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Alain: Qu'est-ce que le droit ?

Publié le 12/04/2005

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Qu'est-ce que le droit? C'est l'égalité. Dès qu'un contrat enferme quelque inégalité, vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit. Vous vendez; j'achète; personne ne croira que le prix fixé après débat, et d'un commun accord, soit juste dans tous les cas; si le vendeur est ivre tandis que l'acheteur est maître de son jugement, si l'un des deux est très riche et l'autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d'autres vendeurs tandis que l'acheteur est seul à vouloir acheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu'il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l'acheteur la connaît, dans tous les cas de ce genre je dirai que le prix payé est un prix d'occasion, et non un juste prix. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas égalité entre les parties. Qu'est-ce qu'un juste prix? C'est un prix de marché public. Et pourquoi? Parce que, dans un marché public, par la discussion publique des prix, l'acheteur et le vendeur se trouvent bientôt également instruits sur ce qu'ils veulent vendre ou acheter. Un marché, c'est un lieu de libre discussion. Alain

Alain propose dans ce texte une analyse du droit, en examinant les contrats justes et injustes ainsi que la nature du juste prix. Le droit est donc analysé dans le cadre des échanges entre hommes : ce texte suggère que le droit existe parce que les hommes échangent des biens ou des services entre eux. La sphère juridique aurait pour source la sphère économique et commerciale.  En outre, ce texte traite du délicat problème des conditions dans lesquelles un échange peut être juste.  Dans le premier mouvement du texte, Alain éclaire la notion de droit au moyen des notions d'égalité et de contrat et en faisant appel à nos intuitions communes : nous savons, de manière négative, qu'un contrat, c'est-à-dire un accord déterminant les conditions d'échange de biens ou de services, entre en contradiction avec l'équité lorsque l'égalité n'est pas respectée. Ce qui revient à dire que l'égalité est au moins une condition nécessaire du droit.  Alain oppose l'égalité à l'accord entre participants : contrairement à ce que soutiennent les doctrines libérales, l'accord et l'absence de contraintes dans la réalisation d'un accord ne sont pas des conditions suffisantes du caractère juste d'un contrat. La fin du premier paragraphe démontre cette thèse par des exemples, en examinant diverses violations de l'égalité. Le second paragraphe analyse la notion de juste prix en la liant à la publicité du débat. La justesse des échanges n'est donc pas incompatible avec le marché, pourvu que celui-ci soit éclairé par la discussion publique.  Vous pouvez, dans la discussion, mettre en valeur cette analyse de la justesse des échanges en la comparant aux thèses libérales et socialistes.

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« Trois moments distincts sont relevés dans cet extrait : Tout d'abord (ligne 1 à 3 : « Qu'est-ce que le droit ? [...] soit juste dans tous les cas; »), Alain aborde de front la question fondamentale qui donne l'orientation de son propos.

Le droit n'est pas, dans son effectivité,toujours juste. Cette injustice est illustrée (ligne 3 à 8 : « si le vendeur est ivre tandis que l'acheteur est maître de son jugement [...] et non un juste prix.

») par des exemples qui sont le cœur de l'argumentation alinienne. Enfin (ligne 8 à 12 : « Pourquoi ? [...] c'est un lieu de libre discussion.

»), Alain met en avant sa propre compréhension du droit véritable. I) Les inégalités contractuelles La première phrase de cet extrait nous donne d'emblée le ton et la portée philosophiques de celui-ci: « Qu'est-ce que le droit ? ».

Cette question est celle qu'Alain se propose de soulever ici.

Mais cette question s'ensuit directement d'une réponse.

Le droit est synonyme, selon Alain, d'égalité.

Il est vrai que le travail du droit est conçu,selon une des deux traditions de réflexion sur le juridique, comme capacité de supprimer progressivement lesinégalités naturelles.

Dès lors la notion d'égalité prend tout son sens puisqu'elle est la réponse contradictoire auxtenants du « droit naturel du plus fort » (cf.

Calliclès dans le Gorgias de Platon).

