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Alain, Les Idées et les Ages, Livre IX « Les natures », chapitre V « Vouloir »

Publié le 27/02/2008

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Alain, Les Idées et les Ages, Livre IX « Les natures », chapitre V « Vouloir » Tout choix est fait. Ici la nature nous devance, et jusque dans les moindres choses ; car, lorsque j'écris, je ne choisis point les mots, mais plutôt je continue ce qui est commencé, attentif à délivrer le mouvement de nature, ce qui est plutôt sauver que changer. Ainsi je ne m'use point à choisir ; ce serait vouloir hors de moi ; mais par fidélité je fais que le choix, quel qu'il soit, soit bon. De même je ne choisis pas de penser ceci ou cela ; le métier y pourvoit, ou le livre, ou l'objet, et en même temps l'humeur, réplique du petit monde au grand. // Mais aussi il n'est point de pensée qui ne grandisse par la fidélité, comme il n'est point de pensée qui ne sèche pas le regret d'une autre. Ce sont des exemples d'écrivain. Revenons au commun métier d'homme. Nul ne choisit d'aimer, ni qui il aimera ; la nature fait le choix. Mais il n'y a point d'amour au monde qui grandisse sans fidélité ; il n'y a point d'amour qui ne périsse par l'idée funeste que le choix n'était point le meilleur. Je dis bien plus ; l'idée que le choix était le meilleur peut tromper encore, si l'on ne se jette tout à soutenir le choix. // Il n'y a pas de bonheur au monde si l'on attend au lieu de faire, et ce qui plaît sans peine ne plaît pas longtemps. Faire ce qu'on veut, ce n'est qu'une ombre. Être ce qu'on veut, ombre encore. Mais il faut vouloir ce qu'on fait. Il n'est pas un métier qui ne fasse regretter de l'avoir choisi, car lorsqu'on le choisissait on le voyait autre ; aussi le monde humain est rempli de plaintes. N'employez point la volonté à bien choisir, mais à faire que tout choix soit bon.-         Il semble a priori que le choix appartienne à la classe des actions dites volontaires, c'est-à-dire encore qui témoignent de la liberté humaine en tant que produit de la volonté. Pour autant, tout ce qui est volontaire n'est pas un choix. Tout acte volontaire n'est pas, en effet, le résultat d'un choix. La volonté semble ainsi ce qui définit le choix mais non pas de manière spécifique et exclusive. -         Or, ce que l'on peut justement remettre en question c'est précisément le fait que le choix soit oeuvre de notre volonté propre en tant qu'on entend celle-ci comme figurative de notre propre liberté. -         Dans Les Idées et les Ages, Alain s'interroge justement sur la nature de ce choix et est amené, par conséquence, à donner une définition originale de la liberté.
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« ne choisis point les mots, mais plutôt je continue ce qui est commencé, attentif à délivrer le mouvement denature, ce qui est plutôt sauver que changer.

Ainsi je ne m'use point à choisir ; ce serait vouloir hors de moi ;mais par fidélité je fais que le choix, quel qu'il soit, soit bon.

De même je ne choisis pas de penser ceci ou cela ; lemétier y pourvoit, ou le livre, ou l'objet, et en même temps l'humeur, réplique du petit monde au grand.

» Alain expose sa thèse selon laquelle le choix n'est pas, comme on le pense et le ressent spontanément, l'œuvrede notre volonté libre.

Pour lui, en effet, « tout choix est fait », c'est-à-dire encore qu'il n'est pas un produitde notre volonté, il ne vient pas après nous et après délibération : il est toujours déjà là et semble s'imposer ànous, nous être imposé par la nature.On peut penser en effet que la nature choisit déjà beaucoup pour nous et avant même que nous soyons enâge de faire des choix délibérés : ce corps particulier nous est imposé, ces parents nous sont imposés, cetteville, etc.

Bref, tout se passe comme ci la nature choisissait déjà pour nous tout ce qui compose notreenvironnement tant extérieur qu'intérieur.

Dès lors, il faut bien reconnaître, dans cette perspective, que cenous sentons comme une œuvre de notre volonté – et a fortiori une preuve de notre liberté – n'est en réalitépas de notre chef.

Nous nous trompons donc lorsque nous concevons le choix comme le produit de notrevolonté libre.Alain illustre alors sa pensée en se prenant lui-même, en tant qu'écrivain-philosophe, comme objet d'analyse :les mots viennent, ils ne sont pas à proprement choisis.

Ils découlement naturellement du fait du projet d'écrire un livre.

