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Alain: La science contre l'apparence

Publié le 18/04/2009

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alain
Il faut toujours remonter de l'apparence à la chose ; il n'y a point au monde de lunette ni d'observatoire d'où l'on voit autre chose que des apparences. La perception droite, ou, si l'on veut, la science, consiste à se faire une idée exacte de la chose, d'après laquelle idée on pourra expliquer toutes les apparences. Par exemple, on peut penser le soleil à deux cents pas en l'air ; on expliquera ainsi qu'il passe au-dessus des arbres et de la colline ; mais on n'expliquera pas bien que les ombres soient toutes parallèles ; on expliquera encore moins que le soleil se couche au-delà des objets les plus lointains ; on n'expliquera ement comment deux visées vers le centre du soleil, aux deux extrémités d'une base de cent mètres, soient comme parallèles. Et, en suivant cette idée, on arrive peu à peu à reculer le soleil, d'abord au-delà de la lune, et ensuite bien loin au-delà de la lune, d'où l'on conclura que le soleil est fort gros. Je ne vois point que le soleil est bien plus gros que la terre ; mais je pense qu'il est ainsi. Il n'y a point d'instrument qui me fera voir cette pensée comme vraie. Cette remarque assez simple mettrait sans doute un peu d'ordre dans ces discussions que l'on peut lire partout sur la valeur des hypothèses scientifiques. Car ceux qui se sont instruits trop vite et qui n'ont jamais réfléchi sur des exemples simples, voudraient qu'on leur montre la vérité comme on voit la lune grossie dans une lunette. Alain

Alain annonce tout d’abord qu' «il faut toujours remonter de l’apparence à la chose «. On note dans cette expression que le philosophe établit une hiérarchie entre les apparences, c'est-à-dire ce que l’on perçoit, et ce qui est véritablement ; il préconise que chacun fasse un mouvement ascendant vers la chose. Selon Alain, il est nécessaire de s’éloigner des apparences. En effet, tout ce que nos sens nous donnent à voir, entendre, sentir, sont des apparences, par opposition à l’essence de ce qui nous entoure, à l’ « être «, et ce quelle que soit la manière dont on perçoit les choses puisqu’il « n’y a point de lunette ni d’observatoire d’où l’on voit autre chose que des apparences «. Cela signifie que, que je regarde une fourmi sur le sol de ma hauteur habituelle, ou que je l’observe au microscope, certes ma perception de la fourmi n’aura pas la même précision, mais celle-ci ne pourra me fournir que l’apparence, que les qualités de la fourmi en question.  Alain nous donne ensuite la clef au problème qu’il vient de poser, la possibilité de l’ébranlement de l’essence même des choses : ce serait « la perception droite, ou si l’on veut, la science «. Selon Alain, seule la science est susceptible d’offrir autre chose que des apparences, autre chose qu’une multiplicité d’existences. C’est d’ailleurs en ce sens qu’on comprend l’opposition entre « la chose « et « toutes les apparences. L’apparence relève de l’individuel, du contingent, de ce qui pourrait être autrement ; en revanche, ce qui réfère à la chose, c’est l’essence, l’idée, le concept, l’universel. Ainsi, quand bien même j’aurais observé toutes les fourmis, je ne pourrais pas affirmé les avoir observé dans leur universalité, puisque je n’ai pas pu observé les fourmis passées ou futures. On retrouve donc là une intertextualité avec le texte d’Aristote, fondateur de la science, dans ses Seconds Analytiques : L’observation est de l’ordre de l’individuel, alors que la science touche à l’universel.

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