Le droit a alors pour tâche de mettre de l'ordre dans un monde d'emblée chaotique. Étrangement, Alain prend ensuite, pour ainsi dire, le contre pied du droit dans son effectivité.

Le sens commun voitainsi, dans certains de nos échanges contractualisés, se manifester des inégalités ! Alain, par l'usage du « vous », introduit un début de critique de la contractualisation du libre échange.

L' « accord »entre les parties n'est donc pas obligatoirement le fait d'un respect du droit mais, bien au contraire, peut êtregénérateur de violation du droit ! Ici, Alain met en opposition justice et droit.

Si le premier prévoit, dans notrequotidien, la possibilité d'un accord amiable entre deux personnes sur l'échange d'un bien, il n'est cependant pasgarant de la finalité « juste » du prix débattu par celles-ci.

S'accorder sur un prix ne serait donc pas la conditionsuffisante d'une égalité préservée entre le vendeur et l'acheteur.

Cela semble discutable puisque l'échange juste estbasé sur la finalité de cet accord entre les deux parties ! Comment Alain justifie-t-il cette opposition entre le droitpratique et la justice effective ? II) L'iniquité du droit Nous retrouvons ici la singularité alinienne, ce dernier cherchant toujours à établir la philosophie à partir decommentaires sur les cas concrets et actuels.

Il déclare d'ailleurs, précédemment dans l'oeuvre, qu'il a pour objectifde « relever l'entrefilet au niveau de la métaphysique ».

Les expériences ne doivent pas être méprisées, selon lui,par le philosophe.

Elles ne doivent pas non plus être laissées telles qu'elles, sans analyse. C'est la raison pour laquelle Alain utilise, ici, les cas concrets qui permettent de mettre en exergue sonargumentation.

Le droit d'échange peut être générateur d'injustice dans les cas qu'il énonce : l'ivresse du vendeurpar rapport à la sobriété de l'acheteur, ce premier étant désavantagé dans cette situation car n'étant plus vraimentmaître de son jugement.

Rappelons que le symbole de la justice est la balance, ce qui conforte l'idée d'Alain selonlaquelle le droit doit être compris comme égalité.

Tous les exemples qui suivent donnent à penser des cas d'inégalitédans le cadre d'un échange pourtant validé par le droit.

Ivresse du vendeur/sobriété de l'acheteur, richesse del'un/pauvreté de l'autre, concurrence de vendeurs/acheteur seul, ignorance du vendeur sur la valeur de sonproduit/connaissance de l'acheteur... Alain relève ici les cas ou l'accord entre le vendeur et l'acheteur, bien que validé par le droit d'échange, sontporteurs d'inégalités intrinsèques.

C'est en ce sens qu'Alain en vient à exprimer la notion de « prix d'occasion », par opposition à celle du « juste prix ».

Sous cette idée pointe celle d'une critique du droit politiquement construit.

Le droit qui gouverne les échanges entre les hommes semble donc, au regard de ces exemples, inique ! III) Les vertus de la démocratie contre l'iniquité du libéralisme Cette critique d'Alain est certes, en considération des éléments du texte, en filigrane dans cet extrait.

Mais c'estjustement à partir de sa réponse à la question « Pourquoi [est-ce un prix d'occasion et non un juste prix ?] », que celle-ci apparaît plus clairement.

Le « prix d'occasion » interviendra plus facilement dans le cadre d'une négociationprivée, avec toutes les inégalités énumérées par Alain précédemment.

En effet, celles-ci peuvent plus facilementopérer lorsqu'elles ne subissent pas le contrôle et le regard public.

Cette considération d'un libre échange entre deuxpersonnes est bien celle, politique, du libéralisme qui tend à minimiser l'intervention étatique dans le cadre deséchanges entre personnes.

Rien, dès lors, ne les empêche de contracter des accords entre eux, indépendammentde la présence d'une tierce personne.

Mais alors, dans quel cadre un échange équitable, égalitaire, est-il pensableet possible ? Alain formule sa réponse en montrant que le « juste prix » est possible exclusivement dans le cadre d'une discussionpublique, dans un espace public d'échanges.

Comment cela ? Pourquoi et comment une discussion publique pourrait-. »

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