elles pas d'apparaître comme «un pâle souvenir [...] sans aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l'actualité »? Ainsi Hegel se moquait-il desréférences aux exemples grecs et romains que faisaient les Français pendant la Révolution.Pour pouvoir agir librement sur le présent, ne doit-on pas parfois s'affranchir du poids de l'histoire? Les peuplesfrançais et allemand auraient-ils pu dès le lendemain de le guerre construire les bases de ce qui allait devenir l'Unioneuropéenne s'ils étaient restés les prisonniers d'un passé fait de haine et de querelles ? Clore la porte du passé peutêtre un moyen de construire l'avenir. [III.

Quel bon usage un peuple peut-il faire de son histoire?] Il ne saurait être question de nier l'intérêt de la connaissance de l'histoire pour les peuples; c'est en elle qu'ilspuisent leur identité.

Mais il convient que cette connaissance soit raisonnée.

De la même manière qu'un homme peutaller puiser dans son passé les rancoeurs, les ressentiments et toutes les nostalgies qui lui interdiront d'agirlibrement dans le présent, les peuples peuvent aussi faire de leur histoire un usage qui leur soit préjudiciable.C'est pour cela que la connaissance du passé ne doit pas se faire sans précaution.

Tout le travail de l'historienconsiste dans ce difficile effort de dégager les faits des passions qui les accompagnent.

En restituant laconnaissance la plus objective du passé, les historiens offrent aux hommes la possibilité d'en faire un usagevéritablement critique. [Conclusion] Un peuple sans histoire perdrait jusqu'à son identité.

C'est par une connaissance objective et critique de leur passéque les peuples peuvent espérer agir efficacement et librement sur leur présent. SCHOPENHAUER (Arthur). Né à Dantzig en 1788, mort à Francfort-sur-le-Main eu 1860. Il fit des études de médecine à Göttingen, puis suivit les cours de Fichte à Berlin.

Il rencontra Goethe, voyagea en. »

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