En ce sens, l'on pourrait tout à fait dire que nous ne sommes pas libres d'écrire tel ou tel mot,puisqu'ils ne sont pas œuvre d'une volonté libre mais plutôt continuation naturelle d'un projet qui les devance. Les mots qui se couchent alors sur le papier ne sont pas figuratif d'une créativité qui trancherait avec unemouvement toujours commencé : au contraire, ils en sont le mouvement même, ils sont ce qui en assure lapérennité.En ce sens le sujet ne « s'use point à choisir » puisqu'il ne va jamais à l'encontre de rien : le choix n'est pas unchoix tel qu'il irait à l'encontre d'un mouvement naturel, il est ce mouvement naturel lui-même dans saperpétuation et son développement dynamique.

« vouloir hors de moi » c'est vouloir contre ma propre nature.Là, en l'occurrence je m'userai puisque cela consisterait en une lutte contre moi-même.En réalité, et c'est le corollaire, ou plutôt la conséquence de la thèse selon laquelle le choix est toujours déjàlà avant nous comme une expression de la nature, la liberté réside en réalité dans le fait que « par fidélité jefais que le choix, quel qu'il soit, soit bon ».

Voici exposé les deux versants de la thèse d'Alain : non seulementle choix n'est pas comme on le sent spontanément œuvre de la volonté mais qu'au contraire il nous devancetoujours déjà, mais encore la liberté est dans la sauvegarde, dans la perpétuation de choix qui n'est pourtantpas mon propre produit.

La liberté n'est donc pas dans l'acte de choisir mais dans la conduite conforme à cechoix qui s'impose toujours d'emblée à moi.

il s'agit donc d'intérioriser ce choix comme le mien en ce sens quec'est ce qui rend possible le fait que je le considère toujours comme étant le bon.

Dans les faits, ce choix n'estjamais d'emblée le mien : ce qui le rend mien c'est que j'agisse toujours en vue de sa perpétuation et en vuede le considérer toujours comme étant le bon, c'est-à-dire comme étant celui qu'il fallait faire.L'exemple que donne Alain, celui où il affirme justement qu'il ne choisit pas de penser telle ou telle chose maisqu'il le reçoit de son métier, de sa propre nature plus généralement, illustre tout à fait cette double thèse : cen'est pas parce que telle pensée n'est pas l'œuvre à proprement parler de ma volonté mienne que je ne suispas libre : c'est en considérant toujours que cette pensée est la bonne, et même la meilleure qui puisse être,et en faisant tout ce qu'il est possible de faire pour toujours la considérée comme telle que je suis libre.

Laliberté réside donc dans la fidélité à un choix que je n'ai pourtant pas moi-même fais.

En ce sens la liberté estl'intériorisation d'une extériorité qui m'est imposé comme telle mais que je dois pourtant, de ma propre volonté,toujours faire qu'elle se perpétue. - 2e MOUVEMENT « Mais aussi il n'est point de pensée qui ne grandisse par la fidélité, comme il n'est point de pensée qui ne sèche pas le regret d'une autre.

Ce sont des exemples d'écrivain.

Revenons au commun métier d'homme.

Nul ne choisitd'aimer, ni qui il aimera ; la nature fait le choix.

Mais il n'y a point d'amour au monde qui grandisse sans fidélité ; iln'y a point d'amour qui ne périsse par l'idée funeste que le choix n'était point le meilleur.

Je dis bien plus ; l'idée quele choix était le meilleur peut tromper encore, si l'on ne se jette tout à soutenir le choix.

» En réalité, si telle pensée m'est imposée par la nature (c'est-à-dire par des choses que d'emblée je considèrecomme extérieur à moi et que je pourrais appeler déterminisme : mon environnement, mon métier, etc.), maliberté réside dans le fait d'intérioriser cette pensée comme étant la mienne et de toujours la considéréecomme étant la meilleure (relativement à moi-même).

Car c'est en restant fidèle à une pensée que d'une partelle grandit (parce qu'en refusant de l'abandonner je la fais vivre et par là même je l'enrichis toujours) et qued'autre part je ne suis pas ronger par le regret : comprendre que l'acte de la liberté ne se situe pas dans lechoix lui-même mais dans la fidélité à ce choix qui nous est imposer par la nature, c'est se prémunir contre leregret.Si donc le choix n'est pas mon œuvre, celle de ma volonté libre, alors je n'ai pas à regretter de n'avoir paschoisi telle autre pensée plutôt que celle-là.

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre que la libertése situe, en acte, dans la fidélité à un choix qui nous est pourtant d'abord toujours imposé.

C'est lorsqu'oncommence à croire qu'on aurait pu choisir autre chose – ce qui pour Alain est une pure illusion – que le regretnous prend.Pour être plus concret encore, Alain choisit de prendre des exemples qui ne touchent plus simplement l'hommeécrivain et philosophe, mais l'homme en général.

L'exemple de l'amour est en ce sens frappant : qui pourra dire. »

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