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Analyse de l'oeuvre littéraire de Marcel PROUST ?

Publié le 12/06/2009

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proust

Un nouveau Balzac? Au lecteur inattentif, l'oeuvre de Proust semble offrir essentiellement une galerie de portraits. Elle met en scène la société mondaine de la Belle Époque et fait défiler devant nos yeux des représentants de la vieille noblesse, des nouveaux riches, des artistes, des écrivains (Bergotte), des musiciens (Vinteuil), derrière lesquels il est parfois possible de reconnaître des contemporains que Proust a réellement fréquentés comme Anatole France et Reynaldo Hahn. La peinture de cette société mondaine est précise, la satire n'en est pas absente. S'agit-il alors d'une nouvelle Comédie humaine? Proust est-il un nouveau Balzac? Il n'en est rien. Proust dépeint non pas la société tout entière, mais les milieux étroits dans lesquels il a vécu; le peuple est presque totalement absent de son oeuvre. Il n'y est représenté que par les cuisinières et les valets de chambre. Par ailleurs, contrairement à Balzac, Proust s'attache aux individus et non aux lois générales de la société. Mais la différence la plus grande est que Proust donne à son oeuvre une perspective temporelle : nous saisissons ses personnages à diverses étapes de leur vie. D'autre part, au moment où Proust les peint, tous ces êtres sont morts ou sont tombés dans l'oubli. Ils n'existent plus que dans le souvenir de l'auteur et le lecteur ne comprend pas toujours quel intérêt ils présentent par eux-mêmes. Pourquoi Proust s'efforce-t-il d'évoquer ces fantômes? C'est pour sauver du néant son propre passé. Tous ces êtres d'autrefois lui restituent une part de lui-même. Ils sont les miroirs dont la convergence recrée sa propre image. Évoquer Swann est pour lui le moyen de faire revivre l'enfant qu'il fut; c'est aussi redonner consistance au jeune garçon qui plus tard fut amoureux de Gilberte, la fille de Swann. C'est encore recomposer le visage de l'homme qui fréquentait le salon de Mme Swann.

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« La magie La conception de Proust, en effet, est entièrement magique.

Témoin ce qu'il écrit un peu plus loin : « Je trouve trèsraisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque êtreinférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée; perdues en effet pour nous jusqu'au jour, qui pourbeaucoup ne vient jamais, où nous nous trouvons passer près de l'arbre, entrer en possession de l'objet qui est leurprison.

Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitôt que nous les avons reconnues, l'enchantement est brisé.Délivrées par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous.

»Par cet exposé préliminaire, Proust lui-même nous permet de mieux comprendre les pages suivantes dans lesquelles ilraconte comment la dégustation d'une madeleine trempée dans du thé a ressuscité pour lui une partie de son passé.L'âme de son enfance, l'âme de Combray, était enclose depuis longtemps, à l'insu de tous, dans cette madeleine,comme victime d'un maléfice.

Un geste fortuit (tremper la madeleine dans le thé) a eu la vertu de briserl'enchantement :« ...

Toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M.

Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela, quiprend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.

»On peut suggérer plusieurs clés pour interpréter ce texte.

En premier lieu, la pensée de Bergson (on sait que Proustavait suivi ses leçons).

Pour Bergson, le temps que décrit la science n'est qu'une convention utile; le passé existeen permanence, au même titre que le présent; ce sont les nécessités de la vie pratique qui nous contraignentd'ordinaire à le tenir à l'écart; mais si nous chassons un instant le réel immédiat de notre conscience, le passé est làderrière la porte, prêt à occuper la place.

Mais Proust est un poète; la source principale de ce texte est à chercherailleurs que dans une théorie psychologique.

Elle se trouve dans Les Mille et Une Nuits : c'est l'histoire du pêcheurqui trouve une bouteille dans son filet, la débouche par hasard et en voit sortir le génie qui y était enfermé.

Proustlui-même confirme cette interprétation dans « Le temps retrouvé » (édition du Livre de Poche, page 223). Une interdépendance tragique De même que le génie dans la bouteille avait besoin du pêcheur, le passé prisonnier a besoin, pour être libéré, qu'uninconnu fasse par hasard le geste nécessaire.

Le passé, pour revivre, a besoin des vivants.

Mais, inversement, lesvivants ont besoin du passé pour survivre : quand Proust retrouve le goût de son enfance dans la saveur de lamadeleine, il a en même temps l'impression d'être soudain affranchi des vicissitudes de l'existence; il cesse de sesentir « médiocre, contingent, mortel ».

Le libérateur, en retour, se trouve libéré.La conscience et le passé ont donc besoin l'un de l'autre; ils périront ensemble ou se sauveront l'un par l'autre.

Maisrien n'assure, hélas, qu'ils auront la chance de se rencontrer : le passé nous appelle mais nous ne l'entendons pas etnous passons cent fois à côté du salut sans le voir.

Ainsi la mort et la survie restent suspendues à une tragiqueincertitude. Une survie précaire De même la splendeur des choses a besoin, pour se perpétuer, du hasard d'une rencontre.

Il lui faut être recueilliepar une conscience.

Lesaubépines de l'enfance de Proust ne pouvaient savoir, dit-il en substance, que cet enfant pâle et maladif qui lescontemplait leur permettrait un jour de se survivre dans son regard et de parvenir par le biais de l'oeuvre de Proustjusqu'à nous, lecteurs, qui les continuons ainsi et leur faisons franchir une nouvelle étape du temps.

Elles nepouvaient le savoir, dit Proust, pas plus qu'un roi ne devine qu'il survivra grâce à un mémorialiste anonyme perdudans la foule qui se presse sur son passage.

Mais cette survie, outre qu'elle n'est pas toujours accordée, ne peutêtre que précaire car elle n'est que provisoire.

La mort n'est jamais vaincue, on ne peut que la retarder et gagnersur elle un sursis.

Proust perpétue les aubépines de son village et les confie à son oeuvre.

Les aubépines aurontdésormais la même survie que l'oeuvre, tout aussi incertaine.

Rien n'est gagné pour toujours; le combat contre letemps doit être sans cesse recommencé; le poète prend le relais des fleurs et les recueille quand elles meurent; lelecteur prend le relais du poète.

Qu'une interruption se produise dans cette chaîne et la mort aura gagné. Le temps et l'éternité Mais qu'importe la mort si elle n'est qu'une apparence? Si elle épargne l'essence des êtres et des choses? Dans LeTemps retrouvé, Proust bénéficie d'une ultime révélation qui est cette fois décisive.Tour à tour, la sensation sous ses pieds des pavés de la cour de l'hôtel des Guermantes et l'audition d'une sonatede Vinteuil ont pour effet, en réveillant en lui le souvenir de sensations semblables éprouvées dans le passé, d'abolirle temps.

Et Proust découvre que la mort lui est devenue « indifférente ».

«...

L'être qui était rené en moi, dit-il, nese nourrit que de l'essence des choses...

Une minute affranchie de l'ordre du temps a recréé en nous, pour la sentir,l'homme affranchi de l'ordre du temps.

Et celui-là...

on comprend que le mot "mort" n'ait pas de sens pour lui; situéhors du temps, que pourrait-il craindre de l'avenir? »Ainsi Proust dans son oeuvre est allé de Nerval à Platon.

Au terme de sa recherche, il découvre, derrière le moipérissable, l'âme immortelle, derrière les choses, leur essence, et derrière le temps, l'éternité.. »

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