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Alain: La raison modifie-t-elle la perception sensorielle ?

Publié le 11/03/2005

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alain
On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucune interprétation. Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique. Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique. Exercez-vous sur d'autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurer ses premiers pas. Au surplus il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et marqué de points noirs. Je ne le vois jamais en même temps de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps, pas plus du reste que je ne les vois égales en même temps. Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches. Et je vois cette chose même que je touche. Platon, dans son Théétète, demandait par quel sens je connais l'union des perceptions des différents sens en un seul objet. Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une des faces. On ne fera pas difficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissent seulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaître un cube ? Par où il apparaîtrait que la perception est déjà une fonction d'entendement [...] et que l'esprit le plus raisonnable y met de lui-même bien plus qu'il ne croit. [...] Et nous voilà déjà mis en garde contre l'idée naïve dont je parlais.

Dans ce texte, Alain s’interroge sur la manière dont nous connaissons les objets en fondant sa réflexion sur l’analyse d’une situation concrète : comment prend t-on connaissance d’un dé à jouer ? Le dé est un objet sensible. Il s‘offre donc spontanément à la perception. Connaître un dé, c‘est le percevoir. Mais comment le perçoit-on ? Sous sa simplicité apparente, ce problème comporte une grande complexité. L’opinion commune croit que c’est le toucher qui nous fait connaître le dé. Cependant le dé ne comporte pas qu’une dimension tactile. En effet le dé comprend une pluralité de dimensions qui correspondent à autant de faculté épistémiques différentes : les arrêtes, les pointes, les plans durs et lisses s’offrent au toucher ; les face de couleur s’offrent à la vue; les nombres sur chaque face à l’esprit. Or cette complexité pose un problème : comment pouvons -nous connaître cet objet comme un alors qu’il comporte une pluralité de dimensions correspondant à une pluralité de facultés épistémiques ? La thèse soutenue par Alain est la suivante : c’est par l’entendement seul que l’on peut unifier toutes les dimensions et percevoir le dé comme objet un. Cette thèse se présente comme une critique de l’opinion commune spontanément sensualiste à l’égard de la connaissance et prend la forme d‘une enquête par élimination progressive des hypothèses. La démonstration se fait en trois moments corollaires : tout d’abord Alain met à jour les limites du toucher qui ne peut appréhender un objet un, mais seulement une multiplicité d’apparences; ensuite la même impossibilité de connaître l’objet dé est révélée à l’égard de la faculté optique qui ne peut appréhender simultanément toutes les faces du dé, enfin, l’opération de reconnaissance révèle l’intervention de l’entendement dans la perception;

alain

« donc spontanément à la perception.

Connaître un dé, c‘est le percevoir.

Mais comment le perçoit-on ? Sous sasimplicité apparente, ce problème comporte une grande complexité.

L'opinion commune croit que c'est le toucher quinous fait connaître le dé.

Cependant le dé ne comporte pas qu'une dimension tactile.

En effet le dé comprend unepluralité de dimensions qui correspondent à autant de faculté épistémiques différentes : les arrêtes, les pointes, lesplans durs et lisses s'offrent au toucher ; les face de couleur s'offrent à la vue; les nombres sur chaque face àl'esprit.

Or cette complexité pose un problème : comment pouvons -nous connaître cet objet comme un alors qu'ilcomporte une pluralité de dimensions correspondant à une pluralité de facultés épistémiques ? La thèse soutenuepar Alain est la suivante : c'est par l'entendement seul que l'on peut unifier toutes les dimensions et percevoir le décomme objet un.

Cette thèse se présente comme une critique de l'opinion commune spontanément sensualiste àl'égard de la connaissance et prend la forme d‘une enquête par élimination progressive des hypothèses.

Ladémonstration se fait en trois moments corollaires : tout d'abord Alain met à jour les limites du toucher qui ne peutappréhender un objet un, mais seulement une multiplicité d'apparences; ensuite la même impossibilité de connaîtrel'objet dé est révélée à l'égard de la faculté optique qui ne peut appréhender simultanément toutes les faces du dé,enfin, l'opération de reconnaissance révèle l'intervention de l'entendement dans la perception; I Critique d'une thèse commune : c'est le toucher qui nous instruit _ La thèse critiquée par Alain est une thèse commune qui affirme que la connaissance du dé se fait par les sens : « on soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit ».

