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Aristote

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L'équitable, tout en étant supérieur à une certaine justice, est lui-même juste, et ce n'est pas comme appartenant à un genre différent qu'il est supérieur au juste. Il y a donc bien identité du juste et de l'équitable, et tous deux sont bons, bien que l'équitable soit le meilleur des deux. Ce qui fait la difficulté, c'est que l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il n'est pas possible de poser un énoncé général qui s'y applique avec rectitude. Dans les matières, donc, où on doit nécessairement se borner à des généralités, et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d'ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n'en est pas moins sans reproche, car la faute n'est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la matière des choses de l'ordre pratique revêt ce caractère d'irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et a péché par excès de simplification, de corriger l'omission et de se faire l'interprète de ce qu'eût dit le législateur lui-même s'il avait été présent à ce moment, et de ce qu'il aurait porté dans sa loi s'il avait connu le cas en question. De là vient que l'équitable est juste, et qu'il est supérieur à une certaine espèce de juste, non pas supérieur au juste absolu, mais seulement au juste où peut se rencontrer l'erreur due au caractère absolu de la règle. Telle est la nature de l'équitable : c'est d'être un correctif de la loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité. En fait, la raison pour laquelle tout n'est pas défini par la loi, c'est qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il est impossible de poser une loi, de telle sorte qu'un décret est indispensable. De ce qui est, en effet, indéterminé, la règle aussi est indéterminée, à la façon de la règle de plomb utilisée dans les constructions de Lesbos : de même que la règle épouse les contours de la pierre et n'est pas rigide, ainsi le décret est adapté aux faits. Aristote

« L'équitable, tout en étant supérieur à une certaine justice, est lui-même juste, et ce n'est pas comme appartenant à un genre différent qu'il est supérieur au juste.

Il y a donc bien identité du juste et de l'équitable, et tous deux sont bons, bien que l'équitable soit le meilleur des deux.

Ce qui fait la difficulté, c'est que l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale.

La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il n'est pas possible de poser un énoncé général qui s'y applique avec rectitude.

Dans les matières, donc, où on doit nécessairement se borner à des généralités, et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d'ailleurs les erreurs que cela peut entraîner.

La loi n'en est pas moins sans reproche, car la faute n'est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la matière des choses de l'ordre pratique revêt ce caractère d'irrégularité.

Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et a péché par excès de simplification, de corriger l'omission et de se faire l'interprète de ce qu'eût dit le législateur lui-même s'il avait été présent à ce moment, et de ce qu'il aurait porté dans sa loi s'il avait connu le cas en question.

De là vient que l'équitable est juste, et qu'il est supérieur à une certaine espèce de juste, non pas supérieur au juste absolu, mais seulement au juste où peut se rencontrer l'erreur due au caractère absolu de la règle.

Telle est la nature de l'équitable : c'est d'être un correctif de la loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité.

En fait, la raison pour laquelle tout n'est pas défini par la loi, c'est qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il est impossible de poser une loi, de telle sorte qu'un décret est indispensable.

De ce qui est, en effet, indéterminé, la règle aussi est indéterminée, à la façon de la règle de plomb utilisée dans les constructions de Lesbos : de même que la règle épouse les contours de la pierre et n'est pas rigide, ainsi le décret est adapté aux faits. Questions 1- Quelle est la thèse que veut défendre Aristote dans ce texte ? 2- Quelle thèse Aristote combat-il implicitement ici ? 3- Expliquez : l'équitable « est supérieur à une certaine espèce de juste, non pas supérieur au juste absolu, mais seulement au juste où peut se rencontrer l'erreur due au caractère absolu de la règle ». 4- Pensez-vous, comme Aristote, que l'équité soit une forme supérieure de justice ? Réponses 1) Aristote pose le problème de la nécessaire adéquation du fait à la loi.

Ce problème est de type logique : la loi est générale ; or, la réalité humaine est une suite de cas particuliers.

Comment, dès lors, adapter l'une à l'autre ? Aristote, pour résoudre le problème, différencie la justice et l'équité.

La justice pose la loi dans l'idéal, la règle absolue ; l'équité est son application aux cas particuliers de l'expérience. 2) Aristote se montre réaliste, pragmatique.

Il sait que l'acte de rendre la justice n'est pas identique à celui d'énoncer des principes : celui-ci est absolu, celui-là doit être relatif.

Aristote combat donc ici implicitement toute conception rigide, dogmatique, « absolutiste », transcendante de la loi — conception qui était celle de son maître Platon. 3) Aristote ne dit pas que la justice est une notion relative, mais qu'on doit faire de cette notion absolue une application relative.

Une loi statue sur des généralités, elle ne peut pas prendre en compte l'infinie diversité des cas particuliers — d'où « l'erreur due au caractère absolu de la règle » : une loi globalement juste ne peut pas l'être universellement ; une loi juste peut s'avérer en effet injuste dans tel ou tel cas particulier (que l'on songe aux lois fiscales ou au code pénal).

L'équité corrige ce que le principe peut avoir de rigide. 4) La justice est un lieu de rencontre de l'idéal et du réel : elle doit réunir ce qu'il y a de plus opposé — l'universel et le singulier, l'idée et l'événement, le principe et l'existence.

S'il suffisait d'appliquer la loi pour être juste, les tribunaux seraient inutiles, et le travail pourrait être accompli par des ordinateurs : tel acte, telle peine.

Or, on ne juge pas seulement un acte, on juge également les circonstances qui l'ont permis, et donc son auteur.

Le concept moderne de « circonstances atténuantes » est une dérivation de l'idée aristotélicienne d'équité.

Certes, un crime est un crime, mais il y a des crimes plus graves, plus impardonnables que d'autres. Cela dit, la prise en compte du particulier peut s'avérer dangereuse si elle s'accompagne de l'oubli des principes.

Il y aurait régression du droit à juger un homme plutôt que ce qu'il a fait.

La complexité presque absurde de notre loi fiscale, par exemple, montre que la prise en compte de cas toujours plus particuliers (il y a la règle, puis la dérogation à la règle, puis la dérogation à la dérogation, etc.), loin d'aboutir à une justice mieux accomplie, ne fait que fixer des. »

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