Cette thèse comporte deux volets : le premierpositif est l'affirmation de la faculté tactile comme assurant pleinement le moyen de la connaissance, le secondvolet est négatif et rejette la nécessité de l'intervention de l'esprit dans l'entreprise de connaissance du dé : « parconstatation pure et simple, sans aucune interprétation » et elle consacre par là même l'indépendance de cetteconnaissance tactile.

Dès le début du texte, Alain s'inscrit en faux contre cette thèse sensualiste en affirmantl'impossibilité de connaître le dé par le seul toucher _ S'il est impossible de connaître le dé par le toucher, c'est que le toucher n'appréhende pas le dé cubique : « je netouche pas ce dé cubique ».

Il importe ici de bien analyser l'opération de la connaissance pour prendre consciencede ce fait.

Lorsque avec mes doigts, je me borne à toucher, ce n'est pas le dé que je touche, mais seulement desarêtes, des pointes, des plans durs et lisses ».

Le toucher n'appréhende qu'une multiplicité d'apparences qui sedonnent comme séparées.

En effet ce n'est pas simultanément que je touche ces apparences, maissuccessivement, c'est-à-dire selon un ordre temporel qui me contraint à ne toucher qu'une seule chose à la fois,l'une après l'autre et jamais en même temps.

Ainsi le dé cubique se dérobe au toucher qui ne peut donc le connaître. _ L'entendement seul connaît le dé.

En effet pour connaître une chose, il faut d'abord avoir affaire à une chose etnon pas à une multiplicité d'apparences séparées les unes des autres.

Ainsi pour connaître l'objet comme cubique, ilme faut pouvoir réunir la multiplicité de ses apparences à un seul objet.

Et la synthèse de ces apparences se faitpas le jugement : « réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique ».

End'autres termes la connaissance se fait en deux moments : par mes sens, je recueille passivement une multiplicitéd'apparences, et c'est mon esprit qui unifie cette multiplicité en un objet.

Et c'est par mon jugement que je peuxassigner à l'objet dé la propriété d'être cubique. Quoique l'on pense spontanément, ce ne peut être par le toucher que l'on connaît.

Il importe donc de bien prendreconscience de cet argument pour ne pas être dupe d'une opinion naïve et se méfier d'une connaissance qui seréduirait à une simple réception passive. II Seconde critique d'une thèse commune : il suffit de constater sans interpréter _ Constater, c'est borner son esprit à être dans une attitude de réception passive, sans aucune action propre.

Ence sens l'esprit en connaissant ne ferait qu'appréhender ce qui est déjà donné.

Pour que cette thèse soit vraie, ilfaut donc que je puisse connaître le dé en me bornant à recevoir ce que me donnent mes sens; Or là encore Alains'oppose à cette thèse ne montrant son impossibilité : « au surplus il est assez clair que je ne puis pas constatercomme un fait donné à mes sens ».

Cette impossibilité est manifeste dans l'incapacité des sens d'appréhendersimultanément la pluralité des propriétés sensibles: « ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout etmarqué de points noirs ».

De la même manière que la faculté tactile précédemment, la faculté optique ne peutappréhender simultanément des apparences qui se présentent à mes sens sur le mode de la successivité.

Ainsi « jene le vois jamais en même temps et partout et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même tempspas plus du reste que je ne les vois égales en même temps ». _ Nous sommes alors face à une contradiction manifeste : il m'est impossible par mes seuls sens de voirsimultanément les différentes faces, et pourtant »c'est un cube que je vois, à faces égales et toutes égalementblanches ».

Je vois ce que ma vision seule ne pet me permettre de voir.

Comment puis-je alors voir toutes cesdimensions que mon œil n'appréhende pas ? La thèse se radicalise encore avec cette phrase : « et je vois cettechose même que je touche »; Non seulement ma vision seule ne me permet pas seule de voir le cube, mais le cubese présente à moi comme un objet unifié comportant pourtant deux dimensions sensibles différentes : le voir et letoucher; comment puis-je alors unifier ma vision et mon toucher si ce n'est ni par l'un ni par l'autre que l'objet dépeut être appréhendé ? Alain fait alors une référence à la fin du dialogue de Platon le Théétète qu « se demandait par quel sens je connais l'union des perceptions des différents sens en un seul objet ».

La distinction platonicienneentre ce par quoi je connais (l'âme)et ce au moyen de quoi( les sens) je connais nous met déjà sur la voie de lasolution;. »

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